
Directeur, Fiscalité et Planification successorale, IG Gestion de patrimoine
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Quand la succession du chalet dérape, l’assurance vie peut rétablir l’équilibre
Publié le 22 juillet 2025
Préserver le chalet familial lors de la transmission à la génération suivante n’est pas sans défis. Lorsqu’un ou plusieurs enfants ne vivent plus à proximité de la propriété, une situation fréquente survient.
Tout le monde ne veut pas du chalet
Si des discussions préalables permettent d’établir que tous les enfants ne souhaitent pas hériter du chalet familial, l’étape suivante consiste à évaluer comment répartir équitablement la succession. Il devient alors essentiel de déterminer s’il existera un écart important entre la valeur du chalet et la valeur résiduelle de la succession.
Le scénario fictif ci-dessous illustre pourquoi une planification financière approfondie est particulièrement importante dans ce type de situation.
Rencontrez Jack et Loraine
Jack, 66 ans, et Loraine, 64 ans, ont trois enfants : Tim, James et Joan. Ils sont très attachés à leur chalet au bord d’un lac, que Jack a hérité de ses parents il y a plusieurs années. Tim est le seul des enfants qui utilise régulièrement le chalet. Il s’y rend souvent avec sa jeune famille. James et Joan, quant à eux, vivent loin et sont occupés par leurs propres familles.
Jack et Loraine sont à la retraite et en train de mettre à jour leurs testaments, qui prévoient actuellement que leur patrimoine sera divisé en parts égales entre leurs enfants. Sur les conseils de leur planificateur financier, ils ont récemment abordé le sujet de la succession avec leurs enfants et vérifié s’ils souhaitent hériter du chalet.
À la suite de ces discussions, il apparaît que seul Tim souhaite devenir propriétaire du chalet. James et Joan ont exprimé leur confiance envers les décisions de leurs parents, tout en indiquant qu’ils aimeraient recevoir une part équivalente de l’héritage. Les parents, de leur côté, souhaitent conserver la propriété jusqu’à leur décès et ne prévoient pas la vendre à Tim de leur vivant.
1. La prévision successorale
Avec l’aide de leur conseiller, Jack et Loraine ont préparé des projections successorales fondées sur un plan optimisé de revenu à la retraite. Selon des estimations conservatrices, la valeur du chalet atteindra 1,5 million de dollars (M$) au bout de leur espérance de vie. La valeur de leurs autres actifs est évaluée à 3,3 M$. À première vue, la situation semble équilibrée.
2. L'estimation de l’impôt au décès
Les 3,3 M$ projetés incluent un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) de 600 000 $, leur résidence principale estimée à 1,9 M$ et 800 000 $ en placements non enregistrés (profil de risque modérément conservateur).
Si le roulement fiscal des actifs (ou transfert sans conséquence fiscale immédiate) est possible entre conjoints, il ne l’est pas avec les enfants. Du point de vue de l’Agence du revenu du Canada (ARC), c’est comme si les actifs sont vendus à la juste valeur marchande au moment du décès. Cela signifie que les éléments suivants entraîneront une charge fiscale :
- le chalet familial ;
- le FERR ;
- et les placements non enregistrés.
L’exemption pour résidence principale sera appliquée au gain en capital réputé sur la maison. Bien qu'il soit possible d'appliquer cette exemption au chalet, le gain réalisé sur la résidence principale sera nettement plus important.
La facture fiscale estimée est la suivante :
- 500 000 $ de gain imposable (inclusion de 50 % sur un gain non abrité de 1 M$ sur le chalet).
- 100 000 $ de gain imposable (inclusion de 50 % sur un gain de 200 000 $ en placements non enregistrés).
- 600 000 $ de revenu imposable (inclusion de 100 % du FERR).
Cela représente un revenu imposable de 1,2 M$ dans la déclaration finale. En appliquant un taux d’imposition de 50 %, l’impôt à payer s’élève à environ 600 000 $, payable par la succession.
3. Un héritage inégal
Après le règlement des frais d’homologation, le paiement des honoraires professionnels et les coûts liés à la vente de la maison, la valeur résiduelle de la succession à partager entre James et Joan est estimée à 2,6 M$, soit 1,3 M$ chacun.
En d’autres mots, la valeur de l’héritage de Tim (le chalet, estimé à 1,5 M$) dépasse celui de son frère et de sa soeur de 400 000 $ au total. Cet écart pourrait encore s’accroître en fonction de divers facteurs : dons aux petits-enfants, fluctuations des marchés, dons de bienfaisance, etc. Selon la formulation du testament et les attentes de chacun, la situation pourrait devenir délicate.
4. Le pire scénario possible
Tim ne dispose pas des 400 000 $ nécessaires pour égaliser les parts et il ne veut pas contracter une hypothèque supplémentaire. La famille décide donc de vendre le chalet pour répartir l’héritage de manière équitable. Le chalet a aussi besoin de rénovations coûteuses. Tim vit mal cette décision. La vente affecte sa relation avec son frère et sa sœur, qu’il tient responsables de la perte du chalet familial qu’il aime tant.
5. Que peuvent faire Jack et Loraine pour éviter cette situation?
Pour s’assurer que Tim puisse conserver le chalet tout en respectant une répartition équitable de la succession, Jack et Loraine pourraient transférer une partie de leur portefeuille non enregistré à une police d’assurance vie permanente conjointe (dernier décès) pour couvrir l’impôt successoral prévu. Cette stratégie ne compromettrait pas leur flexibilité financière à la retraite et permettrait un partage plus équilibré. Les avantages sont nombreux :
- Des gains d’efficacité fiscale à la retraite, puisque les placements croissent à l’abri de l’impôt à l’intérieur de la police (s’ils choisissent d’investir au moyen du véhicule d’assurance).
- Jack et Loraine réduiront probablement la récupération de la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV), car leurs placements non enregistrés généreront proportionnellement moins de revenus d’intérêts chaque année. (C’est-à-dire que la composition fiscale est améliorée puisque les revenus d’intérêts sont imposés de manière défavorable dans un environnement non enregistré).
- Ils bénéficieront également d’une plus grande flexibilité dans leur planification successorale, car la désignation directe de bénéficiaires dans la police d’assurance permet d’économiser sur les frais d’homologation et potentiellement sur les honoraires du liquidateur.
- La police offrira aussi la liquidité nécessaire au moment du décès pour couvrir les impôts successoraux et fournir les fonds requis pour respecter les intentions prévues pour chaque héritier, le tout sans être exposé aux risques de baisse des marchés.
- Enfin, la composante placement de la police pourrait, au cours de la retraite, représenter une source de capital fiscalement avantageuse, puisqu’elle peut être utilisée comme garantie pour accéder à des fonds sans conséquence fiscale immédiate.
D’autres solutions peuvent être envisagées, mais elles dépendront des faits propres à chaque situation.
En résumé...
S’il est toujours souhaitable de prévoir l’impôt successoral, certaines situations accentuent l’importance de le faire. Le chalet familial est un bon exemple, un bien souvent unique et émotif. Il est fréquent de vouloir qu’il reste dans la famille. Toutefois, si les enfants sont dispersés géographiquement, il est peu probable qu’ils souhaitent en hériter pour se le partager, surtout s’il existe d’autres options.
Connaître les intentions des héritiers et planifier une répartition équitable peut aider à préserver à la fois l’unité familiale et la succession du bien précieux.