Il a fallu moins d’un an pour que la relève du cabinet de courtage MP2B prenne la direction de l’entreprise. Le cabinet misera désormais sur ses spécialités pour croitre.
Transférer son entreprise à sa relève, qu’elle provienne de la famille ou des cadres présents dans celle-ci, est parfois un processus long et laborieux. L’histoire fut tout autre pour MP2B où le management buy-out (MBO) s’est fait en un peu moins de neuf mois.
C’est en janvier 2016 que ceux qui allaient devenir les propriétaires de MP2B se sont réunis pour discuter de leur intérêt pour racheter l’entreprise et ont décidé d’aller de l’avant. Le tout s’est finalisé en aout.
Pierre Marc Brunet et Yves Brunet, deux des fondateurs de l’entreprise ainsi qu’Alain Messier, qui s’est joint à eux il y a 18 ans, ont cédé les rênes de l’entreprise aux quatre nouveaux actionnaires. La nouvelle équipe de direction est composée de Louis-Claude Trudel, président, Mathieu Brunet, fils de Pierre Marc Brunet, responsable du développement des affaires et de l’assurance spécialisée, Geneviève Morin, responsable du cautionnement, et Pierre Thibodeau, vice‐président, finances et administration. Pierre Marc Brunet et Alain Messier ont choisi de rester au sein du cabinet et de concentrer leurs énergies au développement et au service à la clientèle.
Interrogé sur la genèse de cette transaction, Mathieu Brunet souligne qu’il réfléchissait à ce projet depuis plusieurs années. « C’était pour moi un but de prendre la relève un jour. Mais avec les défis actuels au sein de l’industrie, et surtout, la taille de l’entreprise, ce n’est pas un projet qui peut se mener seul. Le but était donc de trouver les personnes avec lesquelles on aurait une bonne chimie et une bonne dynamique », a-t-il relaté en entrevue au Journal de l’assurance.
Un mélange d’expérience et de relève
Louis-Claude Trudel, Mathieu Brunet, Geneviève Morin et Pierre Thibodeau ont alors approché les propriétaires, sentant qu’il y avait un intérêt de leur côté. Ils leur ont parlé du projet qu’ils avaient en tête. À partir de ce moment, une phase de négociation s’est ouverte. La relève était déjà en route.
Mais cette chimie et cette dynamique, dont parle M. Brunet, comment se sont-elles crées ? Et surtout, pourquoi s’est-elle construite autour de ces quatre-là, en particulier, plutôt qu’avec d’autres employés du cabinet ? Louis-Claude Trudel apporte un élément de réponse.
« Nous sommes à des âges différents. C’est un avantage dans une transaction comme celle-là parce que les deux plus âgés versus les deux plus jeunes, ensemble, nous formons une équipe avec une vision très similaire pour le développement du cabinet, explique-t-il. Il était aussi important d’avoir un volet administratif et financier important, car les entreprises de courtage maintenant sont des entreprises financières avant tout. Je dirais que notre équipe réunit un bon mélange d’expérience et de relève. Les associés vendeurs ont été très intéressés par cet élément. »
Un autre élément a fini de convaincre les anciens propriétaires : le réseau que se sont bâtis les nouveaux actionnaires, car l’assurance est un milieu ou la part de l’humain est prépondérante, disent-ils. De ce point de vue, les vendeurs ont été rassurés de voir que les quatre avaient les cartes en main pour assurer le réseautage nécessaire.
Les nouveaux actionnaires disent par ailleurs que la transaction a reçu un bon accueil dans l’industrie. « La nouvelle a été très bien perçue par les assureurs, autant généraux que spécialisés. Ce fut au-delà de nos espérances. C’est important de maintenir des ponts avec les assureurs. Ça a été un plus dans la transaction », explique Louis-Claude Trudel.
D’autant plus que chacun est en mesure d’apporter sa propre pierre à l’édifice, ayant sa propre spécialité. Geneviève Morin est devenue au fil des ans une experte du cautionnement. Mathieu Brunet a quant à lui développé son expérience de courtier autour du marché spécialisé. Pour Louis-Claude Trudel, les relations avec les assureurs lui sont dévolues, alors que Pierre Thibodeau prend en charge tout le volet administratif.
Trouver le bon partenaire financier
Dans ce genre d’opération, un autre rouage essentiel consiste à trouver la bonne institution financière désireuse d’embarquer dans le projet et d’accompagner la nouvelle équipe. Le choix de MP2B s’est porté sur BMO.
« Il y a une réalité de gestion, mais il y a aussi une réalité financière. On s’entend qu’il faut mettre de l’argent. Ce n’est pas tout le monde qui peut le faire. S’il faut mettre un million sur la table, ça ne peut pas se faire tout seul. À quatre, on peut trouver des solutions différentes », souligne Pierre Thibodeau, vice‐président, finances et administration.
