La Norme internationale d’information financière 4 (IFRS 4) désigne dans le monde de la comptabilité le projet de norme sur le contrat d’assurance amorcé par l’équipe du Conseil international des normes comptables (IASB). Leigh Chalmers, associée au sein des services d’assurance et de vérification de PricewaterhouseCoopers, connait bien le sujet, puisqu’elle en parle depuis maintenant plus de sept ans. « Je n’aurais jamais cru que cette norme susciterait un tel débat », a-t-elle dit devant l’auditoire réuni au colloque du BAC, à Toronto.Elle fait certes quelques blagues sur le fait que bien des gens espèrent avoir pris leur retraite avant l’instauration de la nouvelle norme, mais elle signale du même coup que le Conseil tient à finaliser la norme cette année, de manière à la diffuser en 2015 et à la mettre en place probablement d’ici 2018, soit 21 ans après le lancement de ce vaste projet, en 1997.

Elle précise que le Conseil pensait d’abord publier la nouvelle norme en 2005 ou avant, date à laquelle les compagnies européennes ont adopté les autres IFRS. Or, depuis, la démarche a nécessité la production de plusieurs documents de réflexion. Le premier a été diffusé en 2007, lorsque le IASB a accepté que le Canada adopte les IFRS. Ont ensuite suivi deux exposés-sondages et 187 séances de sensibilisation permettant à l’industrie de s’exprimer sur le projet.

« Le Conseil souhaite accéder à des normes comptables mondiales uniformes. On veut pouvoir aller sur les marchés internationaux, les marchés de capitaux, en disposant d’une seule et même norme de par le monde. »

En juin 2013, le dernier appel de commentaires du IASB ne comprenait que cinq questions s’adressant aux parties prenantes de l’industrie. Or, les réponses obtenues font état de bon nombre de préoccupations allant bien au-delà des questions posées. Les plus courantes touchaient notamment l’harmonisation d’IFRS 4 avec les autres normes du Conseil. On a aussi mentionné des disparités concernant l’amortissement de la période de service, l’ajustement des risques et l’abandon de taux réduits.

Bref, Mme Chalmers a en quelque sorte fait comprendre que les compagnies pensent ne pas avoir assez de trois ans pour s’adapter.

De plus, malgré la complexité incontestable des nouvelles normes comptables, elle affirme que le Conseil n’a pas prévu mettre de modèle au service des compagnies ni leur offrir un service-conseil leur expliquant comment faire certains calculs.

Fait intéressant à noter, Mme Chalmers souligne que les commentaires du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) ont la particularité de ne pas répondre à bon nombre de questions posées par le Conseil.

« Ils s’attardent à du concret : ils veulent continuer à ne produire qu’un seul et même livre. On ne veut pas avoir des états financiers qui répondent aux exigences comptables, et d’autres qui répondent aux exigences règlementaires. Leur position est très claire », résume-t-elle.

Les commentaires du BSIF permettent également de comprendre que ce dernier n’a pas vraiment l’intention d’intervenir pour faciliter la transition.

Relativement à l’utilisation des OCI (autres éléments du résultat global), Mme Chalmers souligne que le régulateur se demande « si les fluctuations des taux d’intérêt à court terme auront un impact démesuré sur la volatilité des prix des contrats de longue durée ». Dans ses dernières versions, la norme rend l’utilisation des OCI optionnelle.

Finalement, elle fait aussi remarquer que le BSIF ne souhaite pas que le Canada soit le premier à passer à l’action, comme ce fut le cas lorsque les compagnies de fonds distincts ont dû adopter les IFRS.

À l’époque, rappelle-t-elle, les compagnies canadiennes avaient été les premières à agir. Les pays de l’Union européenne avaient en effet attendu, préférant se donner une période de transition qui avait entrainé un retard d’environ un an. « L’Australie fait elle aussi partie des pays qui comptent dans le processus. Parce que l’exercice financier de beaucoup d’entreprises se termine en juin, le Canada se trouvera à être l’un des premiers à entamer le processus. Le BSIF a exprimé sa préoccupation à cet égard. En fait, cela inquiète l’ensemble des compagnies canadiennes. »

Quant au délai incroyablement long requis pour l’adoption complète de la norme, Mme Chalmers estime que, à la lumière des préoccupations exprimées par les compagnies et les autres intervenants au Canada, tout porte à croire que la réticence est liée à l’abandon des règles existantes et bien connues au profit « de quelque chose qui semble moins bien servir les intérêts de l’industrie ».

Elle répète néanmoins que le Conseil met les changements en place, et ce, rapidement. « Je sais que bien des gens espèrent qu’on laisse tomber, mais le Conseil est catégorique. Il faut finaliser la norme sans tarder, assure-t-elle. Les organismes doivent informer leurs gens, que ceux-ci soient en finances, en actuariat ou en TI, car tous seront touchés. »