Qu’il s’agisse des assistants virtuels de Sun Life ou d’iA Groupe financier, ou du programme Alerte lancé dernièrement par Desjardins, l’industrie mise davantage sur l’intelligence artificielle et le traitement des données pour transformer sa relation avec le client.

Avec la multiplication des objets connectés, les assureurs ont désormais entre les mains des quantités prodigieuses de données émanant de leurs clients. Grâce à ces informations, les risques deviennent individualisés, l’intelligence artificielle permettant aujourd’hui de traiter un maximum de données. S’amorce alors l’une des plus grandes transformations dans l’histoire de cette industrie, qui place l’assuré au cœur du processus.

Juergen Weiss est vice-président de Gartner, une entreprise américaine qui se spécialise dans le conseil et la recherche dans le domaine des techniques avancées. Présent au Forum Fintech qui s’est tenu dernièrement à Montréal, il prévoit une innovation technologique qui se fera de plus en plus au service de l’expérience client. « Dans l’écosystème de l’Insurtech, 11 % des startups se consacrent aux appareils connectés, 18 % à la recherche sur les produits, 19 % sur l’analyse de données et 28 % sur l’innovation en matière de service au client », a-t-il résumé, citant des données de l’étude Gartner Startup Database. Ce sont ainsi les trois quarts (76 %) des jeunes pousses de l’industrie qui se consacrent à l’amélioration de la relation entre assureurs, distributeurs et consommateurs.

Chez nos voisins américains, de nombreuses startups se sont lancées, s’appuyant sur la complémentarité avec des assureurs ou des banques. Parmi celles qui exercent dans le traitement des réclamations ou la prévention des risques (et donc des pertes du point de vue des assureurs), les nouvelles venues se nomment Nauto, qui rend la conduite plus sûre grâce à l’exploitation des données, Snapsheet, qui réduit le temps de traitement des réclamations, OneEvent, qui prévient les risques, ou encore Drive Spotter, qui utilise l’analyse vidéo en temps réel pour sécuriser la conduite d’une flotte de véhicules.

SophiA, l’assistante virtuelle d’iA Groupe financier

Selon un sondage effectué par Google et cité par M. Weiss, 70 % des propriétaires de téléphones intelligents sont intéressés par le fait de faire les choses en parlant plutôt qu’en touchant ou tapant.

Face à ce constat, les assureurs s’orientent peu à peu dans le déploiement de nouveaux produits et services, afin de créer de la valeur ajoutée dans leur interaction avec le client. Ainsi, au Canada, Sun Life a lancé le mois dernier Ella, un assistant virtuel destiné aux clients des régimes d’assurance et de retraite collectifs. iA Groupe financier travaille sur un prototype du même genre nommé Sophia. Manuvie collecte les données liées à la santé et incite les clients à faire de l’exercice physique grâce au programme Vitalité.

Assister le client tout au long de la journée

« Nous voulons être de plus en plus proches de nos clients, la proximité est le plus important chez iA. Nous voulons assister le client dans tous les moments de sa journée », explique Renée Laflamme, vice-présidente exécutive, solutions d’assurance et d’épargne collectives, chez iA Groupe financier.

D’où le lancement à venir de l’assistante virtuelle SophiA, « une intelligence artificielle qui facilite la réclamation et simplifie toutes les étapes de la réclamation ». Elle propose aussi des conseils et services au consommateur, en fonction des différentes étapes de sa vie (mariage, enfants, études des enfants, retraite, etc.). SophiA réagira grâce à un système de reconnaissance vocale, car, comme le précise Mme Laflamme, d’ici à 2020, 30 % des opérations liées aux technologies de l’information se feront sans écran.

Sun Life a de son côté pris les devants puisque l’assureur basé à Toronto a lancé en septembre dernier, Ella, un coach numérique interactif conçu pour aider les clients à tirer le maximum de leurs régimes de retraite et de garanties collectives. Et au fil du temps, l’intelligence artificielle permettra de rendre Ella de plus en plus interactive et de couvrir un plus vaste choix de services liés aux soins de santé.

Selon Wayne Millar, vice-président, markéting et solutions digitales, chez Sun Life, le défi lié à l’optimisation du traitement des réclamations est immense pour l’assureur qui doit traiter 15 millions de réclamations par an, soit 1,6 réclamation par seconde. Autant dire que les enjeux sont énormes. Et là encore, l’interaction se fera par la voix, grâce à la reconnaissance vocale.

« Pour Google Home par exemple, le taux d’adoption est plus rapide que pour le téléphone mobile. On estime que 10 % en seront équipés d’ici la fin de 2017, souligne M. Millar. Google estime d’ailleurs que d’ici 2020, 50 % des recherches se feront par la voix. »

Desjardins mise sur la prévention

L’innovation ne concerne pas que les assureurs vie et Desjardins Groupe d’assurances générales n’est pas en reste. L’assureur qui avait été l’un des premiers au Canada à proposer une solution télématique avec Ajusto, a lancé, en mars dernier, un nouveau programme de prévention des dommages liés à l’eau en assurance habitation, Alerte. Ce programme, co-développé avec Roost, repose sur un objet connecté qui, en cas de détection d’un dégât d’eau, déclenche une alerte sur leur téléphone intelligent pour permettre à l’assuré de réagir rapidement et ainsi, de limiter les dommages à sa résidence.

« Nous sommes partis du constat que l’eau compte pour près de la moitié (48 %) des réclamations d’assurance, et 47 % du montant des réclamations, contre 4 % et 31 % pour le feu, ou encore, 18 % et 7 % pour le vol, explique Boris Collignon, directeur principal, stratégie, innovation et partenariats stratégiques, assurances de dommages, Desjardins Groupe d’assurances générales. Nous avons donc imaginé quelque chose de très facile à installer, à utiliser, et bon marché. »

Moderniser le modèle traditionnel

L’avantage avec Alerte, c’est qu’une fois qu’il reçoit l’alerte, le client doit faire quelque chose, il doit agir, dit M. Collignon. « Pour le client, Alerte facilite le processus de réclamation, en plus de réduire les dommages puisque le dégât d’eau est pris dès qu’il intervient. »

Pour l’assureur, ce genre d’innovation modernise le modèle traditionnel de l’assurance en étant présent en prévention, en augmentant l’engagement du client, et en renforçant l’image de l’assureur du point de vue de l’innovation. Le tout, en réduisant potentiellement le volume et la sévérité des réclamations liées à un dégât d’eau. « Nous pensons que ça pourra avoir un effet sur le cout et le nombre des réclamations », conclut M. Collignon.