L’industrie de l’assurance ignore une grande partie du marché qu’elle pourrait aller chercher en ne visant que les babyboumeurs. En effet, ce sont cinq-millions de ménages canadiens qui ont besoin de plus d’assurance vie.Ces propos sont ceux de Brent Lemanski, vice-président adjoint des relations-clients de LIMRA et LOMA Canada. Il a pris part au Congrès de l’assurance et de l’investissement 2012 dans une conférence portant sur le développement des affaires destinée aux conseillers financiers canadiens. Il a aussi présenté les données les plus récentes de LIMRA concernant les besoins d’assurance des Canadiens.

Il a ainsi révélé que ce sont 50 % des Canadiens qui n’ont aucune assurance vie individuelle. De plus, 40 % d’entre eux n’ont pas d’assurance collective. La proportion des Canadiens qui n’ont aucune assurance vie sous une quelconque forme atteint 20 %. Cette carence n’est pas nouvelle, fait savoir M. Lemanski, car ces chiffres sont les mêmes que ceux enregistrés il y a dix ans.

Il y a ainsi un grand marché caché pour l’industrie, dit M. Lemanski. « En plus, ces gens savent qu’ils sont sous-assurés ou pas assurés du tout. On parle de 5 millions de ménages canadiens qui ont besoin de plus d’assurance vie. Nos études estiment que 2,9 millions de ménages canadiens se disent prêts à contracter une assurance. Ça représente des primes de 1 milliard de dollars (G$), pour des couvertures de 371 G$. Si ce sont les 5 millions de ménages qui achètent, on parle alors de primes totalisant 2 G$, et de 985 G$ en protections », dit M. Lemanski, en précisant qu’il s’agit là de chiffres prudents.

Le contact en personne privilégié

Cette réalité cache toutefois une bonne nouvelle pour les conseillers financiers. Peu importe la catégorie d’âge, c’est le contact en personne que les Canadiens privilégient pour acheter leurs couvertures d’assurance vie.

« Il faut toutefois prendre en compte qu’Internet change la façon dont les jeunes recherchent de l’information et agissent. De plus en plus de gens recherchent en ligne. Ils étaient 23 % à le faire, en 2003, et sont 61 %, en 2012. Je suis convaincu que cette proportion va encore augmenter, en 2013 », dit M. Lemanski.

Les médias sociaux sont aussi appelés à venir changer la donne. Ils modifient déjà la façon dont nous interagissons, dit M. Lemanski. Lors du Congrès, il a d’ailleurs donné l’exemple de sa belle-fille étudiante à l’Université McGill, partie en France trois mois, cet été, pour améliorer son français. Deux fois par semaine, elle parlait à sa mère par vidéo, qui imprimait chaque fois une nouvelle photo pour coller sur son réfrigérateur.

« Ce sera pareil en assurance. La connectivité donne plus d’une façon de rester en liaison avec le client. Plusieurs compagnies vont lancer des applications pour leurs conseillers. Il faut s’attendre à une explosion », dit-il.

La base de la vente d’assurance n’a toutefois pas changé. 73 % des répondants, qui avaient confié avoir besoin d’assurance vie, ont acheté après avoir rencontré un conseiller. « C’est un marché énorme. Leur plus grand obstacle avant d’acheter est de trouver un conseiller en qui ils ont confiance. Ils ont de la difficulté à le faire et en plus, ils procrastinent dans leur démarche », dit M. Lemanski.

Les assureurs et les intermédiaires dans le marché doivent aussi tenir compte de trois tendances émergentes. La première est la diversité qu’on retrouve dans le marché, tant au point de vue démographique qu’ethnique. « Le visage du Canada change. Il faudra en considérer les impacts », dit M. Lemanski.

Par ailleurs, les assureurs et les conseillers devront s’outiller d’une plus grande variété de produits et de services. « Ce sera encore plus difficile de le faire dans un environnement de bas taux d’intérêt. Il faut donc s’attendre à une nouvelle vague de changement de design de produits, ce qui amènera un niveau de complexité supplémentaire pour le consommateur », dit-il. La dernière tendance a trait à la variété des canaux de communication, qui changeront la façon dont le client contractera son assurance.

Qui a du succès et qui n’en a pas?

LIMRA a mené une étude auprès de 1 300 conseillers américains, segmentés selon leur taille, pour voir qui avait du succès et qui n’en avait pas. Deux choses en sont ressorties, dit M. Lemanski. La première est que ceux qui travaillent dans un mode de collaboration ont deux fois plus de chance d’avoir du succès que ceux qui travaillent seuls.

Le mode du conseiller travaillant seul est d’ailleurs le premier à avoir vu le jour dans l’industrie. Par la suite, les plus performants ont fait appel aux services d’une adjointe pour les aider. Ceux qui ne l’ont pas fait ont frappé un mur, rappelle M. Lemanski. Puis, certains conseillers ont commencé à partager des ressources et des dépenses. La taille des assureurs a toutefois réduit leur efficacité, d’où l’émergence d’un quatrième modèle, soit l’association d’un conseiller junior et d’un conseiller sénior. L’étude de LIMRA a démontré que les conseillers qui travaillent de cette façon sont ceux qui connaissent le plus de succès. Le conseiller sénior garde les clients plus fortunés, tandis que le conseiller junior travaille avec les moins nantis. « Il y aura beaucoup de transferts de fortunes dans le futur. On voit aussi que cette richesse suit la relation, pas l’institution. Suivez l’héritier, pas la personne qui donnera l’héritage. Un jour ou l’autre, l’argent ira au conseiller des héritiers. Pas l’inverse. Si vous êtes assis sur un gros bloc de vieux clients, pensez à vous adjoindre les services d’un jeune à votre pratique », dit-il.