Les tarifs des traités de réassurance devraient enregistrer une baisse en 2008 au Canada. En catastrophe, cette baisse pourrait atteindre 10 %, puisque l’offre excède la demande. De plus, l’industrie a connu beaucoup moins de catastrophes naturelles en 2007 qu’elle l’escomptait, comme ce fut le cas en 2006, et le taux de sinistralité demeure bas.Ce sont les quelques pronostics que livrent les intervenants interrogés par le Journal de l’assurance, au début des renégociations des traités de réassurance, qui se poursuivront jusqu’en fin d’année.

Le marché de la réassurance se relève encore de la difficile année qu’il a connu en 2005 avec le passage des ouragans Katrina, Rita et Wilma. Toutefois, 2006 a été une meilleure année pour les réassureurs et ces derniers se croisent les doigts pour que 2007 continue sur la même lancée.

François Dagneau, vice-président principal, directeur du bureau chez AON Re, courtier de réassurance, soutient que la réassurance est dans un marché baissier depuis l’an dernier. « On a vu une inflexion. Ce fut très clair lors des négociations de traités de janvier et de juillet 2007. Le marché gardera cette tendance », affirme-t-il.

Il ajoute que les prix sont aussi à la baisse, bien qu’il soit difficile de dire de combien. « En catastrophe, on peut s’attendre à une baisse de 10 %. Il devrait aussi y avoir une baisse substantielle en responsabilité civile. Pour les autres traités, comme les biens et les cautions, on pourrait voir une hausse vu l’appétit plus grand des assureurs. Le marché est présentement à leur avantage », explique M. Dagneau.

Il ajoute que les réassureurs connaissent aussi une bonne année 2007, tout comme les assureurs. « L’appétit des réassureurs est donc plus grand, mais ils doivent se discipliner. Ils ont déjà retourné des capitaux à leurs actionnaires cette année. Ça leur évite donc de se mettre de la pression pour signer des affaires. C’est d’ailleurs ce qui modère leur appétit », dit-il.

Denis Poirier, vice-président affaires corporatives et réassurance à L’Union Canadienne, qui agit à titre de courtier de réassurance pour le Groupe Co-operators, table aussi sur une baisse de 10 % en catastrophe.

« Ce ne sera cependant pas une baisse généralisée partout. En réassurance de catastrophe par exemple, on peut s’attendre à une baisse dans les deux chiffres. Elle devrait être d’au moins 10 %. En responsabilité, ça dépendra du secteur. L’ensemble devrait cependant être à la baisse », laisse-t-il entendre.

« Le marché anticipait des années avec plus de tempêtes et de catastrophes, ce qui ne s’est pas concrétisé pour une deuxième année consécutive. La sinistralité demeure très bonne. Les réassureurs ont beaucoup d’appétit, mais ils ont beaucoup de capitaux. Ils cherchent donc à faire affaires avec des assureurs de bonne qualité », fait valoir M. Poirier.

Yves Boissonnault-Francoeur, directeur réassurance corporative chez AXA Canada, dit aussi pressentir une baisse des tarifs pouvant aller jusqu’à 10 % pour tout ce qui touche la réassurance non proportionnelle et le règlement de sinistres en dedans de trois ans. Deux raisons expliquent cette baisse à son avis.

« Premièrement, il n’y a pas eu de catastrophes au niveau mondial, ni au niveau canadien. Il n’y a donc pas eu de règlements majeurs. Deuxièmement, l’offre de capacité des réassureurs est plus élevée que la demande des assureurs. Ça fait une pression à la baisse », dit-il.

Sans affirmer que les tarifs seront à la baisse, Francis Blumberg, directeur des opérations canadiennes chez PartnerRe SA, mentionne que la contraction du marché va se poursuivre en 2007.

« La consolidation du secteur de l’assurance de dommages, l’intégration des programmes locaux dans des programmes mondiaux et l’amélioration de la solidité financière des assureurs vont inciter les assureurs à céder moins de volumes, ce qui aura un impact », dit M. Blumberg.

Prudence!

Jean-Jacques Henchoz, président-directeur général, de Suisse de Ré du Canada, voit aussi une pression à la baisse s’exercer sur le marché, mais souligne que ce dernier est stable depuis quelques années et qu’il continue à attirer des capitaux. À son avis, ce qui tire le marché à la baisse est la présence de nouveaux acteurs intéressés à investir le marché de la réassurance canadienne.

« C’est un marché qui a diminué en termes de volume ces dernières années. C’est une tendance qu’on voit depuis quelques temps. Il y a moins de cession aux réassureurs. C’est clair que ce type de constellation peut donner lieu à des pressions au niveau des prix », mentionne-t-il.

M. Henchoz souligne que la bonne année qu’ont connue les assureurs de dommages au Canada aura un impact sur les négociations de 2008. Néanmoins, il rappelle que les réassureurs calculent leur taux sur des périodes allant de dix à quinze ans et qu’ils tiennent compte des catastrophes naturelles et des tremblements de terre.

