Les jeunes Canadiens de la Génération Y joignent leurs ainés et optent de plus en plus pour des produits d’assurance vie à émission simplifiée. Ils profitent ainsi des conditions moins strictes associées à ces produits.

Les produits à émission simplifiée visaient initialement le marché des retraités ou des personnes dont les problèmes de santé rendaient difficiles à assurer. Or, assureurs et agents généraux s’entendent pour dire que ce type de produits attire une autre clientèle, soit les gens qui trouvent trop laborieux le processus de souscription traditionnel et les rendez-vous médicaux qui y sont associés.

Pamela Kwiatkowski

Les produits à émission simplifiée sont aussi devenus une solution pour les personnes qui ont horreur des prises de sang. Ou encore de celles qui pratiquent un sport extrême, les empêchant d’obtenir une couverture plus traditionnelle.

Pamela Kwiatkowski, vice-présidente adjointe, assurance individuelle et placements, d’Assomption Vie, dit y voir un changement de cap. « Le marché de l’émission simplifiée s’adresse aussi aux consommateurs ne voulant pas passer d’examen médical, qui préfèrent répondre à un questionnaire et obtenir rapidement leur protection. On s’adresse donc maintenant aux deux extrémités de la clientèle. »

Outre Assomption, plusieurs assureurs ont percé ce marché : Croix Bleue, Plan de protection du Canada, La Capitale, Desjardins Assurances, Équitable du Canada, Foresters, iA Groupe financier et Manuvie. Quelques banques s’y trouvent aussi.

Chez IDC Worldsource, les ventes de produits à émission simplifiée ont atteint 34 millions de dollars (M$) en 2014. Elles ont plus que doublé en 2015 pour atteindre 87 M$.

Don Hart

IDC est actif sur le marché des dossiers difficiles à assurer. La croissance imputable à l’émission simplifiée est compréhensible, selon son PDG Don Hart, puisqu’un nombre de plus en plus élevé de Canadiens vieillissants ne peuvent obtenir une assurance traditionnelle. « Les conseillers ont désormais une solution pour régler ce problème. Ils peuvent proposer de meilleurs produits à leurs clients », dit-il.

Pourquoi qualifie-t-on ce produit de « simplifié »? Il ne faut répondre qu’à quelques questions pour l’obtenir et la demande est acceptée, ou non, presque sur-le-champ. La croissance des produits à émission simplifiée a aussi allégé le processus de souscription dans son ensemble. Les assureurs ont revampé leurs systèmes informatiques pour plaire à une clientèle plus jeune. « Ils veillent à aller au-devant des attentes des consommateurs de 20 à 30 ans, qui préfèrent s’informer et acheter en ligne et pourraient vouloir assurer un prêt, hypothécaire ou autre », dit Sarah Fiorino, spécialiste en soutien commercial d’IDC.

Les différences des produits

Si ces produits se ressemblent à maints égards, ils sont aussi leurs différences. Par exemple, la période de paiement projetée et les indemnisations varient selon l’âge auquel l’assurance a été délivrée, ainsi que de la possibilité de souscrire ou non à un avenant, comme une assurance maladie grave. Les restrictions diffèrent aussi d’une société d’assurance à l’autre, mais elles peuvent comprendre des maladies terminales et la maladie d’Alzheimer, le cancer, les crises cardiaques et les AVC.

Certaines compagnies offrent une gamme de produits échelonnés auxquels correspondent divers niveaux de couverture. Ainsi, Plan de protection du Canada propose un régime couvrant des risques graves ou autres en vertu duquel le client peut jouir d’une couverture maximale de 50 000 $. Aucune indemnisation ne sera versée dans les deux ans suivant la souscription à moins de décès accidentel, signale Michael Aziz, vice-président des ventes de l’entreprise, dont les ventes de produits à émission simplifiée représentent 40 % de ses ventes au Québec.

