MISE EN SITUATION

La concurrence est vive pour les courtiers en assurance aux entreprises. Le segment des grands risques présente pourtant des occasions de croissance intéressantes pour ceux qui s’y dédient. Comment y arriver? Pour mieux comprendre ces marchés, le 15 avril, à Montréal, le Journal de l’assurance a réuni des dirigeants de cabinets de courtage spécialisés dans ces marchés d’envergure, en collaboration avec les dirigeants au Québec de RSA Assurance. La discussion de trois heures a permis d’établir les conditions requises pour gagner la confiance des grandes entreprises et ainsi valoriser le rôle du courtier.

 

Bonne lecture!

Serge Therrien, Président et éditeur
Hubert Roy, Rédacteur en chef
Alain Castonguay, Journaliste
RSA et Journal de l'assurance

 


 

 

Le défi des ressources humaines :
les courtiers doivent avoir le souci de bien s’entourer


Pour bien servir la clientèle des grands risques industriels et commerciaux, le courtier doit être bien entouré, tant au cabinet que dans son réseau de professionnels qui connaissent le secteur d’activité à couvrir. Voilà le nerf de la guerre pour pénétrer ce marché.

 

 

[caption id="attachment_11471" align="aligncenter" width="600"]Crédit photo: Réjean Meloche Crédit photo: Réjean Meloche[/caption]

Daniel Binette, de BFL Canada, précise que le défi du renouvèlement des ressources humaines est le plus grand souci des cabinets spécialisés dans les risques commerciaux. Souvent, les nouveaux producteurs ou souscripteurs sont des anciens ayant longtemps travaillé dans le domaine des affaires où ils ont gardé leurs relations, souligne Jean-François Beaulieu, de Hub International Québec.

Charles Proulx, du cabinet GPL, ajoute qu’il faut former le personnel que l’on recrute. « Ça prend des années pour bien connaitre cet environnement particulier. » C’est pourquoi il est tentant de recruter un ancien de l’industrie et de le former sur les techniques de l’assurance.

Selon François Jean, président de Forum Risques & Assurances, l’industrie travaille fort pour recruter de nouveaux professionnels, mais le défi à relever est grand tant pour les cabinets que les assureurs. Pour les petits risques commerciaux, des produits très normalisés sont déjà conçus et l’assureur peut les livrer rapidement. Du côté des grands risques, l’approche est faite davantage sous l’angle de la recherche de solutions.

 

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Charles Proulx juge lui aussi que les ressources humaines sont « le nerf de la guerre. Les grands comptes ne s’obtiennent pas après une seule rencontre. Plus ton équipe a de la profondeur, plus les clients se sentent en confiance. Ça prend souvent un an ou plus de discussions avant que le client nous accorde son compte. Dans les grands risques, ça arrive quand le client est certain que nous avons les bonnes ressources pour bien le servir ».

 

Charles Proulx et Daniel Binette notent que la formation de l’équipe exige autant de têtes grises que de jeunes. Il faut un bon dosage de professionnels de divers horizons : comptables, avocats, spécialistes de la gestion de risques, etc. Le vétéran sert de mentor et profite de la jeunesse de son collègue pour se mettre à jour sur les préoccupations nouvelles comme le risque cybernétique.

Nouvelles affaires

Daniel Binette croit que le cabinet doit constamment renouveler sa clientèle afin de bien suivre l’évolution de l’économie. « Chaque courtier doit relever le défi de trouver de nouvelles niches. Nous sommes présents depuis une décennie dans le sport et le cinéma, mais on n’en faisait pas, avant. » Il vaut mieux cibler des secteurs qui ne sont pas déjà servis par un autre courtier. Si un concurrent est déjà reconnu dans son domaine, il faut investir de grands efforts pour lui prendre des clients, dit-il.

