Des assureurs collectifs passent à l’offensive contre l’obésité. Ils offrent désormais des récompenses aux employés qui bénéficient d’un programme santé de leur entreprise !Depuis l’an dernier, les clients de La Capitale qui optent pour le programme santé mis sur pied par l’assureur pour leur employeur, bénéficient d’une remise sur leur prime d’assurance salaire (voir Journal de l’assurance, Janvier 2006). Sont ainsi visés les employeurs qui, par exemple, mettent sur pied un comité santé chargé d’organiser des activités, ou qui invitent des infirmières et des conférenciers pour parler santé.

« Si les clients sont disposés à mettre sur pied un programme santé, nous offrons un rabais sur la prime d’assurance salaire qui peut aller jusqu’à 10% », commente Marcel Bilodeau, vice-président assurance collective à La Capitale. Le programme santé complet coûte approximativement 45$ par employé.

Cependant, l’assureur prend une partie des frais à sa charge. M. Bilodeau n’a pas précisé dans quelle proportion.

Nul doute que l’implication de l’employeur est essentielle, si l’on tient à freiner les augmentations de primes et à améliorer la santé des travailleurs. C’est ce que l’on soutient chez l’assureur SSQ Groupe financier.

Bien que les entrepreneurs se montrent plus ouverts lorsqu’il est question de prévention, ils n’en demeurent pas moins relativement peu enclins à prendre les choses en main, constate toutefois Carl Laflamme, vice-président ventes et marketing, développement national, chez SSQ.

« C’est aux employeurs de faire des démarches, si l’on veut vraiment obtenir des résultats. Il faut que l’entreprise s’investisse, dit-il. On en parle de plus en plus, mais les employeurs sont encore en mode réflexion. Le plus difficile, c’est qu’ils veulent mesurer le rendement sur l’investissement. Voilà une donnée impossible à chiffrer », regrette-t-il.

Ceux qui ont des cafétérias pourraient assez facilement mettre la main à la pâte, croit Jacques L’Espérance, actuaire et président de J. L’Espérance Actuariat Conseil. Par exemple, en n’offrant que des repas santé, ou en encourageant leurs employés à être en bonne santé et à faire des activités physiques. Ceci dit, on est loin de la coupe aux lèvres à ce chapitre, car les coûts de l’obésité dans les régimes collectifs n’étant pas calculables, sensibiliser l’employeur demeure un défi.

Payant, la prévention

La Capitale, qui a mené un projet pilote de santé avec ses propres employés en 2004, rapporte une forte diminution de l’absentéisme à court terme (20 semaines et moins). Les absences ont chuté, selon les groupes, de 17 à 30%.

Qui plus est, un sondage effectué auprès des employés de l’assureur révélait que 73% des participants ont définitivement modifié leur niveau d’activité physique. Le centre de sport situé dans l’un des édifices de La Capitale a même vu son achalandage doubler en un an!

Pour Jacques L’Espérance, les employeurs n’auront d’autres choix que de s’atteler à la prévention s’ils ne veulent pas voir leurs primes grimper en flèche, ou leurs employés s’absenter de plus en plus. « Les employeurs vont s’apercevoir que l’obésité est la cause d’autres problèmes qui mènent à l’absentéisme et à une consommation de médicaments accrue, dit-il. À ce moment-là, ils réagiront. Je crois qu’actuellement, la grande majorité ne sont pas conscients des risques », soutient-il.

Encourager… ou punir

Dans le fond, il faudrait peut-être instaurer des mesures punitives pour favoriser une implication de chacun dans la guerre contre l’obésité. « On a commencé à s’occuper de la cigarette quand c’est devenu une loi. Malheureusement, pour une bonne partie de la population, s’il n’y a pas le bâton, la carotte seule ne suffit pas », note M. L’Espérance.

La Capitale propose déjà des programmes de santé destinés à ses clients. « Dans le passé, on haussait les primes quand l’expérience n’était pas bonne. Aujourd’hui, on montre à nos clients qu’un grand nombre de leurs employés prennent des médicaments pour toutes sortes de raisons. Ou que les causes d’invalidité dans leur groupe sont reliées à des problèmes précis. Nous faisons des comparaisons puis nous sensibilisons les employeurs à faire de la prévention », explique Marcel Bilodeau.

Une approche plus ou moins similaire a été adoptée chez SSQ Groupe Financier, explique M. Laflamme. Lancé en 2004, le programme Accès santé permet à l’employeur d’obtenir un diagnostic sur l’état de santé de son personnel. « Par la suite, nous faisons un bilan, puis nous établissons un plan d’action, un plan de communication, etc. Il est aussi possible de créer des cliniques de dépistage du diabète ou du cholestérol ».

Éduquer, conscientiser...

La Financière Sun Life mise pour sa part sur la conscientisation des assurés. L’assureur a demandé à la firme qui offre le programme d’aide pour ses propres employés, de mettre sur pied un programme d’éducation destiné à ses assurés. « Le but est de permettre aux employés de comprendre ce qu’est l’obésité et d’agir en conséquence », poursuit Claude Leblanc, vice-président au développement du marché. Le message est axé sur l’équilibre alimentaire, les bienfaits du sport et la perte de poids.

Chez Sun Life, on s’en remet aux employeurs. L’assureur n’entend pas aller de l’avant avec des programmes santé qui, au fond, interviennent dans la philosophie de l’entreprise, explique Claude Leblanc. « Ces initiatives sont du ressort de l’employeur », commente-t-il.

De plus, l’assureur rejette l’idée d’accorder des baisses de primes en assurance salaire à ceux qui ont pris un virage santé. « En assurance collective, quand les gens prennent de bonnes initiatives, l’expérience, donc les taux, s’ajustent en conséquence, dit-il. Si l’absence au travail est réduite par ces mesures, ça se reflète automatiquement dans les tarifs. Ce rabais hypothétique n’aura donc qu’un effet limité dans le temps. »

À la Great-West, pas question non plus d’accorder des rabais aux employeurs qui auront instauré des activités santé. L’assureur préfère développer divers programmes de motivation, au lieu de réduire les primes.

« Nous disons aux employeurs que s’ils adoptent un programme de santé qui a des répercussions chez les employés, l’expérience va s’en ressentir et les coûts également », lance Mike Sampson, vice-président marketing assurance collective à la Great-West.

En revanche, l’assureur a entrepris des campagnes de sensibilisation et d’éducation sur le thème de la santé depuis déjà deux ou trois ans, indique-t-il. « Nous affichons un questionnaire santé sur notre site internet qui permet à chaque assuré d’établir son profil et de commencer à prendre des mesures, le cas échéant. Le poids et la taille font notamment partie du questionnaire », précise-t-il.