Les assureurs ne doivent pas être les seuls à harmoniser les processus en matière de restauration après sinistre. Les restaurateurs doivent aussi y prendre part pour que la démarche réussisse.C’est ce qu’ont affirmé les professionnels participant à une table ronde sur des sujets d’actualité qui s’est tenue au Congrès de la Fédération de l’industrie de la restauration après sinistre (FIRAS). L’évènement a eu lieu à Montréal du 25 au 27 avril. L’enjeu : faire en sorte que cette industrie encadre ses propres pratiques et qu’elle gagne ainsi en maturité.

Selon tous les conférenciers, les restaurateurs après sinistre se doivent de participer à la normalisation des processus aux côtés des assureurs. « Si nous ne le faisons pas, les assureurs le feront de leur côté », dit Charles Sabourin, vice-président développement des affaires IMMOEXCELLENCE, franchisé de Groupe Urgence Sinistre.

Un point de vue que partage William Perreault, directeur, section estimation-habitation, indemnisation, chez Desjardins Groupe d’assurances générales. Parce que les restaurateurs ne s’organisent pas de leur côté, les assureurs se sentent obligés de « les encadrer et de leur imposer leurs formulaires et leurs listes de prix ».

De plus, s’impliquer dans le processus permettrait aux restaurateurs de faire comprendre leurs enjeux aux assureurs. Selon M. Perreault, ils montreraient ainsi qu’ils ne sont pas « à la remorque des assureurs ».

Plusieurs interventions de la salle ont fait ressortir une volonté ferme chez dess restaurateurs de resserrer les liens avec les assureurs. Une question revenait toutefois : comment l’industrie peut-elle faire connaitre ses suggestions aux assureurs ?

« Si les restaurateurs nous présentent un argumentaire structuré et sensé, nous ne fermerons pas les yeux. Nous sommes toujours à l’écoute », dit M. Perreault, seul représentant d’une compagnie d’assurance participant à la conférence. Il a toutefois précisé à maintes reprises qu’il ne pouvait parler au nom de tous les assureurs.

Si les restaurateurs doivent s’impliquer dans le processus de normalisation, ils ne doivent pas en exclure les assureurs. « Dans ce cas de figure, ces derniers se rebifferaient, dit M. Perreault. Restaurateurs et assureurs doivent s’impliquer dans ce processus, car ils cherchent tous à en tirer un avantage concurrentiel. »

Valoriser l’image de l’industrie

L’harmonisation des normes présente plusieurs avantages. Elle permettra aux restaurateurs après sinistre de ne pas avoir à jongler avec différents processus. « Il est difficile de suivre les critères de tous les assureurs. Notre cartable est plus épais que le Code du bâtiment », dit Serge Forcier, président de Soresto Trois-Rivières, Lanaudière et Québec.

Michel Forget, conseiller et formateur chez Académie Select, ainsi qu’instructeur certifié de The Clean Trust (mieux connu sous son ancien acronyme IICRC pour Institute of Inspection, Cleaning and Restoration Certification), corrobore ces dires. Il ajoute que l’industrie est aux prises avec « 62 normes d’assureurs différents ». L’harmonisation permettrait donc d’alléger des tâches administratives couteuses.

Elle contribuerait aussi à améliorer l’image des restaurateurs auprès des assureurs. « Aujourd’hui, les restaurateurs sont vus comme étant plein de bonnes intentions. Ils veulent niveler leur industrie vers le haut, mais ne sont pas capables de s’encadrer correctement. Leur industrie manque de maturité. C’est une industrie en devenir », dit M. Perreault.

Pour cause, il avance que les assureurs constatent de nombreuses inégalités dans la qualité des services rendus. « Lorsque l’assureur demande un rapport psychrométrique, il ne l’obtient pas toujours, dit M. Perreault. Ça vaut aussi pour d’autres documents. »

M. Forget dit aussi observer un manque de constance chez certains. Il dit noter qu’après avoir suivi leur formation, plusieurs restaurateurs font l’inverse de ce qu’ils ont pourtant appris.

Autre source de problème : la confiance entre assureurs et restaurateurs fait parfois défaut. Selon M. Perreault, les assureurs tendent à penser que lorsqu’ils mettent en place une nouvelle procédure, les restaurateurs réagissent en y cherchant une faille pour hausser leur facturation.

M. Perreault souhaite ainsi qu’assureurs et restaurateurs aient davantage confiance l’un en l’autre. Il précise d’ailleurs que la reconnaissance de l’emploi de technicien après sinistre, rendue possible grâce à la mise en place du programme d’apprentissage en milieu de travail, contribuera à rétablir cette confiance.

M. Forcier dit aussi souhaiter un rapprochement entre restaurateurs et assureurs. Car, selon lui, ces derniers ne consultent pas assez souvent les restaurateurs pour connaitre leurs points de vue. Selon lui, le mot « partenaire » ne colle pas à la réalité quotidienne autrement que sous la forme de « partenaires éloignés ». Il souhaiterait un échange continu sur l’évolution des dossiers ainsi qu’un mot à dire dans leur traitement.

Les problèmes résulteraient du manque de communication entre les restaurateurs et leurs partenaires. Au dire de M. Forget : les restaurateurs ne communiquent pas assez avec eux, alors qu’ils disposent de tous les moyens technologiques pour le faire. Il croit que ce manque de communication peut mener à un service de moindre qualité.

Sans compter que le restaurateur ne renseigne pas suffisamment l’assuré. « Nous avons de bonnes intentions pendant l’urgence. Après cela, il arrive qu’on le laisse dans le néant. Lorsque nous ne disons pas à l’assuré ce que nous avons fait, cela entache notre réputation », dit M. Forget. Il rappelle qu’il est important de constater, de communiquer, puis de documenter.

Pour sa part, M. Forcier note un problème de compréhension entre professionnels. Il constate que les experts en sinistre ne comprennent pas les enjeux auxquels sont confrontés les restaurateurs, car ils ne portent pas le même regard sur une même situation. « Certains experts n’ont pas de formation. S’ils suivaient des cours chez The Clean Trust, il serait plus facile de régler les dossiers », dit-il.