Selon Jean-François Beaulieu, le courtier doit collaborer avec l’assureur pour développer des produits qui s’arriment parfaitement aux besoins des clients. « Généralement, les assureurs sont bons pour créer des garanties. Ils connaissent leur domaine, ils émettent un libellé très précis qui offre des conditions non présentes dans les polices des autres compagnies. C’est le cas de la garantie erreur et omissions, qui était peu offerte, avant. Maintenant, tous les assureurs qui sont à l’aise de le faire peuvent l’offrir. »

Pour certains comptes gouvernementaux, comme Hydro-Québec, il peut arriver que le client utilise les services de plus d’un courtier, mais c’est l’exception, souligne Charles Proulx. Daniel Binette souligne que les grands risques peuvent être divisés en plusieurs assureurs, et que c’est le rôle du courtier de fournir l’ensemble de la couverture requise pour le client.

Selon Charles Proulx, les clients habitués à se tourner vers les grandes entreprises de consultants comme AON ou Marsh seraient souvent mieux servis par un cabinet plus petit. « Nous avons un volet entrepreneurial. Loin de moi l’idée de les critiquer, mais pour accompagner des entrepreneurs, nous avons des atouts à faire valoir. Nous avons la créativité requise pour les appuyer, et quand nous pouvons les rencontrer, nous gagnons des comptes. »

Pour des cabinets de courtage établis au Québec, faire concurrence à ces grandes entreprises de consultants pour appuyer l’expansion des entrepreneurs à l’étranger n’est pas une mince tâche. Les cabinets de plus petite taille doivent donc se démarquer de ces géants en vendant leur expertise pointue dans des secteurs particuliers, souligne Daniel Binette. « Il y a de gros clients qu’on n’approche pas, comme Bombardier, car ils requièrent une expertise de classe mondiale. La dernière chose que tu veux comme courtier est de te casser la gueule avec un grand compte. Tu choisis ceux pour lesquels tu es certain de pouvoir faire du bon travail », dit-il.

François Jean souligne que de nombreux courtiers américains ignorent ou font semblant de ne pas connaitre la législation canadienne et québécoise en matière de certification des courtiers. Les filiales canadiennes d’entreprises américaines doivent être servies par un courtier certifié au Québec, rappelle-t-il.

Tant son cabinet que celui de Jean-François Beaulieu ont gagné de la clientèle grâce à cette exigence du législateur. La taxe d’accise de 10 % du montant de la prime à verser au gouvernement fédéral pour les polices émises à l’étranger est un puissant incitatif à recourir aux services d’un courtier certifié au Canada.

Les courtiers présents à la table ronde ont aussi souligné que les assureurs ont tendance à imiter la concurrence et à couper les primes quand le marché est mou. François Jean parle du « caractère bipolaire » de l’industrie de l’assurance.

« Si un assureur détient une bonne part du marché dans un secteur donné, et que le volume d’affaires est important, on voit apparaitre des concurrents qui se mettent à réduire les primes. » Par la suite, quand les marges sont réduites et que les assureurs perdent de l’argent, ils s’en vont tous en même temps, et les clients du secteur n’arrivent plus à s’assurer à un tarif adéquat, dit-il.

Glen Bates, de RSA Assurances, rappelle que les assureurs doivent gérer leurs capitaux avec discipline, en se concentrant dans les segments d’affaires qu’ils connaissent bien et en les rentabilisant par une meilleure segmentation du risque. « Quand on se lance dans un domaine où on a moins d’expertise et qu’on baisse les prix pour percer le marché, ce n’est pas une bonne utilisation du capital de la part de l’assureur. »

Dans le secteur financier, il y a énormément d’argent et de larges capacités chez les réassureurs, juge Charles Proulx. Pour les grands risques, cet environnement favorise les clients en matière de tarification. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a de l’argent à faire dans le marché des grands risques. C’est souvent très rentable dans les bonnes niches, pourvu que l’assureur connaisse bien son domaine », dit-il.

 


 

 

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Construction :
la commission Charbonneau nuit à la croissance


Les travaux de la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction (CEIC, commission Charbonneau) nuisent à la croissance du marché de l’assurance pour les entrepreneurs en construction.