« La bonne année passée est un indicateur de bons résultats financiers et de solidité financière, mais pas de là à ce que ça se répercute tout de suite sur les coûts de réassurance catastrophe. Ce n’est pas la conclusion logique à tirer. La raison pour lesquelles il y a pression sur les prix a uniquement à voir avec le capital à la disposition du marché canadien », dit-il.

Changement fondamental

Le PDG de Suisse de Ré du Canada ajoute que les assureurs cherchent à établir des relations à long terme avec les réassureurs. « Il y a des années avec des résultats très mauvais. Les réassureurs ont besoin de générer des profits pour être présents à long terme. Si on ne peut pas faire de profits, on ne peut pas absorber les chocs de certaines catastrophes, comme la tempête de glace au Québec en 1998 », fait-il remarquer.

M. Henchoz ajoute que les assureurs ont d’ailleurs changé leur approche lors des négociations pour mettre l’accent sur le long terme. « Ils prennent plus de risques sur leur bilan et ont des franchises plus élevées. Ils ont tendance à se couvrir pour des catastrophes naturelles plus grosses, avec une limite plus importante. C’est une tendance qu’on observe depuis une année ou deux. Le volume d’assurance cédé aux réassureurs est donc plus petit qu’il y a deux ou trois ans », précise-t-il.

Selon M. Henchoz, les réassureurs ont aussi tiré des leçons des années difficiles qu’ils ont connues de 1998 à 2001, alors qu’on a observé une sinistralité très haute, surtout aux États-Unis. Ils ont alors subi de grosses pertes lors de la crise de responsabilité civile et lors des événements du 11 septembre 2001.

« L’industrie a appris à maîtriser son engagement lorsque le risque ne justifiait pas de prendre ce type de risques. Les actionnaires des réassureurs sont plus axés sur la qualité des portefeuilles et des résultats par rapport au volume de primes. Dans les années 1990, on parlait beaucoup de volumes de primes et d’objectifs de volumes de primes. C’est maintenant banni du vocabulaire. On parle de profitabilité, même si le volume de primes n’est pas en croissance », révèle M. Henchoz.

Marché mou?

Les intervenants contactés par le Journal de l’assurance ne s’entendent pas pour dire si le marché canadien de la réassurance est entré ou non dans un marché mou.

François Dagneau, d’AON, voit d’ailleurs un certain paradoxe dans la question. « Tout dépend de la définition qu’on donne à la notion de marché mou. Si être dans un marché mou signifie de ne pas couvrir ses résultats techniques, alors nous ne sommes pas dans un marché mou. Cependant, si être dans un marché mou signifie qu’il y a plus d’offre que de demande, alors oui, nous sommes dans un marché mou », dit-il.

Jean-Jacques Henchoz, de Suisse de Ré du Canada, émet aussi quelques réserves quant à la notion de marché mou. « Ce n’est pas un constat que je ferais de façon aussi catégorique. Je crois que tous les interlocuteurs présents sur ce marché veulent obtenir les meilleurs termes et les meilleurs prix, mais avant tout, ils veulent une stabilité », croit-il.

Pour Francis Bloomberg, de PartnerRe SA, le marché est baissier en assurance, ce qui a un impact sur la réassurance. « Toutefois, toutes les classes d’affaires ne subissent pas les mêmes pressions tarifaires. Certains assureurs résistent mieux du fait de leur implantation régionale ou de leur réseau de distribution aux assauts de la concurrence tarifaire », dit-il.

Yves Boissonnault-Francoeur, d’AXA Canada, soutient que si le marché canadien de la réassurance était dans un marché mou en 2007, il le sera aussi en 2008.

« Le marché est présentement à l’avantage des assureurs. Malgré tout, comme en réassurance primaire, les réassureurs ne sont pas là pour donner leur chemise. Ils ont une pression pour aller chercher des affaires, mais ils ont aussi une pression de résultats envers leurs actionnaires. Les réassureurs aimeraient monter les prix, mais le jeu de l’offre et de la demande ne leur permet pas de le faire. Il y a aussi une relation moyen-long terme qui s’établit en ce sens », indique-t-il.

Denis Poirier, de L’Union Canadienne, est plus catégorique. Le marché canadien de la réassurance est dans un marché mou à son avis. « Le marché est mou et devrait l’être au moins l’année prochaine. Les ratios combinés des réassureurs de l’an dernier sont bons. Ce ratio était sous le point mort en 2006. Il est un peu moins en dessous en 2007, mais il est encore en bas. La crise du papier commercial au niveau des placements est un élément d’incertitude additionnel sur les marchés, qui peuvent afficher un taux de conservatisme plus élevé », dit-il.

Il ajoute que les réassureurs doivent aussi s’assurer d’avoir une solidité financière. « Ce n’est pas parce qu’ils ont eu deux bonnes années de suite qu’on doit leur reprocher de ne pas le transmettre immédiatement au marché. Le marché était très dur il y a trois, quatre et cinq ans. La tarification a été augmentée en conséquence. Les hausses ont donc été prises à ce moment.