La place du privé dans la santé au Québec est en augmentation depuis des décennies. En raison des graves problèmes d’accessibilité aux soins et du vieillissement de la population qui va entraîner une hausse de la demande pour les services médicaux, deux partis politiques souhaitent accroître le rôle du privé dans le futur : la Coalition Avenir Québec (CAQ) et le Parti conservateur du Québec (PCQ).
Pourtant, depuis le début des années 80, de plus en plus de services de santé dans la province sont offerts et/ou défrayés par le privé. Les groupes de médecine de famille (GMF), les pharmacies communautaires et les cliniques dentaires appartiennent à des intérêts privés. Les assureurs privés remboursent des milliards de dollars en médicaments, en traitements et en services dentaires, optométriques, en physiothérapie, psychothérapie, ostéopathie, etc. Selon François Legault, Premier ministre du Québec, environ 20 % des soins de santé de la province sont offerts par le secteur privé.
La progression du privé depuis 40 ans
Dans une étude intitulée La progression du secteur privé en santé au Québec parue en mars 2022, le chercheur Guillaume Hébert, de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), souligne que le secteur privé connaît une forte progression en santé au Québec depuis une quarantaine d’années. Entre 1979 et 2019, note-t-il, la part du financement privé en santé a crû de 52,6 %. Les primes moyennes versées aux assureurs privés par les ménages ont presque doublé entre 2010 et 2019, passant de 613 à 1 144 dollars (+ 86,6 %), ajoute-t-il. De son côté, l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) avait établi qu’en 2021, les dépenses liées à la santé au Québec s’étaient élevées à 68,3 milliards de dollars, dont 58 milliards de dollars ont été financés par le secteur public et 15,3 milliards de dollars par le privé.
En 2019, toujours selon l’ICIS, les dépenses en santé au privé s’élevaient à 5,9 milliards de dollars pour les médicaments et à 4,9 milliards de dollars pour les professionnels. L’accroissement de la place du privé en santé est cependant loin de faire l’unanimité. Des partis politiques, des groupes de médecins et des syndicats craignent qu’elle entraîne le développement d’une médecine à deux vitesses où les mieux nantis pourraient s’offrir des accès et des traitements plus rapidement que dans le réseau public.
Voici un résumé des positions de chaque parti politique vis-à-vis le privé durant la présente campagne électorale :
Coalition Avenir Québec (CAQ)
La CAQ prévoit la création de deux mini-hôpitaux, à Montréal et à Québec, qui seraient bâtis et gérés entièrement par des entreprises privées et où les services seraient remboursés par la RAMQ. Chaque centre renfermerait notamment un GMF ouvert sept jours, de 8 h à 20 h, ainsi qu’une urgence capable de traiter des cas mineurs et opérant 24 heures sur 24. À terme, un gouvernement de la CAQ voudrait ouvrir une dizaine de ces centres à travers la province.
Parti libéral du Québec (PLQ)
La chef du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, se dit opposée à plus d’interventions du privé en santé, sauf pour les chirurgies en raison du rattrapage nécessaire dans ce secteur. Ce n’est toutefois pas une ouverture nouvelle pour ce parti. Des cliniques privées offrant des chirurgies défrayées par le régime privé, Rockland MD et Dix30, ont opéré depuis plusieurs années sous le gouvernement libéral, et continuent de le faire sous la CAQ.
Parti conservateur du Québec (PCQ)
En s’inspirant du modèle allemand, le Parti conservateur du Québec donnerait la possibilité aux citoyens de se faire soigner soit dans le réseau public ou dans le réseau privé. Le PCQ explorerait graduellement la possibilité de donner le libre choix aux Québécois de souscrire à une assurance privée, pour ceux qui jugent que cette dernière serait plus avantageuse pour eux, l’objectif étant de créer une compétition entre les réseaux d’assurances privés et publics.
Parti québécois (PQ)
Le Parti québécois donnerait davantage d’autonomie aux 200 000 professionnels de la santé autres que les médecins, augmenterait l’offre de services à domicile pour les aînés et ferait des CLSC des centres de santé de proximité où des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) exerceraient de façon autonome, mais n’étendrait pas les services offerts par le privé.
Québec solidaire (QS)
Québec Solidaire n’affiche aucune ouverture à une plus grande contribution du privé. Il mettrait plutôt en place une assurance dentaire publique et universelle qui couvrirait 100 % des soins pour les 18 ans et moins et les aînés recevant le Supplément de revenu garanti, 80 % des frais de nettoyage chez les adultes et 60 % des frais liés aux soins curatifs comme les plombages. Il mettrait aussi sur pied Pharma-Québec pour économiser dans l’achat de médicaments.