 

Tous les contrats publics sont au ralenti depuis le début des travaux, note François Jean, de Forum Risques & Assurances. Selon Daniel Binette, de BFL Canada, l’impact est certain du côté des activités de cautionnement des entrepreneurs. « C’est plus tranquille, il n’y a pas de doute. » Jean-François Beaulieu, de Hub International Québec, confirme que les assureurs posent des questions, car tous les courtiers connaissent au moins une entreprise dont le nom a été mentionné à un moment ou à un autre à la CEIC.

Charles Proulx, du cabinet GPL, constate qu'en plus du ralentissement des investissements publics dans les travaux d’infrastructures, les entrepreneurs sont aussi touchés par la stagnation de l’économie, qui a un impact direct sur le marché de l’habitation. « Pour bon nombre de constructeurs, l’avenir est plutôt sombre. Plusieurs fonctionnent avec des marges très minces, à cause de la très forte concurrence. Ce n’est guère mieux dans le génie civil, où les marges de profitabilité ont été grandement réduites. Il y a énormément de pression pour faire baisser les prix. Ce sont des cycles qu’on a déjà connus. Il y aura une hausse des cas d’insolvabilité d’ici les 24 prochains mois », avance-t-il.

En matière de cautionnement, la clause de « risque moral » suffit à la résiliation de la police. Jean-François Beaulieu a en tête le cas d’un entrepreneur qui, du jour au lendemain, a perdu son cautionnement après que le nom de son entreprise a été mentionné à la CEIC.

Charles Proulx maintient que la situation des entrepreneurs en construction n’ira pas en s’améliorant pour ce qui est de l’obtention de contrats publics, car l’Autorité des marchés financiers évalue l’intégrité de tous les soumissionnaires pour les contrats de 10 millions de dollars (M$) ou plus. En construction, 10 M$, ce n’est pas un gros montant, souligne M. Beaulieu.

M. Binette dit espérer un certain retour du balancier et plus d’équilibre en matière de recherche d’intégrité. « Il faut désormais laver plus blanc que blanc. Le balancier était rendu à l’autre extrémité et il va revenir à un plus juste milieu. Je ne peux pas croire que des gens pensent que des contrats d’assurance sont accordés dans le secteur public parce que j’invite le client à diner ou à jouer une ronde de golf. Maintenant, tout le monde demande des factures séparées. C’est un peu ridicule. »

Pour célébrer ses 25 ans, en 2013, BFL Canada a offert une bouteille de champagne à des clients et partenaires. « Chez Hydro-Québec, on nous a retourné la bouteille D’autres grands clients aussi! On leur a dit de faire un tirage parmi leurs employés, mais ils ne voulaient rien savoir. C’était du bon champagne, mais rien d’extravagant », relate M. Binette.

Chez RSA Assurances, on dit que les travaux de la CEIC n’ont pas modifié l’approche de souscription de l’assureur. « C'est une commission, pas un procès. Pour les chantiers importants, nous avons l'intention d'être parmis les preneurs», dit Mario Ouellet, directeur principal des assurances spécialisées.

À propos de la couverture des risques de chantier, Charles Proulx estime que les polices sont devenues plus complexes à cause des changements règlementaires, et non à cause de la CEIC. « Les normes de construction changent, les procédés aussi; on voit plus de structures en bois dans les édifices commerciaux et institutionnels. On trouve toujours un preneur. »

Des clients exigent la couverture pour l’interruption des affaires. « Il s’est passé la même chose dans les PME pour l’assurance responsabilité des administrateurs et dirigeants, il y a une dizaine d’années, explique M. Binette. Tous les entrepreneurs veulent ce produit. Même chose pour les risques environnementaux. »

Dans les deux cas, ces produits sont le reflet de la réalité associée aux changements climatiques : inondations, dégâts d’eau causés par les pluies fortes ou les refoulements d’égouts, et pannes de services publics sont devenus plus fréquents dans les grandes agglomérations urbaines. « Le climat est certainement devenu une préoccupation majeure pour nos clients. Les dommages par l’eau, c’est un vrai souci. Tout le monde qui est associé à la propriété foncière le sait : les problèmes augmentent chaque année de manière exponentielle », souligne M. Binette. Selon lui, les assureurs poseront de nouvelles exigences avant de rembourser des dommages et imposeront des franchises plus élevées.

