Les conseillers financiers ne doivent pas s’attendre à aller chercher une forte rémunération avec le Régime volontaire d’épargne retraite (RVER). Comme ses frais d’administration seront peu élevés, les conseillers n’auront qu’une petite part du gâteau.Michèle Frenette, conseillère en rentes collectives et présidente du cabinet GRMF, croit que les frais d’administration de ce régime seront aussi bas que 1 %, même en deçà », a-t-elle affirmé lors d’un panel sur le RVER, tenu au Congrès 2012 de l’assurance et de l’investissement.

« C’est une bonne nouvelle pour les épargnants. Mais pour les conseillers cela veut dire peu de rémunération », dit-elle.

Elle y voit toutefois des occasions d’affaires. « Si vous axez votre pratique sur les particuliers, le RVER est une opportunité pour vous d’aller chercher de nouveaux clients travailleurs. La menace est toutefois que cette avenue entre en compétition avec vos produits individuels. Si vous axez votre pratique sur les entreprises, les clients vont se tourner vers vous. Depuis que le RVER a fait la une des journaux, j’ai reçu beaucoup d’appels. C’est une occasion de renforcer vos liens d’affaires avec les clients », dit Mme Frenette.

Créneau opportun

Elle estime que les entreprises des 5 à 19 employés sont un créneau opportun. En se basant sur un sondage effectué par la Régie des rentes du Québec (RRQ) en 2011, elle a révélé aux congressistes que ce segment représente près des trois quarts des entreprises québécoises. Seuls 15 % des entreprises de ce créneau disposent d’un quelconque régime privé, contre 56 % chez les entreprises de 100 à 299 employés, par exemple. Elle croit aussi que le marché naturel des conseillers peut facilement s’étendre jusqu’à des entreprises de 300 employés.

Patrice Jalette, professeur agrégé de l’École des relations industrielles de l’Université de Montréal, se demande si on rend service aux entreprises d’une dizaine d’employés en les obligeant à mettre en place un RVER. N’est-ce pas un fardeau que la bonification du RRQ permet d’éviter, s’interroge ce spécialiste des relations de travail des secteurs syndiqués et non syndiqués.

Selon M. Jalette, le problème de l’insuffisance de l’épargne retraite nécessite un ensemble de mesures et non une seule solution. « La bonification du régime public de la RRQ s’attaque réellement au problème de l’épargne. La tuyauterie est déjà en place et on peut augmenter les cotisations sans alourdir le fardeau administratif des employeurs. Le RVER est un autre véhicule financier qui s’ajoute à une liste de produits déjà impressionnante qu’offre l’industrie pour économiser en vue de la retraite. N’y a-t-il aucun produit capable de répondre à ce besoin de l’insuffisance d’épargne », dit-il.

Patrik Marier espère pour sa part que le gouvernement accouchera d’un projet qui comblera cette lacune : le RVER n’incite pas suffisamment les participants à y cotiser. M. Marier voit aussi comme un obstacle que les employeurs ne soient pas obligés d’y cotiser. Professeur agrégé à l’Université Concordia et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politiques comparées, M. Marier se rapporte à l’expérience néozélandaise du Kiwi Saver pour montrer les bénéfices de faire autrement.

« En Nouvelle-Zélande, l’employeur doit cotiser au programme Kiwi Saver et les employés reçoivent, entre autres, 750 $ du gouvernement lors de leur dépôt initial et 15 $ pour chaque période de cotisation continue dans le compte. 77 % des cotisants disent avoir adhéré au régime en raison des cotisations de l’employeur et des incitatifs financiers du gouvernement. »

Claude Leblanc pense de son côté que l’industrie devra retrousser ses manches pour cadrer avec le délai dont disposent les entreprises pour se conformer. « Rejoindre 2 millions de personnes en 24 mois représentera tout un défi pour l’industrie; elle ne l’a jamais fait avant », a ajouté le membre national de l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux et ex-vice-président, vente régimes d’épargne et de retraite collectifs et affaires publiques de Standard Life.

La rentabilité demeure à ses yeux un enjeu que seule la masse critique pourra résoudre. « Le législateur croit peut-être que c’est la panacée, car il nous ouvre un marché. Mais comme on sait que le taux de cotisation prescrit commencera à 2 %, pour hausser à 3 % l’année suivante, puis à 4 %, il ne rentrera pas beaucoup d’argent dans les régimes pour couvrir les dépenses. Cela prendra plusieurs années pour atteindre le point mort », prévient-il.

Il considère l’adhésion automatique des travailleurs comme un avantage indéniable du RVER. « L’adhésion automatique des participants permet de transformer une énergie statique en énergie positive ».

M. Leblanc pense que le projet de loi sera déposé en mars. « Il est plausible que le RVER entre en vigueur en janvier 2014 », a-t-il ajouté. Il ne restera que le règlement à développer. Or, un premier jet est déjà en place, a-t-il souligné en faisant référence au règlement entamé par le gouvernement libéral, en 2012.