Au Québec, près de 40 % des examens d’imagerie de la colonne vertébrale réalisés pour une nouvelle lombalgie seraient inappropriés, selon une étude réalisée par des chercheurs de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Son rapport paru en juillet dernier remet en question la pertinence de certaines pratiques actuelles.
La résonance magnétique (IRM) et la tomodensitométrie (TDM, SCAN ou TACO) sont des outils importants dans l’investigation de lombalgies lorsqu’elles sont accompagnées de signaux d’alerte (tumeur, infection, etc.).
En l’absence de problèmes de cette nature, écrivent les auteurs, la lombalgie peut, dans la majorité des cas, s’améliorer à la suite de changements dans les habitudes de vie, d’un traitement conservateur ou même s’atténuer sans intervention.
L’utilisation de l’imagerie pour examiner des maux de dos sans signal d’alarme est décrite comme à faible valeur ajoutée, notamment parce que ces examens ne sont pas susceptibles de fournir une information qui améliore la prise en charge du patient. Cette utilisation douteuse pour la lombalgie est une préoccupation internationale.
Or, en 2022, 39,3 % des patients québécois atteints d’une nouvelle lombalgie sans signal d’alerte ont reçu au moins un examen d’imagerie de la colonne vertébrale possiblement inapproprié, souligne le rapport.
Peu utiles, mais fréquentes
Même s’ils s’avèrent peu ou pas utiles pour un très grand nombre de cas, l’utilisation de ces deux examens radiologiques au Québec a connu une hausse constante de 2010 à 2021. Le nombre d’IRM a augmenté de près de 5 % par année durant cette période et celui des TDM de 2,6 % par an.
En 2019, pas moins de 196 879 IRM de la colonne vertébrale ont été exécutées dans la province, soit 12,6 pour 1 000 personnes. Les chiffres sont presque les mêmes pour la TDM : 106 440 au cours de la même année, soit 12,5 pour 1 000 personnes.
Ces deux examens peuvent être remboursés par les assureurs privés. À Québec, une TDM à la Clinique Mailloux pour une lombalgie d’un patient jamais opéré coûte 325 $. Le prix d’une IRM à IRM Québec pour la colonne varie de 890 $ à 1 145 $ et plus, selon le nombre de segments du corps étudié.
Comparaisons interprovinciales
Le Québec n’est pourtant pas le plus mauvais élève au Canada au chapitre des examens possiblement inappropriés pour une nouvelle lombalgie sans signal d’alerte.
D’autres provinces canadiennes le précéderaient, mais d’autres font nettement mieux, comme le montre deux tableaux contenus dans le rapport de l’INESSS.
Surtout prescrits par des médecins de famille
L’imagerie pour les lombalgies au Québec est majoritairement effectuée en contexte électif, c’est-à-dire pour des cas non urgents : en 2019, ils représentaient 53 % des cas de TDM, soit 56 204.
Les chercheurs de l’INESSS ont constaté que les cliniciens de première ligne étaient à l’origine de la majorité des examens d’imagerie avancée de la colonne vertébrale. Il y a quatre ans, ces médecins avaient été responsables de 60 % des prescriptions d’IRM et de 76,2 % des TDM.
« La prépondérance de prescription des examens d’imagerie en première ligne s’explique principalement par le nombre élevé de médecins de famille ayant prescrit au moins un examen d’imagerie avancée », précise-t-on dans l’étude.
En médecine spécialisée, ces examens d’imagerie de la colonne sont d’abord réclamés en neurochirurgie, neurologie, médecine d’urgence, rhumatologie, oncologie et chirurgie orthopédique.
Selon l’âge et le sexe
Le recours à l’IRM et à la TDM pour la colonne vertébrale varie principalement en fonction de l’âge du patient et jusqu’à un certain point, du sexe. Les femmes sont plus sujettes à passer ces examens en raison du nombre plus élevé de conditions qui les touchent, dont la lombalgie.
La plus grande proportion de patients référés en résonance magnétique se situe chez les 45-64 ans (21,7 % de femmes, 17,5 % d’hommes), suivie des 65-84 ans, où femmes et hommes sont à parts égales. Les 18-44 ans arrivent au troisième rang (12 % de femmes et 8 % d’hommes).
La tomodensitométrie est surtout une affaire d’âge : près de la moitié de tous les examens de TDM sont effectués chez des patients de 65 ans. Les 45-64 ans ne comptent que pour 15,4 % en moyenne et les 18-44 ans, de 5,6 % à 6,3 %.
En raison de l’effet de l’âge sur le recours à ces imageries, le vieillissement de la population est susceptible d’accélérer l’augmentation du nombre d’examens avec le temps, prévient l’étude.
Variations interrégionales
Le recours à l’imagerie médicale pour des lombalgies n’est cependant pas une approche clinique pratiquée à la même intensité dans la province. Elle dépend de la région où sont traités les patients.
Le rapport de l’INESSS donne un portrait des variations régionales comme le montre le tableau suivant.