Tout gestionnaire d’entreprise doit prévoir un plan de relève ou un plan de contingence en cas d’interruption des affaires, comme on l’a vécu lors des inondations à Calgary et du verglas à Toronto, en 2013. « Une interruption d’une semaine, c’est sérieux. Dans bien des PME, ça équivaut aux profits d’une année », dit M. Proulx.

« Pour tous les assureurs, le climat est devenu une préoccuption. Chez RSA, les pertes nettes pour les inondations à Calgary ont été de 75 M$. Si on ajoute les inondations de Toronto en juillet et le verglas qui frappé cette même ville en décembre, RSA a subi une perte nette de 151 M$ pour ces trois évènements  », dit Mario Ouellet.

 


 

 

 

 


 

 

Fabrication, transport et industrie :
les souscripteurs se doivent de poser les bonnes questions


L’assurance des activités industrielles est une activité particulière requérant une grande compétence de la part des souscripteurs. Pour les polices dont la prime est déterminée par le volume de ventes à l’étranger, les variations du dollar canadien ont une réelle importance. 

 

François Jean, de Forum Risques & Assurances, juge que le contrôle de qualité dans les usines est beaucoup plus serré qu’avant. Les fabricants surveillent davantage ce qu’il se passe en usine, au lieu d’attendre que le produit défectueux soit livré chez son utilisateur final. Jean-François Beaulieu, de Hub International Québec, souligne que plusieurs entreprises font produire leurs composantes à l’étranger durant deux ou trois ans, puis achètent les installations de leur fournisseur pour les intégrer à leurs opérations.

Pour certains produits, le contrôle de la qualité est une obsession. M. Beaulieu cite en exemple toutes les composantes servant à fabriquer un produit destiné aux enfants, comme une couchette ou un produit alimentaire. « On le voit dans le bois : s’il n’y a qu’une mince partie du volume de l’usine qui finira dans les lits pour enfant», dit-il.

François Jean fait observer que les assureurs posent plus de questions lorsqu’un sinistre dans un secteur industriel fait les manchettes. Rappelant l’incendie chez BEM, à Coteau-du-Lac, le 20 juin 2013, il lance : « Assurer ce genre d’installation, ce n’est pas la saveur du mois. C’est déjà une classe difficile, ce genre d’entreprise où l’on entrepose des pétards, alors, après un tel sinistre... »

La destination des produits fabriqués en usine détermine aussi le montant de la prime. Certains assureurs n’aiment pas que les produits desservent la clientèle américaine, car les couts de litige aux États-Unis sont très élevés. « Il y a le marché américain, et il y a le reste du monde. Les assureurs américains sont très frileux pour une multitude de produits », dit Charles Proulx, de GPL Assurance. « On a des clients dont une partie des ventes se font de chaque côté de la frontière, et les primes d’assurance évoluent en conséquence », ajoute M. Beaulieu.

Daniel Binette, de BFL Canada, confirme que le pourcentage du chiffre d’affaires par pays est inscrit dans la police et détermine la tarification. D’autre part, la lourdeur règlementaire varie d’un territoire à l’autre. Selon lui, démarrer une usine dans l’État de New York est pratiquement impossible à faire tant les couts d’assurance sont élevés.

« C’est quand même le rêve de tout fabricant, grossiste ou distributeur, de prendre de l’expansion aux États-Unis. C’est un énorme marché. Quand les clients me demandent si l’assurance fera la différence, je leur réponds : “Si cela apporte une grosse augmentation de volume, allez-y, sinon, ça ne vaut pas la peine!” », relate M. Jean.

