Depuis le 18 avril 2007, les compagnies pharmaceutiques ont reçu le feu vert du Gouvernement du Québec : elles peuvent augmenter leurs prix moyennant certaines conditions. Elles doivent limiter la hausse au maximum autorisé, soit 2,03 % en 2007, et verser une partie de ces revenus additionnels au fonds consolidé du Québec. Qu’est-ce qui attend les propriétaires de PME quand ils renégocieront les coûts de leurs assurances collectives?En 1994, le Gouvernement du Québec gelait le prix des médicaments et en 1997, il créait un régime mixte d’assurance médicaments pour l’ensemble des citoyens. Les compagnies pharmaceutiques ont, depuis, demandé à maintes reprises le dégel du prix des médicaments. Le Ministre Couillard s’est finalement rendu en partie à leurs arguments.

Avec la hausse maintenant en vigueur, les montants remboursés par les assureurs privés pour les médicaments vont croître de façon potentiellement importante et ce sont les propriétaires ainsi que les employés de PME qui paieront la note. Il ne serait pas étonnant, dès lors, qu’il y ait abandon de certaines couvertures d’assurances par les entreprises, ce qui pourrait faire baisser le volume d’affaires des fournisseurs d’assurance.

Seulement le dégel ?

Au moment du dépôt de la politique du médicament en février dernier, les principaux quotidiens n’en avaient que pour le dégel des médicaments et la gratuité des médicaments étendue à quelque 280 000 aînés et prestataires de l’assurance-médicaments. Pourtant, la politique du médicament et les changements apportés par la loi 130 auront d’importantes répercussions pour les régimes privés.

Le Gouvernement a contrôlé les augmentations résultant de ses décisions pour le régime public, mais rien n’a été fait pour les régimes privés. Johanne Brosseau, conseillère principale chez Aon, ne décolère pas. « Qu’ils s’organisent !, lance-t-elle. C’est le message que le Gouvernement passe aux assureurs et aux promoteurs de régimes privés qui assument pourtant les coûts des médicaments de la moitié de la population du Québec », explique Mme Brosseau.

Déjà pour 2007, on prévoit que l’industrie devra subir une augmentation des coûts qui s’échelonnera entre 2% et 15%, et une augmentation équivalente à l’indice des prix à la consommation pour les années suivantes. En outre, il n’y aura pas de sommes compensatoires versées aux régimes privés, contrairement au pourcentage des revenus consécutifs au dégel que les fabricants de médicaments brevetés doivent payer au gouvernement. Ce pourcentage est d’ailleurs gardé secret et bien malin serait celui qui le découvrirait…

En ce qui concerne le plafonnement du prix des médicaments génériques, il y aura également un impact financier sur les régimes privés. L’impact variera entre -3% à +5%, en fonction de trois possibilités. Il y aura réduction des coûts si les pharmaciens transfèrent la réduction des coûts d’acquisition, le maintien des coûts si les pharmaciens ne réduisent pas les montants réclamés et, finalement, il y aura augmentation des coûts si les fabricants adoptent une stratégie de prix différente pour les régimes privés pour compenser leurs pertes de revenus.

Plafonnement des ristournes des pharmaciens

Avec sa nouvelle politique du médicament, le gouvernement libéral a plafonné à 20 % les allocations professionnelles que les pharmaciens peuvent recevoir officiellement des compagnies pharmaceutiques. On peut se demander si cette mesure sera respectée, ou sinon, comment elle sera contournée. Ces allocations existent tout de même depuis 1994. Surnommées, « ristournes », ces sommes n’étaient pas déclarées par la majorité des pharmaciens auparavant.

D’ailleurs, au moment de l’annonce de la politique par le ministre Couillard des nouvelles dispositions de la loi 130, l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) a boycotté la conférence de presse du ministre.

Quelles seront les conséquences financières du plafonnement des ristournes aux pharmaciens prévus par la nouvelle loi pour l’industrie de l’assurance ? Les pharmaciens subiront une réduction importante de leurs revenus.

À ce sujet, le directeur général de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (l’AQPP), Normand Cadieux, déclarait dans un communiqué transmis aux médias : « Le plafonnement à 20% du prix des rabais négociés par les pharmaciens avec les fabricants de médicaments génériques contenu dans la Politique du médicament déposée par le ministre de la Santé et des Services sociaux créera un préjudice majeur aux pharmaciens et donc aux patients. »

Selon un jugement de la Cour suprême, il y aurait eu 200 M$ versés en ristournes aux pharmaciens entre 2000 et 2003. L’Association plaide, pour sa part, que les rabais octroyés par les compagnies pharmaceutiques servaient à assouplir leurs pratiques commerciales en payant les services de plus d’un pharmacien et en prolongeant les heures d’ouverture des établissements.

La réduction des ristournes causant une baisse importante des revenus nets des pharmaciens, il y aura une augmentation potentielle des montants qui seront réclamés aux assurés des régimes privés car les pharmaciens sont incapables d’éponger ces pertes auprès des assurés du régime public.

En outre, la hausse des coûts d’exploitation des établissements pharmaceutiques ne sera pas compensée par l’augmentation des honoraires négociés dans la nouvelle entente avec l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires. « Il faut savoir, souligne Johanne Brosseau, que contrairement aux régimes privés, le Gouvernement jouit d’un pouvoir législatif qui lui permet de négocier avec les pharmaciens propriétaires et de soustraire la RAMQ à certaines règles du régime général d’assurance médicaments pour contrôler les montants facturés par les fabricants et les pharmaciens.»

Nouveaux médicaments et hospitalisations

Le Groupe Aon évalue les impacts financiers globaux de la nouvelle loi 130 sur les régimes privés à une majoration minimale de 2% sur leur facture actuelle. Quant au montant maximal que pourraient avoir à payer en plus les promoteurs de ces régimes privés, ce peut être beaucoup plus mais on ne se commet pas.

Une nouvelle disposition risque également de faire mal aux régimes privés. Il s’agit du remboursement aux assurés du coût de certains nouveaux médicaments achetés à la pharmacie, mais administrés à l’hôpital aux patients ambulatoires. Il y aura en outre une augmentation du nombre de médicaments d’exception ou inscrits à la liste régulière qui pourraient être sujets à un remboursement obligatoire par les régimes privés.

Finalement, aux impacts prévus par la loi 130 et la politique du médicament sur les régimes privés, il faut également ajouter les autres facteurs d’augmentation de coût, tels que l’augmentation du nombre de consommateurs de médicaments et la hausse du nombre d’ordonnances pour chacun de ces consommateurs, qui résultent entre autres du vieillissement de la population ainsi que de l’arrivée de nouveaux médicaments sur le marché.

La nouvelle politique du médicament entraînera une pression additionnelle sur la croissance des coûts des régimes privés car le cadre législatif limite la croissance uniquement pour le régime public. Les promoteurs de régimes privés devront participer activement à la gestion des coûts des médicaments et devront convaincre les assurés de devenir leurs partenaires pour gérer le coût des médicaments.

Finalement, les assureurs devront investir dans des approches de gestion novatrices pour en arriver à mieux gérer les coûts à long terme et à offrir aux régimes privés une technologie comparable à celle de la RAMQ. S’ils ne le font pas, ils risquent de voir baisser leur volume d’affaires à plus ou moins brève échéance.

Cette nouvelle politique du médicament est entrée en vigueur en février dernier et ses 29 orientations seront mises en œuvre sur une période de 3 ans.