La concurrence s'avive en réassurance maladies graves. RGA Canada dit avoir réalisé une percée significative dans ce secteur dominé par Munich Re pendant des années.Les principaux concurrents de Munich Re dans le secteur de la réassurance des risques de maladies graves se sont retirés vers le milieu des années 2000 : Swiss Re a cessé de souscrire de nouvelles affaires ; la filiale de réassurance vie d'Employers Re Corporation (ERC) a quitté le Canada. Cela laissait le marché entier au géant allemand pour les risques traditionnels, avec quelques joueurs de niche pour les risques spécialisés. Plusieurs qualifiaient alors la situation de quasi-monopole.

Le marché revient toutefois à un certain équilibre avec la montée en force de RGA Canada au chapitre des nouvelles ventes de réassurance en maladies graves. RGA avait décidé de percer ce marché il y a trois ans. Selon sa vice-présidente principale et actuaire en chef, Micheline Dionne, le réassureur y est parvenu. Mme Dionne estime que RGA Canada détenait 25 % du marché de la réassurance en maladies graves individuelles à la fin de 2009 au Canada.

Volume triplé
Elle ajoute que RGA a triplé ses affaires de maladies graves au Canada entre 2008 et 2009, en ce qui a trait au capital assuré en maladies graves, unité de mesure qu'emploie couramment le réassureur. « C'est une croissance impressionnante, compte tenu du fait que nous ne sommes entrés dans ce créneau qu'en 2007 », souligne Mme Dionne.

RGA vise principalement la réassurance de produits de maladies graves individuels, mais effleure aussi le marché collectif, tant en produits garantis que non garantis. RGA veut tirer parti de sa percée en maladies graves pour étendre cette pénétration au marché de prestations du vivant en général.

Le réassureur a récemment embauché un vice-président qui mettra l'accent sur les risques de longévité. Il s'agit de Roland Johnson, ancien de Standard Life, où il se spécialisait en produits de maladies graves. RGA compte ainsi étendre son offre pour mieux accommoder les clients en matière de produits hybrides, dont les produits de maladies graves qui se transforment en de soins de longue durée lorsque l'assuré atteint 65 ans.

La percée de RGA Canada en maladies graves est bénéfique pour le marché, pense Micheline Dionne. « Les clients se sont montrés ravis de voir un élargissement dans l'offre de réassurance de maladies graves au Canada et le marché est désormais plus concurrentiel. »

Munich Re s'est pour sa part fait avare de commentaires sur cette percée de RGA. À savoir si de nouveaux joueurs pourraient pénétrer le marché, le réassureur a été plus incisif envers la compétition.

« Contrairement à des joueurs qui sont déjà entrés dans ce secteur pour en ressortir ensuite, nous sommes là pour rester, affirme Hélène Michaud, vice-présidente adjointe, marketing de Munich Re, sans désigner de joueur en particulier. Munich Re s'est engagé envers le marché des maladies graves il y a plus de dix ans et cet engagement n'a pas fléchi depuis. »

Le réassureur a proposé à l'industrie une uniformisation des définitions de maladies graves en 2006, laquelle a été adopté par une majorité d'assureur à ce jour.

De plus, les affaires vont bien, estime Munich Re. Selon son sondage sur l'assurance vie individuelle publié en juin, la cession de risque en réassurance est relativement stable. Les assureurs cherchent pour leur part à répartir leur risque inhérent à l'assurance maladies graves, dit Mme Michaud. « Malgré la récession, le marché a connu une croissance durant les deux dernières années. L'année 2010 est prometteuse ce qui concerne les ventes, dit-elle. »

Joueurs de niche aussi présents
Nous voyons que les choses changent, a commenté François Lemieux vice-président exécutif et agent principal de SCOR Vie, quant à l'élargissement de l'offre en réassurance de maladies graves. Pour sa part, SCOR Vie offre de la réassurance en maladies graves individuelles depuis un an. La filiale canadienne du réassureur français a d'ailleurs embauché un ancien actuaire de Munich Re, spécialisé en prestations du vivant, Francis Lussier, pour développer ce marché.

Mais les résultats ne sont jamais instantanés. « La courbe de développement dure au moins un an, car les assureurs ne magasinent pas leur réassurance de maladies graves chaque année, dit M. Lemieux. Nous avions comme objectif de nous faire connaitre auprès d'eux la première année pour obtenir des requêtes. Nous sommes sur le point de souscrire nos premières affaires dans ce secteur. »

Petit joueur, SCOR Vie n'entend certes pas se mesurer à Munich. Le réassureur compte plutôt se distinguer par sa flexibilité. « Nous sommes ouverts à partager des traités de réassurance avec d'autres assureurs. Nous voulons proposer des idées de produits, avec une offre compétitive au chapitre des tarifs et des sélection des risques », explique M. Lemieux.

Pour sa part, Optimum Re est un petit joueur qui réassure déjà des risques dans ce secteur depuis un bon moment. L'assurance collective de maladies graves est une de ses spécialités. « Nous avons toute la capacité qu'il faut pour être agressif en collectif, a déclaré André Gaudreault, vice-président principal, développement chez Optimum Re. Par contre, en individuel, nous pouvons être un complément, mais pas une alternative à Munich Re, comme l'est devenu RGA récemment. »

Jeune joueur formé d'anciens cadres d'ERC, Aurigen Canada ne réassure pas de risques de maladies graves pour le moment, mais ne ferme pas la porte. « Nous voulons rester concentrés sur les risques en assurance individuelle pour le moment. Cela ne nous empêche pas d'entrer dans le marché des maladies graves en cours de route, au fur et à mesure que nous réassurerons d'autres produits », a confié Yana Gagne, directrice du développement des affaires d'Aurigen.
Alain Thériault