Selon Robert Gagné, de HEC Montréal, faute d’une réelle amélioration de la productivité, le Québec peine toujours à générer de la richesse. Le Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) qu’il dirige et qui est financé par la Fondation Walter J. Somers a publié, en mars 2019, une étude intitulée Productivité et prospérité au Québec – Bilan 2018.
Ce bilan confirme la perte de vitesse du Québec en matière de croissance économique, depuis la récession du début des années 1980. La croissance annuelle moyenne du niveau de vie à parité des pouvoirs d’achat, entre 1981 et 2017, n’a atteint que 1,2 % en 36 ans.
Dans le classement où apparaissent une vingtaine de pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et les neuf autres provinces canadiennes, le Québec ne devance que la Suisse, au bas du classement, suivi par l’Italie, la Colombie-Britannique et l’Alberta.
Au sommet du classement pour la croissance annuelle, notons la présence de Terre-Neuve-et-Labrador (2,4 %), derrière l’Irlande et la Corée du Sud.
Si on utilise comme indicateur le produit intérieur brut (PIB) par habitant, toujours à parité des pouvoirs d’achat, le Québec arrivait en 24e place sur 30, avec 49 699 $, en 2017.
Le Québec s’est laissé distancer depuis 1981. L’écart de 927 $ par habitant, en 1981, correspondait à un écart de 3 % par rapport à celui des habitants des 20 pays de l’OCDE. En 2017, cet écart approchait les 13 000 $, ou 26 %.
Le rôle de l’État
Le rapport s’intéresse aux raisons pouvant expliquer cette faiblesse relative du niveau de vie au Québec. Selon le CPP, l’une d’elles est certainement la lourdeur relative de l’État québécois.
Le poids des dépenses publiques par rapport au PIB était de 47,7 % au Québec en 2017. La province se classe au 10e rang à cet égard, et les trois provinces maritimes du Canada sont au sommet, une place peu enviable concernant la part de l’État dans l’économie. À l’autre bout du spectre, l’Irlande et l’Alberta sont les économies où le gouvernement pèse le moins.
L’incidence de la présence de l’État sur la fiscalité des particuliers n’est pas à négliger non plus, ajoutent les auteurs. En 1981, le revenu disponible par habitant au Québec, à 19 359 $, était sous la moyenne canadienne, mais il était supérieur à celui noté dans cinq autres provinces. En 2017, le Québec arrivait au dernier rang à ce chapitre, avec 28 455 $, soit près de 4 000 $ de moins que la moyenne canadienne. À l’échelle des 20 autres pays de l’OCDE, le Québec ne devance que trois économies, soit la Nouvelle-Zélande, l’Espagne et la Corée du Sud, qui sont en queue de peloton. Inégalités moindres
Selon le bilan du CPP, le gouvernement du Québec est bien classé en matière de redistribution de la richesse. On utilise le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités sur une échelle de 0 à 1, pour déterminer l’efficacité de cette redistribution. Avant impôts et transferts, le Québec se classe au 7e rang sur 10 provinces, avec un coefficient de 0,437. Après impôts et transferts, le Québec grimpe au 3e rang (0,284) au pays.
Un autre moyen de mesurer ces inégalités est de comparer la distribution du revenu par décile : on répartit ainsi la population en dix classes de revenu, et on détermine le revenu moyen pour chacune.
Avant l’intervention du gouvernement du Québec, le revenu des 20 % les plus riches en 2016 était 21 fois plus élevé que celui des 20 % les plus pauvres. Le Québec arrive au 9e rang des provinces, ne devançant que Terre-Neuve-et-Labrador. Après impôts et transferts, cet écart tombe à 4,5 fois, ce qui place le Québec au 3e rang.
Vient ensuite un bémol lorsqu’on compare le Québec à l’Ontario. Cette répartition par décile montre que seuls les 20 % les plus pauvres ont un revenu moyen semblable dans les deux provinces. L’écart entre les deux provinces s’agrandit au fur et à mesure qu’on grimpe dans les classes de revenu. « Au final, les inégalités sont plus faibles au Québec qu’en Ontario parce que la portion de la population la plus riche dispose d’un revenu plus faible, et non parce que les pauvres sont mieux nantis », écrivent les auteurs du bilan du CPP.