Deux recours collectifs ont été enregistrés à l’endroit de Financière Manuvie et Benesure Canada pour la vente d’assurance vie hypothécaire. L’un l’a été auprès de la Cour supérieure d’Ontario pour des dommages estimés à 2,4 milliards de dollars (G $) et l’autre, à la Cour supérieure de la Colombie-Britannique pour un montant qui n’a pas été dévoilé.

Par l’entremise de Lemer & Company Litigation Counsel, un cabinet de Vancouver dirigé par Bruce Lemer, Tony Di Paolo et Normand Lacasse a enregistré auprès de la Cour supérieure de l’Ontario et de la Cour supérieure de la Colombie-Britannique une demande en recours collectif contre Financière Manuvie et Groupe Benesure.

Les parties impliquées dans Groupe Benesure sont Benesure Canada, un tiers administrateur spécialisé dans le secteur de l’assurance hypothécaire, Broker Support Centre et Agence d’assurances Sécurité du crédit. Toutes ces firmes sont sises à la même adresse en Ontario. Le groupe comprend aussi Tacamor Holdings, un centre d’appels de Terre-Neuve.

Le recours inclut également Davis + Henderson (D+H), une firme de commerce électronique spécialisée dans le secteur hypothécaire, qui se serait livrée à des activités de référencement illégales pour le compte de Manuvie et de Groupe Benesure. Le recours vise spécifiquement un programme d’assurance que Benesure Canada aurait distribué par l’entremise du partenariat entre Manuvie et le Groupe Benesure : Régime Protection hypothécaire.

Les plaignants accusent l’ensemble des parties de conduite fautive. M. Di Paolo a acheté un produit d’assurance de Benesure en juillet 2012. M. Lacasse, ainsi que son épouse Teija Lacasse, en ont acquis un en 2009. Ils reprochent à Benesure Canada d’avoir agi comme un assureur, même s’il n’est pas inscrit auprès d’un organisme de règlementation canadien et ce, au vu et au su de Manuvie.

Les activités que les plaignants reprochent aux membres de Groupe Benesure comprennent, entre autres, la souscription du risque, qui s’effectuait par des employés du centre d’appels Tacamor ne détenant pas de permis pour le faire. Benesure Canada aurait de son côté reçu les primes des assurés, maintenu des réserves actuarielles, commercialisé les polices et administré les réclamations.

Les assurés auraient aussi été leurrés par une lettre intitulée « Safety Catch Letter », les incitant à acquérir le produit de Benesure et leur laissant croire qu’ils donnaient leurs renseignements personnels à leur courtier hypothécaire, alors que dans les faits, celles-ci aboutissaient entre les mains de Manuvie et de ses partenaires, par l’entremise de D+H. Manuvie et Benesure auraient payé une commission à D+H chaque fois que le transfert d’informations privées sur le compte des clients résultait en une proposition d’assurance.

Selon le recours enregistré par les plaignants, Groupe Benesure aurait enfreint les articles 39, 40, 401 et 403 de la Loi sur les assurances de l’Ontario (les articles 39 et 40 stipulent, par exemple, que Benesure aurait dû détenir un permis pour mener ses activités).

Dommages de 2,4 G $

Les plaignants demandent des dommages pour violation de la vie privée de 170 millions de dollars (M $), des dommages équivalant au montant des primes payées à ce jour, soit 750 M $, et des dommages pour perte de valeur de couverture d’assurance dans le cadre de ces transactions, soit 1,5 milliard de dollars (G $). Ce qui porte la réclamation totale à un peu plus de 2,4 G $.

Fondée en 1989 par son actuel PDG, John Lorriman, aussi visé par le recours, Benesure Canada agit comme tiers administrateur et distributeur d’assurance vie et invalidité hypothécaire (Régime Protection hypothécaire et Régime Sécurité crédit). Ces produits sont distribués par l’entremise de courtiers hypothécaires et de prêteurs non bancaires. Son agence de distribution, appelée Agence d’assurances Sécurité du crédit, est autorisée à exercer ses activités dans toutes les provinces, dit Benesure sur son site Internet. Benesure compte des représentants dans tout le Canada et ses bureaux sont situés à Kleinburg, en Ontario.

Manuvie a par ailleurs acquis Benesure le 4 janvier. « Avec cette annonce, les marchés des groupes à affinités de la Financière Manuvie en font le plus important fournisseur au Canada de solutions d’assurance prêt hypothécaire pour les courtiers hypothécaires », a alors déclaré l’assureur.

L’affaire en est à sa première étape, soit celle de la certification, a rappelé l’avocat des plaignants, Bruce Lemer, en entrevue au Journal de l’assurance. Avocat spécialisé dans les réclamations pour lésion en cas d’accident automobile, M. Lemer pratique pour le cabinet de Lemer & Company Litigation Counsel.

« La Cour doit décider si les plaignants peuvent procéder par recours collectif ou par recours ordinaire. Cette étape n’est pas franchie à ce jour, et il est difficile de dire quand elle le sera », a précisé l’avocat. Il est toutefois de notoriété publique que les délais en pareil cas peuvent s’étendre sur plusieurs mois, voire un an.

Si le recours collectif survit à cette étape, les parties en cause seront ensuite appelées à examiner l’action et échanger des documents avant le début des procédures, a ajouté M. Lemer. « Nous croyons avoir d’excellentes chances de voir ce recours se certifier auprès de la Cour, a-t-il révélé. Je ne veux toutefois pas commenter davantage les mérites de la cause. »

S’il est entériné par la Cour supérieure de l’Ontario, le recours pourrait inclure plusieurs assurés. M. Lemer n’a pas voulu révéler de chiffre. Il s’en remet au communiqué émis par Manuvie au moment d’acquérir Benesure Canada. Manuvie y a en effet révélé que Benesure comptait plus de 170 000 clients. Ces clients génèrent par ailleurs un revenu de primes excédant les 65 M $.

Manuvie entend se défendre vigoureusement si ces deux recours se qualifient auprès des tribunaux. « Nous nions les allégations contenues dans ces recours et les estimons sans fondement. Nous entendons défendre vigoureusement notre position et notre réputation », a répondu la directrice des relations médias, Jana Miller, au Journal de l’assurance.

Les produits Régime Protection hypothécaire et Régime Sécurité crédit sont distribués par des « filiales licenciées de Benesure Canada et d’Agence d’assurances Sécurité du crédit », a-t-elle expliqué, en précisant que ces filiales sont incluses dans l’acquisition par Manuvie, en janvier. « Contrairement aux allégations de ces recours, nous pouvons vous assurer que Manuvie est l’assureur derrière ces deux produits, qu’il en assume le risque et qu’il en a été ainsi depuis plusieurs années », a ajouté Mme Miller.