Émotions et investissements ne font pas bon ménage. Un bon conseiller donnera sa pleine mesure en jouant le rôle de guide face à la panique ou à l’euphorie que provoque la Bourse.

Michel Villa a durement appris cette leçon. Il a été congédié comme courtier (trader) à la Banque Laurentienne en raison de la mauvaise performance de ses placements.

Et qu’est-ce qui l’a mené à sa perte ? « J’adorais l’action ! Je la provoquais. J’étais une bibitte émotionnelle. Je n’écoutais pas le marché. J’étais devenu arrogant. Personne ne me le disait ». Il l’a pleinement réalisé lorsqu’il a été remercié.

Depuis, M. Villa a bâti une formation portant sur l’intelligence émotionnelle face aux placements. Il y expose la place majeure qu’occupent les émotions dans les investissements et sur le rôle clef que peut jouer le conseiller pour contrecarrer ce phénomène. Le Journal de l’assurance a assisté à l’une de ses présentations, faite pour le compte du gestionnaire d’actifs canadien Bridgehouse, le 12 mai, à Québec, et s’est entretenu avec lui par la suite.

« Les bons conseillers deviennent des architectes du choix. Ils vont amener les acheteurs à prendre de bonnes décisions et les empêcher d’être trop émotifs. Les investisseurs sont des êtres humains. Ils sont enclins à prendre des décisions basées sur l’émotion, surtout lorsqu’il s’agit de leur argent », dit M. Villa.

Toute une gamme d’émotions peut influencer les attitudes en matière de finance, soutient M. Villa. « Ces émotions entrainent des choix qui compromettent les plans à long terme, ces derniers étant l’essence même de la réussite en matière de placement ».

Une grande leçon d’humilité

Le savoir est nécessaire en placements, mais ce n’est pas suffisant. Dans le feu de l’action, on va souvent prendre de mauvaises décisions, affirme Michel Villa.

Outre ce qu’il a vécu personnellement, M. Villa a bâti sa formation sur celle de l’Américain Richard Thaler, prix Nobel d’économie en 2017 pour ses études sur la finance comportementale et ses travaux sur les mécanismes psychologiques et sociaux qui interviennent dans les décisions des consommateurs ou des investisseurs. Selon M. Thaler, toutes les prises de décisions sont influencées par des biais tels que les émotions, l’environnement et l’instinct.

L’investisseur se laisse diriger par ces facteurs extérieurs qui au final, risquent de l’amener à faire de très mauvais choix. Michel Villa va plus loin et parle de comportements autodestructeurs. Il prône ainsi le savoir-être en matière de gestion des finances.

M. Villa rappelle que la finance est un secteur qui valorise la pensée analytique, les faits, le calcul, les statistiques, la raison et la logique. Ces fonctions, qui sont essentielles pour connaître du succès à la Bourse, logent dans l’hémisphère gauche de notre cerveau. Il y a toutefois une contrepartie majeure, l’hémisphère droit, siège des émotions. L’hémisphère droit peut venir contrecarrer le plan de match que s’étaient donné l’investisseur et son conseiller.

Toutes sortes d’autres facteurs influencent le petit acheteur de produits financiers : les nouvelles économiques et politiques du jour, les biais d’exposition, les attraits passagers pour certains titres. Autre élément, l’accès facile aux données de placements. Des conseillers ont observé que des clients qui allaient consulter leurs rendements deux fois par jour développaient de l’anxiété même s’il est normal que la Bourse connaisse des fluctuations quotidiennes.

Or, l’anxiété est un très mauvais pilote. Certains seront anxieux d’acheter lors d’une période de frénésie, d’autres le seront de vendre en cas de débâcle d’un titre ou d’une grosse correction du marché.

Le marché financier est à la fois incertain, aléatoire et ambigu, a souligné Michel Villa. À court terme, tout peut arriver. Le cerveau ne fait pas de différences entre une peur réelle et irréelle. Quand le marché recule, la peur devient irréelle, prévient-il.

Des règles à se rappeler

Pour M. Villa, il existe deux types de biais comportementaux en investissement. Tout d’abord, le biais cognitif, soit les erreurs de jugement sont liées au traitement de l’information. Puis, viennent les biais émotionnels, soit les erreurs de jugement liées aux pensées, attitudes et sentiments. Malheureusement, souligne Michel Villa, ils sont plus difficiles à corriger que les biais cognitifs.

« Avec les placements, tu dois garder le cap. Le conseiller financier devient un guide émotionnel qui va aider son client à prendre du recul. Il doit l’écouter et par la suite, lui présenter des arguments ».

M. Villa a aussi énuméré quelques règles à l’intention des conseillers financiers. La première : le conseiller doit devenir l’avocat du diable de son client. « Il doit amener le client à être plus calme ».

Quant au savoir-être que le conseiller doit posséder, ce n’est pas quelque chose de naturel selon le conférencier. C’est quelque chose qui doit se pratiquer selon lui.

« Le conseiller doit avoir un plan, le respecter et être passif à long terme. Il est souvent mieux de ne rien faire lors d’une crise. C’est souvent la meilleure stratégie ».