Offrir un régime à prestations déterminées ou en offrir un à cotisations déterminées? Plusieurs entreprises sont aux prises avec ce questionnement. Même les assureurs ont à trancher plus souvent qu’autrement sur les avantages conférés à leurs employés.
C’est le cas notamment de Standard Life, de l’Industrielle Alliance, Assurances et services financiers et de Desjardins Assurances. Les trois PDG de ces entreprises ont pris part au forum de clôture de la 19e conférence régionale du Québec de l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA).

Charles Guay, de Standard Life, dit croire qu’il existe un bon équilibre des régimes publics et privés au Canada. Toutefois, il convient d’y implanter une culture de l’épargne. Pour combler le retard du Canada par rapport à d’autres pays, diverses solutions s’imposent, dit-il.

« Il faut d’abord trouver un meilleur équilibre entre prévention et rattrapage, notamment par l’assurance collective. Il faut aussi augmenter l’épargne privée, tant en collectif que sur une base individuelle. Le projet de loi sur les RVER comprend des normes minimales qui s’inspirent des régimes existants, mais le gouvernement devrait adopter le principe de la cotisation progressive obligatoire, tant pour les employeurs que pour les employés », dit-il.

Sensibiliser les employés à la nécessité d’épargner pour leur retraite est primordial, selon M. Guay. « Le concept de l’adhésion automatique avec droit de retrait doit primer pour contrer l’inertie chronique des épargnants. Les recommandations du rapport D’Amours sont un pas dans la bonne direction. Ça prendra du courage politique pour les appliquer, mais il faut s’y consacrer si l’on veut assurer la pérennité des régimes », dit-il.

M. Guay a aussi donné son entreprise en exemple. Les nouveaux employés embauchés par la Standard Life à partir de janvier 2014 ne pourront pas choisir l’option du régime à prestations déterminées. Les autres pourront adopter le régime à cotisations déterminées. Même si le PDG de Standard Life convient que le régime collectif fait partie de la rémunération, il ajoute que la formation continue et les possibilités de carrière sont d’autres arguments à considérer quand vient le temps de recruter.

Deux mesures prioritaires

Yvon Charest, de l’Industrielle Alliance, affirme que s’il était au gouvernement, il implanterait deux mesures prioritaires. Tout d’abord, concrétiser la mise en place du régime volontaire d’épargne retraite (RVER). Ensuite, établir clairement la position de l’État à l’égard des soins de longue durée.

Selon lui, la gravité du problème du manque d’épargne a été peu mentionnée dans les débats sur le RVER. « Une étude produite par MacKenzie montre quelles sont les dépenses des retraités. Ceux qui gagnent 40 000 $ en travaillant ont besoin de 80 % de leurs revenus à leur retraite. Pour les plus hauts salariés, les besoins de revenus à la retraite descendent graduellement, jusqu’à 65 % », dit-il. M. Charest se dit aussi favorable à la cotisation obligatoire des employeurs au régime des employés.

Quant aux soins de longue durée, M. Charest pense que si l’État définit les soins auxquels les citoyens auront droit à la vieillesse, le secteur privé pourra ajuster ses produits pour combler les besoins.

« On le voit pour l’assurance voyage, cite-t-il en exemple. On pourrait ainsi offrir la possibilité de convertir la rente invalidité en bénéfices de soins de longue durée. Mais le secteur privé ne bougera pas tant que le gouvernement laisse croire qu’il paiera tous les soins », dit-il.

En tant qu’employeur, M. Charest se dit confronté à deux défis touchant la main-d’œuvre, soit aux étapes du recrutement et à la sortie pour la retraite. L’assureur a recruté 45 informaticiens en Europe, ces dernières années, pour combler ses besoins.

« Ça ne fait que commencer. Ces gens ont choisi de s’exiler, faute d’obtenir un emploi permanent dans leur pays, où les cotisations sociales à verser par les employeurs sont très élevées. On vise de plus en plus à recruter des gens de 55 ans et plus pour combler nos besoins de personnel », dit-il.

Parmi les 41 employés de l’Industrielle Alliance qui prennent leur retraite cette année au Québec, trois retraités sur cinq sont âgés de 58 ans ou moins et ont déjà 30 ans de service ou plus dans l’entreprise. Mais trois d’entre eux ont été recrutés à l’âge de 62 ans.

L’assureur s’est « fait violence » en maintenant le régime à prestations déterminées pour son personnel, mais en le révisant deux fois en trois ans. « On espère ne plus avoir à y retoucher, même si les nouvelles sont mauvaises concernant la table de mortalité et la révision des normes comptables », dit M. Charest. Le régime d’assurance collective est maintenu pour les salariés, mais pas après leur départ de l’entreprise.

Denis Berthiaume, de Desjardins Assurances, souligne qu’il n’est pas facile de convaincre les gens d’épargner, lorsque l’accès au crédit est si facile, comme c’est le cas depuis plusieurs années. Les consommateurs doivent choisir entre rembourser leurs dettes ou épargner, ce qui n’augure pas bien pour les caisses de retraite.

Problèmes de dette

La situation financière des gouvernements n’est guère plus rose. Dans la plupart des pays développés, le ratio entre la dette et le produit intérieur brut (PIB) atteint des niveaux records. Pour les pays de l’OCDE, la dette représentait 40 % du PIB dans les années 1980. Au début de la crise financière, en 2007, ce ratio atteignait 75 %, et 110 % en 2012.

« La marge de manœuvre des gouvernements est grandement réduite, et la stagnation de l’économie influe sur les taux d’intérêt, qui demeurent bas depuis des années. Les entreprises semblent mieux tirer leur épingle du jeu dans ce contexte déprimant, poursuit M. Berthiaume. Mais la concurrence mondiale et la pénurie de main-d’œuvre obligent les employeurs à offrir des régimes collectifs souples au personnel que l’on veut recruter. »

Le Mouvement Desjardins compte 45 000 employés au Canada, dont 38 000 qui participent au régime de retraite. La forte turbulence qui ébranle la solvabilité des caisses de retraite a forcé l’employeur à revoir le régime à prestations déterminées. Les employés cotisent pour 35 % de leur régime et partagent les risques avec l’employeur.

L'inverse aussi vrai

Les années où les rendements sont bons, les profits sont partagés, mais l’inverse est aussi vrai. La coopérative de services financiers a choisi de maintenir le régime à prestations déterminées, mais, après consultation avec les employés, l’âge de la retraite sans pénalité a été reporté de cinq ans et l’indexation des rentes après la retraite a été réduite.

Comme fournisseur de services financiers, Desjardins doit modifier ses produits pour mieux les ajuster aux besoins des employeurs, dit M. Berthiaume. « Sans modifier les avantages des régimes collectifs, on peut mieux faire en gérant adéquatement les réclamations d’invalidité et en augmentant les activités de prévention. Les efforts doivent être augmentés à cet égard », dit-il.