Thierry Chamberland, actuaire-conseil, associé chez Aon Hewitt, ainsi que membre de la commission des rapports financiers des régimes de retraite de l’Institut canadien des actuaires (ICA), soutient que le risque de longévité peut être extrême dans les régimes de retraite à prestations déterminées. Il le dépeint comme un entonnoir du doute qui s’élargit avec le temps, de façon beaucoup plus prononcée qu’en ce qui touche le risque de rendement.
« Cela nous prend beaucoup de temps avant de savoir si l’on a des gains ou des pertes. Les écarts sont minimes chaque année. Et l’expérience est dure à observer en raison des variances normales qui sont observées », dit M. Chamberland.
Le risque peut aussi être très systématique, ajoute l’actuaire. « Supposons que tous les retraités d’un régime adoptent des habitudes de vie qui allongent leur espérance de vie. Il y a de bonnes chances que je reste sur une tendance positive. Il faut essayer d’identifier la population de notre régime. A-t-elle une espérance de vie plus longue ou inférieure à la population générale ? Une bonne table de mortalité aide, mais a ses limites. Ma table de mortalité est bonne aujourd’hui. Elle ne dit pas ce qui se passera dans le futur. »
L’incertitude individuelle pourra s’atténuer avec le nombre de participants. Or, impossible de l’éliminer complètement, sauf en achetant une rente qui sort le risque du régime, précise M. Chamberland. « Un petit régime fera face à plus de risque de longévité qu’un gros », dit-il.
Espérance de vie sous-estimée
La modélisation socioéconomique du risque de longévité arrive à point nommé, croit M. Chamberland. Selon l’actuaire d’Aon Hewitt, l’industrie a systématiquement sous-estimé l’espérance de vie, ces 30 dernières années. Les actuaires de retraite incorporent maintenant des hypothèses d’amélioration de l’espérance de vie dans le futur. Ainsi, un retraité âgé aujourd’hui de 65 ans aura une espérance de vie d’environ 87 ans.
« Nous sommes en train de supposer qu’il vivra encore plus longtemps, parce qu’il y aura de l’amélioration dans le futur. Ce n’est pas suffisant d’avoir le bon taux de mortalité d’aujourd’hui. J’ai besoin de le savoir dans un avenir lointain, pour payer à un jeune de 20 ans une rente à vie lorsqu’il prendra sa retraite à 65 ans. »
Avoir négligé l’espérance de vie dans le passé force les caisses de retraite à faire du rattrapage. « Le passif a augmenté plus vite que les cotisations mises de côté pour combler les déficits d’expérience », signale M. Chamberland.
Les bas taux d’intérêt viennent compliquer les choses. Dans les années 1980, un taux de rendement à long terme de 10 % était plausible. Ce n’est plus le cas maintenant, rappelle M. Chamberland. Avec les taux d’obligations à long terme (10 ans et plus) tournent autour de 2 % à 3 %. « La baisse des taux d’intérêt a aussi entrainé des déficits importants. »
L’actuaire explique que bien jauger l’espérance de vie prend beaucoup plus d’importance quand les taux d’intérêt sont bas. « Je paie une rente annuelle de 10 000 $ à un retraité de 65 ans dont l’espérance de vie est de 87 ans. S’il vit jusqu’à 88 ans, je devrai lui payer 10 000 $ de plus que prévu. Comme je ne paie pas ce 10 000 $ tout de suite, mais dans 23 ans, la valeur présente de cette somme sera plus élevée lorsque les taux d’intérêt sont bas », dit-il.