Réunis à Whitehorse les 17 et 18 décembre, les ministres provinciaux et fédéral des Finances en sont venus à un constat inattendu : ce ne sont pas les plus pauvres qui ont besoin d'un filet de sécurité supplémentaire à la retraite, mais la classe moyenne.La rencontre de Whitehorse, au Yukon, devait mettre la table pour la prochaine consultation publique sur la réforme des régimes de retraite dont le gouvernement fédéral sera l'hôte. L'enjeu : permettre à plus de Canadiens d'accéder à un régime de retraite adéquat, et déterminer d'où viendra la solution. Gouvernement, secteur privé ou les deux? Le secteur privé, avec les assureurs en figure de proue, ont insisté tout juste avant l'évènement pour participer activement à cette réforme. Ils désavouent unanimement l'idée d'un régime parrainé par l'État (Journal de l'assurance de janvier 2010, page 3).

Le secteur privé n'était toutefois pas invité à cette rencontre qui réunissait exclusivement les ministres des Finances des provinces et du gouvernement fédéral. Courroie de transmission entre les ministres et le public, Ted Menzies est secrétaire parlementaire du ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty. Il préside aussi le comité de recherche mis sur pied par le gouvernement fédéral pour analyser les pistes de solution possibles. M. Menzies prenait d'ailleurs part aux discussions de Whitehorse.

« Au départ, plusieurs présumaient que ce sont les gens à faible revenu qui n'auraient pas assez d'épargne pour la retraite, a-t-il expliqué au Journal de l'assurance. Mais il semble que ce soient les gens dont le revenu annuel par ménage oscille entre 45 000 $ et 80 000 $ qui peineront à avoir des fonds suffisants à la retraite. »

Avant de fermer cette édition, M. Menzies ignorait toujours quand commencera la consultation. Or, l'industrie est déjà prête à réagir.

« Il est ressorti de Whitehorse qu'il n'y a pas de crise des régimes. C'est vrai en moyenne mais faux pour une grand part des Canadiens », a confié au Journal de l'assurance le PDG de Financière Sun Life Canada, Kevin Dougherty. Il suffirait de changer quelques règles pour endiguer le problème rapidement, croit-il, par exemple permettre aux employeurs de se regrouper au sein d'un même régime et inclure les participants d'office.

Au moment de l'entrevue, Sun Life venait de lancer un produit avec garantie de retraits minimums en collectif. Un bon exemple de l'efficacité de l'industrie à s'adapter aux besoins des Canadiens, croit M. Dougherty. « L'accent a été mis jusqu'à maintenant sur l'accumulation, mais les baby-boumeurs atteignent 63 à 64 ans cette année : ils seront bientôt des centaines de milliers chaque mois à devoir décaisser et se demandent comment le faire prudemment. »

Selon les dernières données de Statistique Canada, 5,9 millions de Canadiens adhéraient à un régime de retraite de l'employeur en 2007. Cela représentait 38,3 % de l'ensemble des travailleurs rémunérés. Ces chiffres voilent toutefois le fait que plusieurs Canadiens cotisent à des REER collectifs ou individuels pour pourvoir à leur retraite. Mais jusqu'à quel point ?

Lors d'une tournée canadienne en janvier sur les enjeux relatifs aux régimes de retraite,
Mercer a présenté à son auditoire de Montréal des statistiques préoccupantes. Selon eux, 45 % des travailleurs n'ont pas de régime de retraite ni de REER. Chez les Canadiens qui ont un REER, le pourcentage des droits de cotisation qu'ils utilisent se limite à 6 %, tire Mercer d'une étude du gouvernement fédéral en 2007.

Invitation

Conseiller principal chez Mercer, Michel St-Germain a fait écho à Whitehorse en invitant les ministres à modifier la règlementation pour favoriser le maintien des régimes à prestations déterminées (PD). Ces régimes promettent une rente aux futurs retraités en misant sur les taux d'intérêts à long terme et les rendements futurs. Or, leur indice de solvabilité a chuté brutalement après le début de la crise en septembre 2008, et leur situation ne s'est améliorée que de 2 % en 2009. Selon l'indice de Mercer, les régimes PD étaient en moyenne solvables à 70 % en janvier 2010. Ils sont de plus en plus un poids pour les employeurs, qui ont récemment obtenus des allègements règlementaires de divers paliers gouvernementaux pour les renflouer. De guerre lasse, certains abandonnent leur régime PD pour souscrire à un régime à cotisation déterminée (CD), dont la prestation de retraite dépend des rendements réalisés par les cotisations de chaque travailleur individuellement.

À l'heure actuelle, seuls 16 % des travailleurs du secteur privé participent à un régime PD, alors que 78 % des travailleurs du secteur public participent à un tel régime.

Modifier la loi sur la façon d'éponger les déficits des régimes, partager les couts avec les employés et reporter l'âge obligatoire de la retraite au-delà de 65 ans font partie des solutions que préconise M. St-Germain pour favoriser le maintien des régimes PD. Créer des régimes PD flexibles et multi-employeurs pour les PME, avec des règles simples et uniformes, sont des incontournables pour le maintien des régimes PD. « Je doute que tout cela se réalise en 2010. Tout changement sera graduel », dit-il.