Après quelques mois à la barre de Sun Life Québec, Isabelle Hudon n’est plus néophyte de l’industrie. Elle veut prendre la place qui revient selon elle à Sun Life au Québec dans plusieurs marchés : la première. Pour y parvenir, Mme Hudon veut travailler le lien affectif de Sun Life avec les Québécois et augmentera sa force de vente dans la province.
Un bon début pour augmenter le lien affectif avec les Québécois : les trois meilleurs vendeurs de la compagnie à travers le Canada en 2010 viennent de la Belle province. « C’est la première fois que des Québécois occupent les trois premières positions », a révélé Mme Hudon lors d’une entrevue qui a suivi son discours au Cercle canadien prononcé le 21 mars. « Jusqu’à la fin, les trois conseillers ont été nez à nez et la course a été enlevante », a-t-elle confié. Les gagnants sont dans l’ordre Yvan Hémond de Sherbrooke, François Deschamps de Montmagny et Renée Paquet de Rimouski.
Dans une entrevue accordée au Journal de l’assurance quelques semaines plus tôt, Isabelle Hudon a exposé son plan pour le Québec. « Nous sommes numéro un ou deux dans nos marchés ailleurs au Canada; il n’y a pas de raison que ce ne soit pas le cas au Québec. »
Au Canada, Sun Life arrive premier dans les secteurs de l’assurance collective et de l’épargne collective, selon les chiffres du Groupe Fraser, une firme de recherche marketing en assurance collective. L’assureur ne détient que le quatrième rang en assurance collective et le deuxième en épargne collective au Québec, ajoute Mme Hudon. Financière Sun Life se félicite toutefois d’avoir mis l’accent sur les PME ces dernières années. Ce virage permettra à Sun Life d’augmenter plus facilement sa part au Québec dans le secteur collectif, croit Mme Hudon.
Sun Life détient le deuxième rang du secteur individuel au Canada et au Québec, mais Mme Hudon veut faire mieux. Elle mettra un accent particulier sur la gestion de patrimoine. « Les Québécois détiennent moins d’investissements en fonds communs que le reste des Canadiens. Pourquoi? Nous avons moins cette culture de l’investissement à long terme et nous ne répondons pas de la même façon que les autres Canadiens à la consommation », croit Isabelle Hudon.
Bien se positionner
Pour se positionner adéquatement, Mme Hudon dit s’être posé les bonnes questions. Quelle est l’identité de Sun Life au Québec? Qui sont nos concurrents? Que sont-ils face à nous et nous face à eux? Pourquoi ce marché est-il aussi unique? Un marché qui ne répond pas aux mêmes approches que le marché hors Québec?
Mme Hudon signale que ses plus féroces concurrents au Québec sont les compagnies à charte québécoise. Elles ont su développer au fil des ans une crédibilité d’affaires et un lien émotif fort avec les Québécois. Pour réussir au Québec, il faut ainsi tirer les bonnes ficelles et créer ce lien, ajoute-t-elle. Ces entreprises québécoises ont su le faire. Isabelle Hudon a acquis la conviction que Sun Life le peut aussi.
Le jeu en vaut la chandelle, car le Québec constitue pour Sun Life le deuxième marché en importance au Canada pour ses trois secteurs d’affaires. L’assureur l’a identifié comme zone à fort potentiel de croissance. « La démographie y évolue différemment. Les Québécois entretiennent aussi un rapport à l’argent différent. Le Québec compte aussi la plus grande proportion de cotisations REER non utilisées au Canada. Il y a donc un fort potentiel », conclut Mme Hudon.
Elle mise aussi sur la solidité du secteur des affaires de la Belle province. « Le Québec est passé à travers de la tempête économique de 2008 avec beaucoup plus de résilience qu’ailleurs au pays. Ce qui nous fait croire que nous avons une base plus solide. »
Pour construire ses connaissances en services financiers, elle a rencontré tous les employés du « 1155 Metcalfe », le port d’attache de Montréal. Elle a écouté des experts, des talents de haut calibre, des piliers au sein de la compagnie, dit-elle.