L’expertise à l’étranger

Le courtier doit fournir des renseignements utiles à son client qui veut exporter, précise François Jean. « La législation peut parfois être assez surprenante, comme au Mexique. Il existe là une clause de résiliation de la police en cas de problème de paiement de la prime. Si tu n’as pas payé ta prime au bout de 30 jours, l’assureur n’a même pas besoin de t’aviser que la police est résiliée. Ce n’est pas tout le monde qui est au courant », dit-il. En cas de résiliation, la loi mexicaine va même plus loin, comme si la police n’avait jamais été souscrite.

« Le temps pour obtenir les permis est très long dans plusieurs États. Il faut produire des documents dans la langue du pays où les clients font des affaires. Il faut planifier les risques des produits. Ça prend des gens capables de bien conseiller les clients », explique Charles Proulx.

« Pour les grands risques, les contrats se signent en face du client. On ne peut pas négocier au téléphone quand on parle d’une prime de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Pour monter le dossier du client, on doit connaitre son industrie; c’est une expertise qui s’acquiert au fil des ans, sauf si on l’a déjà. Le courtier doit savoir de quoi il parle », ajoute Daniel Binette.

Dans le secteur forestier, l’assureur Lumbermen’s Underwriting Alliance (LUA) a fermé sa division canadienne au printemps 2012. D’autres assureurs lui avaient grugé des parts de marché en baissant leurs primes. Des courtiers ont tenté de percer le marché, raconte M. Beaulieu, car LUA n’assurait pas la responsabilité civile des exploitants. « On a chacun notre stratégie. Plein de gens se sont essayés, mais ce n’est pas du risque facile à placer; ça prend des contacts avec les assureurs. » Son cabinet, tout comme celui de M. Binette, a récupéré d’anciens souscripteurs de LUA.

Glen Bates, de RSA Assurances, dit que ce secteur est rentable, mais rappelle que chaque assureur doit prendre sa décision en fonction des réalités économiques. « Après le départ de LUA, RSA était là avec un certain capital sélectif et une approche conservatrice. » LUA a été victime de la férocité du marché de l’assurance, souligne M. Beaulieu.

Le secteur manufacturier demeure rentable

Les assureurs font-ils de l’argent en couvrant les entreprises de fabrication? « Ça varie selon les secteurs d’une année à l’autre, mais oui, c’est un secteur que nous aimons », répond M. Bates. « Est-ce qu’il y a des sinistres? Oui, bien sûr. Mais, habituellement, c’est assez rentable », ajoute M. Proulx.

« On peut affirmer qu’il nous en coute plus cher qu’avant pour bien servir le client, tient à préciser M. Binette. On ne facture pas tout. Par exemple, les entrepreneurs nous demandent des plans d’action pour l’interruption des affaires à la suite d’une inondation ou d’un tremblement de terre. C’est correct, ça nous permet de montrer notre valeur comme courtier.»

La tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic, en juillet 2013, a bien démontré l’importance d’une bonne couverture d’assurance responsabilité pour les dirigeants d’une société de transport. Jean-François Beaulieu note que la concurrence est très vive entre les petites flottes de transport, et que la rentabilité des opérations est minimale. Cette industrie est très influencée par l’assurance.

« Les employeurs sont très ouverts à la formation, car l’exploitant qui a deux ou trois accidents la même année verra sa prime doubler. Les marges sont tellement minces qu’ils essaient tous les moyens d’économiser », dit-il. Selon lui, au Québec, seuls quatre ou cinq cabinets sont spécialisés dans le secteur du transport de marchandises.

Les employeurs de ce secteur sont très actifs en matière de prévention et de santé et sécurité au travail, ajoute M. Beaulieu. « Il y a des primes aux employés dans les entreprises où les dossiers sont bons en santé et sécurité, et à la SAAQ, les gens font généralement attention. Il y a des galas de fin d’année avec des récompenses. La prévention fonctionne bien, mais il y a des erreurs humaines », dit-il.

