Les conseillers qui sauront s’adapter aux besoins des nombreux Canadiens au seuil de la retraite connaitront le succès, affirme une récente étude d’Investor Economics.Nés après la Seconde Guerre mondiale entre 1946 et 1965, les babyboumeurs sont devenus des investisseurs depuis les deux dernières décennies. Ils ont suscité une croissance exceptionnelle des affaires en gestion de patrimoine.

« Durant cette période, les boumeurs canadiens sont passés d’emprunteurs à investisseurs », a souligné Goshka Folda, directrice principale de recherche d’Investor Economics à Toronto, en entrevue au Journal de l’assurance.

Selon Mme Folda, l’actif sous gestion de cette importante frange de la population canadienne est passé de 355 milliards de dollars (G$) en 1997 à 1,1 billion de dollars en 2010. Ces actifs incluent les comptes chèque et épargne ainsi que les dépôts à terme, mais excluent l’immobilier.

« Ils étaient suffisamment fortunés pour bénéficier du plus long marché haussier du 20e siècle qui s’est poursuivi au 21e siècle, avec une courte interruption lors de l’éclatement de la bulle techno, ajoute Mme Folda. Les gestionnaires de patrimoine ont aussi profité de cette période faste. »

Les boumeurs sortent toutefois de cette phase d’accumulation à mesure qu’ils quittent le marché du travail. L’étude intitulée The 2011 Fee-based Report démontre qu’il y avait 3,4 millions de ménages canadiens dont les deux membres sont âgés de plus de 65 ans, à la fin de 2010 (couples ou célibataires retraités). « Nous croyons qu’ils seront 4,7 millions d’ici 2020, estime la directrice principale de recherche. D’ici là, un ménage sur trois sera composé de retraités qui contrôleront 4 $ de chaque tranche de 10 $ d’actif sous gestion sur le marché. »

Défi aux gestionnaires
Cette situation pose un réel défi aux gestionnaires de patrimoine, croit Mme Folda. « En 2020, les Canadiens de plus de 65 ans contrôleront 40 % de tout le patrimoine financier sous gestion. Un client des conseillers sur trois fera partie de ce groupe. »

Pas de surprise dans l’industrie canadienne : les manufacturiers ont lancé un éventail de produits adaptés à cette réalité, dont les fonds à garantie de retraits, les fonds distincts, les billets à capital protégé, les hypothèques inversées et les rentes immédiates.

Le marché a explosé en termes de solution. « Une longue série de produits a vu le jour et d’autres ont été réadaptés aux besoins des retraités, observe Mme Folda. Les manufacturiers réalisent toutefois qu’il n’existe pas de solution unique aux besoins des ménages retraités. »

S’il est facile d’établir le profil de risque des investisseurs en phase d’accumulation, il en va autrement de ces ménages retraités. « Aucun produit ne peut à lui seul protéger le capital, garantir le revenu, gérer le risque, économiser l’impôt et planifier la succession tout en intégrant un volet-conseil », ajoute Mme Folda.

Cela se présente bien pour les conseillers dont les clients retraités auront besoin de conseils sur la façon de combiner les produits pour combler leurs besoins. Mme Folda croit toutefois que les conseillers devront élargir leurs compétences pour bien servir ce marché. Ils auront à traiter des préoccupations de leurs clients qui vont au-delà des stratégies d’investissement : logement, santé, dynamique familiale et autres.

Certifié en planification de retraite
Les conseils requis en période décaissement et en période d’accumulation diffèrent, constatent la plupart des conseillers. Reflétant cette réalité, les titres professionnels de spécialistes en retraite se sont multipliés, signale Guy Armstrong, conseiller principal chez Investor Economics.

« Aux États-Unis, nous avons dénombré 14 regroupements décernant au total 24 de ces titres professionnels de planificateur. Le Canada a vécu une croissance soutenue en ce sens, avec 7 regroupements décernant au total 11 titres en planification de la retraite, mais notre environnement règlementaire a empêché l’explosion », précise M. Armstrong.
L’offre-conseil aux retraités se compliquera d’ailleurs du fait que l’industrie a jusqu’à maintenant mis l’accent sur les produits d’investissement et d’assurance, note pour sa part Mme Folda. Les cabinets de planification financière et leurs conseillers tirent ainsi l’essentiel de leurs revenus de ces produits. Elle croit qu’ils devront maintenant mettre l’accent sur les produits de décaissement s’ils veulent tirer leur épingle du jeu.

Planification à honoraires
Peu nombreux au Canada, les planificateurs à honoraires n’ont qu’un accès limité à la population. Les principaux réseaux qui les desservent sont les banques, les coopératives, les courtiers en valeurs mobilières et les conseillers financiers, à la fois en épargne collective et en assurance. Ces réseaux peuvent offrir à leurs clients des services de planification sans cout additionnel, explique Mme Folda. Les planificateurs rémunérés à honoraires devront porter une attention particulière à leur positionnement de marché, pense-t-elle.

Dans l’année qui vient, Investor Economics entend mesurer le nombre de planifications de retraite réalisées dans l’industrie et leur contenu, a révélé M. Armstrong. Il observe que le contenu des planifications effectuées sans frais peut varier beaucoup d’une planification à l’autre.

Autre défi pour les conseillers à honoraires, les autres réseaux feront tout pour garder leur client en phase de retraite. Certains aident déjà leurs clients dans cette transition avec des programmes qui mettent l’accent sur le style de vie et les besoins financiers. Parmi eux, le programme Mon café-retraite de la Financière Sun Life et Votre avenir à définir de la banque RBC.

Les affaires à honoraires demeurent possibles, insiste M. Armstrong. « Les fiducies ont toujours offert des services à honoraires et leurs clients acceptent cet arrangement. »

Avec une clientèle retraitée en croissance, les conseillers devront considérer que cette étape de la vie en est une de décaissement et que le capital de leurs clients diminuera dans la plupart des cas. Pour Mme Folda, la solution consiste à développer des stratégies qui visent les plus jeunes générations.

« Une planification financière adéquate est une bonne façon d’impliquer les plus jeunes membres de la famille, croit-elle. Le fait que le conseiller prenne en compte les besoins de maman et papa milite en faveur des conseillers. Et le fait que les intentions de planification successorale des parents soient menées à bien est un autre atout. »

Le vieillissement de la population doit aussi inciter les conseillers à adopter une approche d’équipe, ajoute Mme Folda. Cela permettra au client de bénéficier de connaissances et de zones d’expertise de professionnels différents.