Pour célébrer ses 25 années d’existence, le Journal de l’assurance vous présente 25 idées exclusives pour construire, dès aujourd’hui, l’industrie de demain.


Les investissements en capital de risque dans le secteur des services financiers se multiplient. Les champs d’innovation sont nombreux. La complexité pour les assureurs sera de bien orchestrer le tout, dit Charles Dugas, expert en intelligence artificielle.

Et le spectre de possibilités est large pour les assureurs. Doivent-ils faire leur travail d’innovation à l’interne ou s’associer à de jeunes pousses spécialisées en numérisation ? « Je ne vois pas cela comme un choix binaire, dit M. Dugas, qui vient de quitter Aviva Canada pour joindre Element AI à titre de directeur, stratégie et solutions. Il y a un spectre assez large, où l’assureur peut en prendre une partie, à la mesure de ses capacités et de ses compétences à l’interne. »

Selon lui, le fournisseur de services doit être capable d’avoir une offre assez flexible pour aider le client à trouver ensemble la solution qui sera la plus efficace pour lui. Contrairement à l’image un peu obsolète en matière technologique montrée par les assureurs, cette industrie possède un avantage sur le commerce du détail, par exemple : la capacité analytique des actuaires.

« Dans une solution à implanter chez des assureurs, les actuaires pourront en prendre une partie. Un fournisseur externe comme le nôtre pourra effectuer le travail et offrir une plateforme complète qui permet d’obtenir des solutions qui sont relativement simples. Par exemple, créer des engins avec des règles de décision simples, en passant par des algorithmes d’apprentissage, et aller vers des projets plus avancés, pour traiter des images, des vidéos », précise-t-il.

M. Dugas dit par ailleurs voir d’un très bon œil la coexistence à Montréal d’une solide grappe industrielle des services financiers et d’un réseau émergent associé à l’utilisation de l’intelligence artificielle. « Il y a une bougie d’allumage qui est présente, les ingrédients sont là pour que ça fonctionne bien. »

Couvrir de nouveaux marchés

Il existe encore peu de produits d’assurance offerts au large spectre des activités liées à l’économie collaborative (transport, hébergement, restauration, etc.) ou aux risques émergents (risque cybernétique, utilisation des drones, sécurité des données transmises par les objets connectés, etc.).  « Tout ce qui touche l’internet des objets, les données qui proviennent de senseurs, je pense qu’il y a très peu d’assureurs qui désirent avoir à gérer ces masses de données par eux-mêmes. Ça prendra du travail d’analyse, de la puissance de calcul. Ils devront faire affaire avec des ressources externes », dit M. Dugas.

Il juge qu’on ne peut conserver ces montagnes de données en se disant qu’on les utilisera peut-être un jour. Selon l’évaluation faite par Intel dans le cas du véhicule autonome, ce sont quatre téraoctets de données qu’il faut ainsi emmagasiner sur une base quotidienne.

« Même dans les centres de données, il y aura une accumulation qui deviendra trop importante. Il y a donc des choix à faire. Il faut prévoir le traitement préalable avec chacun des senseurs afin d’envoyer un sommaire des données qui sera digestible et pertinent pour les différentes applications qui nous intéressent. La question est d’être capable d’anticiper toutes les applications potentielles qu’on peut en faire. Il faut donc faire attention de ne pas jeter des données afin de ne pas le regretter plus tard », explique-t-il.

Utiliser les données pour mieux évaluer le risque et fournir une prime n’est pas incompatible avec les règles touchant la confidentialité, affirme M. Dugas. Chaque assureur doit avoir un responsable de la sécurité des données et une autre personne qui s’assure du respect des règles de conformité, notamment celles touchant la confidentialité des renseignements personnels. À cet égard, les assureurs ont souvent des règles qui sont bien plus strictes que celles imposées par l’autorité règlementaire, souligne-t-il.

Il prend l’exemple des mouchards en assurance automobile, qui fournissent des données pratiquement en temps réel. « Il y a là la possibilité de comprendre beaucoup de choses à l’égard d’un utilisateur X. On peut savoir où il va, ce qu’il achète, s’il est propriétaire du chalet où il va régulièrement, s’il a une deuxième vie, etc. Il y a plusieurs possibilités d’analyse. Les questions doivent se poser au préalable, notamment ce qu’on veut faire et jusqu’où on veut aller avec l’utilisation de ces données », précise-t-il.

En acceptant l’installation d’un mouchard sur son véhicule, on présume que le conducteur souhaite faire baisser sa prime d’assurance auto, reconnait M. Dugas. « On devra ajuster à la hausse pour les clients qui ne prennent pas le capteur en question. Dans le grand bassin des utilisateurs, le fait que le client ne prenne pas le produit peut être l’indicateur de risque plus élevé. C’est ce qui devrait se produire si la prémisse est bonne. Les primes devraient s’ajuster d’elles-mêmes », dit-il.

Améliorer sa performance

L’information transmise permet à l’assureur de raffiner son outil de tarification et d’améliorer sa performance. Les assurés qui ne veulent pas joindre le mouvement peuvent toujours s’assurer ailleurs. Dans ce cas-là, ce sont les autres assureurs qui devront augmenter leurs primes, car leurs résultats seront moins bons en couvrant des risques plus élevés.

L’assureur qui n’offre que des primes trop basses finit toujours par se bruler, ajoute-t-il. Surtout en assurance automobile, un secteur très concurrentiel. Il rappelle que les primes payées au Québec sont bien plus basses qu’en Ontario.

« Il faut avoir réussi à implanter une technologie qui est efficace et qui permet de rentrer dans ce marché. Au Québec, obligatoirement, les assureurs gagnants sont bien outillés pour passer à la prochaine étape », dit-il.

Les assureurs doivent tout simplement bien orchestrer leurs solutions, poursuit-il. Charles Dugas dit être plus inquiet du sort des employés que pour l’avenir des assureurs. D’ici 2015, McKinsey prévoit une baisse d’environ 25 % des effectifs dans l’ensemble de l’industrie, rappelle-t-il.  


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