M. Beaulieu cite le cas de l’accident survenu le 10 avril, à Orland (Californie). Un camion de dix roues de FedEx a traversé le terreplein de l’autoroute pour aller frapper de plein fouet un autobus rempli d’étudiants d’une école secondaire qui allaient visiter le campus de l’université Humboldt. Bilan : dix morts, dont cinq étudiants, trois accompagnateurs et les deux conducteurs. Le camion de FedEx était couvert par une assurance responsabilité de 5 millions de dollars, tout comme l’autobus nolisé.

M. Binette souligne que les plus grandes flottes sont couvertes par des captives par l’entremise de leur association sectorielle. Les courtiers sont quand même mis à contribution pour couvrir les installations.

 


 

 

Risques cybernétiques et assurance crédit : des créneaux à exploiter


L’expansion des banques de données et l’accessibilité nouvelle offerte par la révolution numérique sont un marché à exploiter pour les courtiers. Trop peu d’entrepreneurs sont conscients des risques de brèche informatique dans leur système.

 

La chaine de détaillants Target a été victime du vol des renseignements bancaires de millions de ses clients, en 2013. « Malgré tout, le risque cybernétique est encore difficile à vendre, affirme Charles Proulx. On en parle à l’interne, on forme nos gens. Je ne sens pas encore beaucoup d’appétit chez nos clients pour l’acheter. Souvent, la gestion de leur système est en sous-traitance, et ils se disent qu’ils sont couverts ou qu’il n’y a pas de risque. »

« Seulement deux provinces ont une législation obligeant une entreprise à divulguer qu’elle a été victime d’une brèche. Ce n’est pas le cas au Québec ou en Ontario. Le jour où il y aura une loi, ça deviendra un marché fantastique pour nous », confirme François Jean. « Je dirais qu’il y a environ douze assureurs généralistes qui offrent cette couverture particulière, dont quatre ou cinq qui le font vraiment bien et offrent des tarifs concurrentiels », dit-il.

Jean-François Beaulieu raconte qu’il vendait déjà cette couverture en 2001. « La police faisait alors 52 pages, c’était interminable. Tout client qui offre un système de paiement automatisé par Internet devrait savoir qu’il y a un risque et des menaces évidentes de poursuite en cas de pépin, avec des numéros de carte de crédit», raconte M. Beaulieu. Quand les problèmes de la faille informatique Heartbleed ont affecté le site de Revenu Canada, au début d’avril, il a suggéré à ses collègues de rappeler les clients pour leur offrir la couverture de risque cybernétique.

Par ailleurs, les courtiers devraient mieux faire connaitre l’assurance crédit auprès des entrepreneurs. « Ce n’est pas un produit très répandu, ici. Je pense qu’on est à 1 % au Canada, à 15 % aux États-Unis et à 30 % en Europe. C’est pourtant un excellent produit qui aide à obtenir un meilleur taux sur sa marge de crédit et ses conditions de financement. Nos courtiers ne le connaissent pas beaucoup; c’est un produit très spécialisé », dit M. Beaulieu.

« Chaque entrepreneur peut gérer son risque à l’interne, et pour ceux qui ne le font pas, l’assurance crédit ne suffit pas toujours et ne couvre pas tout. L’assureur regarde la liste de comptes clients et pose des conditions. Les comptes de plus de 90 jours ne sont pas assurés. Il peut exclure un client durant la durée de la police. Certains assureurs se réservent ce droit », précise Charles Proulx.

« Le problème avec ce produit est que bien des entrepreneurs attendent un peu trop longtemps avant de se le procurer. Il n’y a pas encore le feu, mais il y a souvent de la fumée », note François Jean. Il n’est pas facile de trouver un assureur quand la situation est déjà gâtée, conclut-il.