Elle s’est aussi lancée dans des visites auprès de sa force de vente. Isabelle Hudon a fait à ce jour la tournée de plus de la moitié des 22 agences que compte le Québec. Elle a rencontré des conseillers de l’agence de Saint-Romuald et de Rivière-du-Loup la veille de l’entrevue réalisée il y a quelques semaines.
« J’adore aller voir les conseillers sur leur terrain, connaitre leurs enjeux, leurs défis et leurs contraintes. Ce sont des gens passionnés et à leur contact, j’ai comme une injection de dynamite! »
Tout au long de son apprentissage, le contact humain s’est imposé comme le jalon le plus important de la stratégie de Mme Hudon. C’est aussi le principe qu’elle met de l’avant dans sa quête d’une plus grande présence au Québec.
Revenant sur la culture différente des Québécois, Mme Hudon a rappelé l’importance de leur présenter les produits financiers dans un langage qui les interpellent. « Si nous voulons convaincre les Québécois d’augmenter leur sécurité financière avec nos produits, on doit leur parler à la québécoise en mettant une touche personnalisée dans les mots et l’attitude que l’on choisit. Les Québécois recherchent une relation plus humaine et personnelle avec leur conseiller. Ils ont besoin de se connecter entre eux et de se lier d’amitié. Au Canada anglais, c’est moins important d’avoir une telle relation avec son conseiller. »
Pour parler ce langage, Sun Life personnalise entre autres ses nouvelles publicités aux Québécois. « Nous nous assurons de donner une saveur locale au contenu et au contenant. » Une des publicités en question s’accompagne d’ailleurs d’une chanson des Classels, un groupe québécois des années 60.
Mme Hudon entend aussi solidifier ses liens avec ses clients existants. « Ce n’est pas parce qu’ils sont déjà clients chez nous que l’on ne doit pas rester à l’écoute. Nous devons développer de plus nombreuses et intenses relations avec nos clients. Cet accroissement passera par les agences, mais aussi par notre équipe et nos 1 500 employés au Québec. »
Et ce renforcement commence par soi-même. Mme Hudon croit que la première clientèle qu’il faut conquérir pour établir sa crédibilité, « c’est celle de nos propres employés ». Joignant le geste à l’idée, le siège social de Montréal s’est depuis peu doté d’une agence de distribution d’assurance et de produits d’investissement. Il permet tant aux clients qu’aux employés de transiger tous les produits de Sun Life sur place.
Si Sun Life entend personnaliser son approche au Québec, Isabelle Hudon ne prévoit pas le lancement de nouveaux produits adaptés en ce sens. « Il s’agirait plutôt de présenter les mêmes produits différemment, avec une couleur et une saveur qui reflètent les valeurs émotives des Québécois. Par exemple, lorsque nous présenterons un produit d’accumulation, nous ne parlerons pas seulement de ce que l’investisseur aura à 65 ans. Nous serons moins cartésiens. »
Le Québec prend du galon
Premier signe de l’intensification de sa présence, Sun Life a positionné son équipe en annonçant trois nominations en début d’année. Deux d’entre elles ont signifié la création de nouveaux postes, dont un exclusif au Québec. C’est celui de directeur des affaires publiques au niveau gouvernemental. Créé par Mme Hudon, il est occupé par Sylvain Bouffard, un ancien de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. La création de ce poste est directement liée au désir de Sun Life d’intensifier sa croissance au Québec. Le directeur des affaires publiques affiche les politiques publiques de l’entreprise à l’égard des gouvernements et des organismes de réglementation. Il prend par exemple position sur la réforme des régimes de retraite, avec une orientation Québec.
L’autre poste est celui de vice-président, opérations partagées. C’est Jean-Pierre Chabot, ancien directeur des opérations, secteur des déplacements chez American Express, qui l’occupe. M. Chabot dirige le centre de service à la clientèle et le service des documents pour tout le Canada. Sun Life a décidé d’établir ce poste d’envergure nationale à Montréal en raison de l’important centre de service à la clientèle qui s’y trouve.
Mme Hudon a aussi nommé Benoît Byette en qualité d’avocat du contentieux aux affaires juridiques de Sun Life, pour le secteur des garanties collectives. M. Byette est un transfuge du cabinet McCarthy Tétrault. Il remplace John Robert.