La non-immédiateté de la couverture vise les clients qui présentent de graves problèmes de santé ou que l’on aurait déjà refusé d’assurer. Ceux-ci peuvent profiter d’une protection allant jusqu’à 250 000 $, toujours conditionnellement à l’impossibilité de recevoir une indemnisation avant deux ans, à moins de décès accidentel.

Les produits à émission simplifiée ont des primes plus élevées que les polices traditionnelles, en plus d’offrir des prestations moins élevées. Pamela Kwiatkowski estime néanmoins que, en offrant sept produits à émission simplifiée distincts, Assomption Vie démontre son intention de permettre à toute personne souhaitant obtenir une protection d’assurance vie d’en avoir une. « Ce que nous voulons, c’est que le client qui dispose d’une telle police sache que, hormis en cas de fraude, il détient une promesse de paiement, ajoute Mme Kwiatkowski. »

Lors de sa demande, le consommateur doit révéler si on lui a déjà refusé un type quelconque d’assurance vie. Le cas échéant, il faut généralement s’attendre à ce qu’il obtienne une couverture moindre ou nulle, ou à ce qu’on lui impose une période d’attente, selon le cas. Cela peut aussi signifier qu’il devra souscrire un contrat d’assurance garanti, associé à des prestations moins généreuses.

Les stratégies des conseillers

Par ailleurs, certains conseillers ont commencé à utiliser les produits à émission simplifiée pour créer un effet de levier. Prenons le cas d’un conseiller qui craindrait que l’on refuse une assurance ordinaire à son client, ou une situation où ce dernier doit démontrer une période de stabilité. Le conseiller suggérera au client de se procurer dans un premier temps un produit à émission simplifiée pour ensuite tenter d’obtenir un produit traditionnel comportant une plus vaste couverture. S’il y parvient, le conseiller pourra ensuite annuler l’assurance vie à émission simplifiée.

Michael Aziz

« De nombreux conseillers ont recours à cette stratégie, dit Michael Aziz. Les clients ne doivent pas dire qu’ils ont été refusés, car dès que c’est le cas, ils doivent se diriger vers d’autres produits. Il nous est arrivé d’avoir des gens qui nous consultent avant qu’un assureur leur refuse une assurance traditionnelle, car ils étaient admissibles à l’un de nos produits à émission simplifiée. Mais si l’assureur traditionnel les avait refusés, ils auraient dû le divulguer dans le questionnaire. »

Sarah Fiorino dit que les conseillers peuvent parfois recourir à l’émission simplifiée de façon temporaire, par exemple dans le cas de clients qui font de la plongée sous-marine ou du bungee, ou encore qui voyagent dans des régions dangereuses du globe. « Une fois de retour de voyage, ils peuvent faire marche arrière et aller voir un assureur traditionnel », explique-t-elle.

Même si de nombreux produits à émission simplifiée ne se vendent pas lors d’une rencontre en personne, la plupart des assureurs préfèrent que la vente passe par un conseiller qui aide le client à s’y reconnaitre parmi les divers produits traditionnels et simplifiés à sa portée.

« Normalement, le conseiller rencontre d’abord le client et fait une analyse de ses besoins afin de voir quelles sont les meilleures mesures à prendre dans son cas. Il a tout intérêt à profiter des échanges précédant et suivant la vente d’un produit à émission simplifiée pour voir si d’autres membres de la famille pourraient avoir besoin d’une assurance vie ou d’une autre protection du vivant », fait remarquer Mme Kwiatkowski. Comme le marché des produits à émission simplifiée se diversifie de plus en plus, les clients peuvent probablement obtenir des produits qui n’étaient pas accessibles par le passé.

Selon Joseph Trozzo, vice-président des ventes de Qualified Financial Services (QFS), il est aussi essentiel que les conseillers qui vendent des produits à émission simplifiée s’assurent de préciser aux acheteurs potentiels ce que leur police pourra ou ne pourra pas couvrir. Surtout en ce qui a trait aux conditions faisant qu’une police verse ou non une indemnité.