S’il reconnait que la conjoncture au niveau des marchés est très favorable pour trouver de bons partenaires. M. Thibodeau se réjouit encore de l’entente trouvée avec la Banque de Montréal.
« On a eu la chance de bénéficier d’une petite guerre entre deux institutions financières majeures, ce qui a fait en sorte que l’on a eu des conditions intéressantes. On ne s’attendait pas à ça. Dans le domaine financier de l’assurance, ce n’est pas tout le monde qui veut se mettre dans le bain, dit M. Thibodeau. On a été chanceux d’obtenir de si belles conditions. Je ne sais pas si, dans des conditions régulières, la transaction aurait pu avoir lieu. Mes hypothèses concernant les taux d’intérêt n’étaient pas du tout au niveau de l’entente obtenue. »
Au-delà d’un taux avantageux ou de conditions conjoncturelles favorables, c’est aussi la farouche volonté de la part des institutions financières de faire affaire avec MP2B qui a conforté l’équipe dans son entreprise.
« On a présenté un plan d’affaire réaliste. C’est important, parce que notre industrie, et le Québec de façon générale, n’est pas dans une grande croissance, dit Louis-Claude Trudel pour expliquer le grand intérêt de BMO. On est conscient de nos forces et de nos faiblesses. Un cabinet spécialisé, ça amène des cycles. On en est conscients. »
Développement « par spécialités »
Quant à son futur, les nouveaux dirigeants de MP2B miseront sur ce qu’ils appellent un développement « par spécialités ». Ces dernières années, le cabinet a ainsi mis en place un département aviation en assurance des entreprises, pour les opérateurs et manufacturiers du domaine de l’aviation. Outre le département maritime qui compte parmi ses spécialités historiques, MB2B a également développé une spécialité pour les activités « sport et loisirs », les événements spéciaux, les sports extrêmes, le cinéma et la télévision, etc.
« Il y a deux volets dans le développement qu’on veut mener, détaille Mathieu Brunet. Il y a le développement organique. On veut croitre en allant chercher de la clientèle. C’est sur celui-ci que l’on doit tabler le plus parce que c’est ce développement-là qui est payant pour l’entreprise. On a l’équipe en place et les équipements technologiques pour le faire. On a un plan pour les cinq prochaines années. »
Quant à la deuxième partie de son plan de croissance, MP2B compte être à l’affût d’opportunités, que ce soit d’acquisition de volumes ou d’entreprises. « On ne recherche pas d’acquisitions à tout prix, dans n’importe quel domaine. On veut aller dans des domaines qu’on connait, avec des gens avec lesquels on peut s’entendre », dit Mathieu Brunet.
S’il refuse de dévoiler quelles seront les prochaines cibles du cabinet, Mathieu Brunet confie que la nouvelle équipe dirigeante a déjà mis en place une structure en interne pour planifier ces sujets-là, « de façon ordonnée ».
Une foi en l’avenir du courtage
Les nouveaux actionnaires de MP2B ne s’en cachent pas. S’ils n’avaient pas eu foi en la valeur du courtage en assurance de dommages, ils n’auraient pas été de l’avant avec leur MBO.
La nouvelle équipe de direction a ainsi eu une profonde réflexion sur l’avenir du courtage, étant donné qu’elle signe pour du long terme. « Il faut que l’on croit en notre profession, confie Geneviève Morin. On doit se réinventer dans des secteurs où l’entreprise ou le particulier ont besoin d’un conseil, a besoin d’être accompagné. La distinction se fera beaucoup plus dans le service que dans le produit en tant que tel. C’est l’expérience client. »
Quant à la vente de produits d’assurance sur Internet, elle ne semble pas les inquiéter outre mesure, car elle ne devrait pas concerner leur cœur de cible dans un avenir immédiat.
« Internet, pour les gens qui recherchent un prix, c’est parfait. En revanche, Internet ne pourra pas rendre de services personnalisés. À court ou moyen terme, Internet ne remplacera pas le courtier, dit Mathieu Brunet. À très long terme, il faudra certainement s’adapter. Dans les prochaines années, dans nos secteurs spécialisés, le conseil du courtier qui va faire le lien avec les assureurs doit demeurer. Nos clients de la construction, par exemple, n’ont pas de temps à consacrer à ces démarches-là. Ils ne peuvent pas passer des semaines de travail à parler avec dix assureurs pour trouver une couverture. »
Quelle que soit l’évolution des modèles de distribution, une chose est sûre pour Mathieu Brunet, le segment de spécialité de MP2B est et restera la construction, en incluant le cautionnement évidemment. « On veut maintenir et augmenter notre position dans ce segment », dit-il.