La croissance exceptionnelle de l’économie du Québec fait du bien aux coffres de l’État. Les revenus autonomes du gouvernement du Québec augmenteront de près de 10 milliards de dollars (G$) en 2021-2022, soit une hausse de 10,6 % sur l’année précédente.
Le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, était l’invité du Cercle finance du Québec et de l’Association des économistes du Québec dans le cadre d’une visioconférence, le 29 novembre dernier. L’activité était animée par le professeur Luc Godbout, titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.
M. Girard profite de la croissance économique exceptionnelle pour financer de nouvelles mesures pour soutenir l’économie, les familles, le système de santé et le marché du travail.
Alors que le ministère des Finances avait prévu une croissance du PIB réel de 4,3 % dans son dernier budget, l’économie progresse à un rythme de 6,5 % en 2021. Le taux de chômage glissera de 8,9 % en 2020 à 6,3 % cette année, puis à 5,7 % en 2022.
Les revenus du gouvernement totalisent 131 G$ en 2021-2022, une hausse de 6,9 % sur l’année précédente. Cependant, les dépenses augmentent de 11,7 %. L’impact budgétaire de la pandémie de la COVID-19 est de 17 G$ sur deux ans.
Nouvelles mesures
Depuis le budget, les investissements supplémentaires totalisent 13 G$ sur cinq ans, dont 10,7 G$ dans cette mise à jour économique faite le 25 novembre à l’Assemblée nationale.
Quelque 2,1 G$ seront consacrés à aider les Québécois à affronter la hausse du coût de la vie. L’indice des prix à la consommation (IPC) atteindra 3,9 % en 2021. Québec augmente le soutien aux aînés, l’aide pour l’accès au logement des ménages à faible revenu et ajoute une prestation exceptionnelle pour le coût de la vie, qui sera versée aux quelque 3,3 millions de Québécois qui ont droit au crédit d’impôt pour la solidarité.
Le gouvernement bonifie aussi le crédit d’impôt remboursable pour frais de garde d’enfants, afin d’aider les familles qui n’ont pas accès aux services éducatifs des centres de la petite enfance (CPE). Éric Girard maintient l’objectif gouvernemental de créer 37 000 nouvelles places en CPE d’ici mars 2025.
Le déficit
Le déficit budgétaire qui devait atteindre 12 G$ au 31 mars 2022 a été révisé à la baisse, à 6,8 G$. Ce déficit inclut les 3,3 G$ des versements au Fonds des générations. Le solde budgétaire sera de 5,6 G$, car le ministre pige une dernière fois dans la réserve de stabilisation en y percevant 1,2 G$.
En huit mois, depuis le dépôt du budget 2021-2022 du gouvernement Legault, le déficit structurel du Québec a baissé de 6,5 G$ à 4 G$, en incluant le versement au Fonds des générations.
Éric Girard prévoit que le déficit baissera à 5,5 G$ l’an prochain et à 4 G G$ pour les trois années suivantes. Ce déficit sera à peu près équivalent aux sommes versées au Fonds des générations. À ce sujet, le ministre reconnaît qu’il faudra déterminer la limite de la taille que ce Fonds devrait avoir.
Il ajoute que la Loi sur l’équilibre budgétaire devrait aussi être modifiée. L’application de la Loi demeure suspendue pour deux ans et le retour à l’équilibre budgétaire est toujours prévu à l’année 2027-2028.
La dette
La dette brute s’établissait à 210,1 G$ au 31 mars 2021, soit 46,8 % du PIB. L’objectif de 45 % de ce ratio de la dette sur le PIB sera atteint dès cette année et sera de 44,3 % en 31 mars 2022.
L’échéance moyenne de la date est de 11 ans et le taux moyen d’emprunt du gouvernement est à 3,5 %. Le remboursement de la dette est le troisième poste budgétaire le plus important de l’État, qui y consacre 9 G$ par année.
À propos de la Loi sur la réduction de la dette, Éric Girard reconnaît que le Québec ratera sa cible au 31 mars 2026 pour la somme des déficits cumulés, laquelle ne peut excéder 17 % du PIB. La prévision faite le 26 novembre estime plutôt que ce ratio sera de 19,5 % à la fin de 2025-2026. Au 31 mars 2022, la dette attribuable au cumul des déficits atteindra 112 G$ ou 22,6 % du PIB.
« Il faut avoir une cible à long terme. Le Plan québécois sur les infrastructures (PQI) est d’une durée de 10 ans, il y a des fluctuations dans l’économie. On pourrait se doter d’une cible par rapport à la moyenne canadienne », indique M. Girard. Il y a un débat à faire et le ministre demandera l’avis des différents groupes lors des consultations prébudgétaires.
Marché du travail
Éric Girard laisse le soin à son collègue Jean Boulet, ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, le soin de préciser les détails des programmes de requalification de la main-d’œuvre. Le nombre de postes vacants atteint 280 000, alors qu’il était de 150 000 en janvier 2021.
Quelque 2,9 G$ seront investis en cinq ans pour former, requalifier et attirer des travailleurs dans six domaines clés, dont trois relèvent des services essentiels qui sont de la responsabilité de l’État : la santé et les services sociaux, l’éducation et les services de garde éducatifs à l’enfance.
Dans le secteur privé, le gouvernement veut octroyer des bourses pour attirer plus de candidats dans les secteurs du génie, des technologies de l’information et de la construction.
Des bémols du milieu des affaires
Le jour même de la mise à jour budgétaire, de nombreux groupes du milieu des affaires ont émis des bémols sur les dépenses que le gouvernement prévoit faire pour atténuer l’impact de la rareté de main-d’œuvre. Ce sont 170 000 travailleurs que le gouvernement désire requalifier et attirer dans les six domaines ciblés d’ici cinq ans.
Dans son communiqué du 25 novembre, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) remettait en question « l’approche qui consiste à cibler les domaines d’intervention. Il faudra sans doute élargir les domaines ciblés, sachant que la pénurie touche tous les secteurs et la très grande majorité des fonctions », indiquait Michel Leblanc, président de la CCMM.
En matinée le 29 novembre, M. Girard était l’invité de la CCMM pour faire le même exercice de présentation de la mise à jour économique au milieu des affaires. Michel Leblanc a indiqué que la façon d’agir du gouvernement « créait de la distorsion dans le marché ».
De son côté, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) estime que « les autres secteurs économiques méritent et doivent être appuyés par leur gouvernement ».