Les assureurs de dommages du Québec refusent de donner plus d’argent en commissions aux courtiers. Ils ont toutefois une ouverture pour revoir le partage des taux de commissionnement en assurance automobile et en assurance habitation.ja_23_03_img12

La question de la rémunération des courtiers a été omniprésente tout au long du panel des dirigeants d’assureurs qui s’est déroulé lors de la 41e édition du congrès du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ). Plusieurs assureurs ont revu la façon dont ils versaient leurs commissions de contingence, ce qui génère des insatisfactions dans le réseau de courtage. Le panel était animé par Jean-Luc Mongrain, animateur à la radio et à la télévision bien connu au Québec.

Lorsque cette question a été abordée, Martin-Éric Tremblay, vice-président principal, région de l’Est, d’Aviva Canada, a jeté un froid sur l’assemblée de courtiers lorsqu’il a affirmé qu’il n’aurait aucun problème à revoir le taux de commissionnement des courtiers, mais à la baisse. « Avec nos taux d’efficacité actuels, les monter irait à l’encontre de la concurrence que nous avons avec les directs. La prime d’assurance automobile diminue et va continuer à le faire. On peut aller chercher des revenus supplémentaires sans augmenter les commissions. Il y a d’autres façons », dit-il.

Jean-François Desautels, premier vice-président, Québec, d’Intact Assurance, croit que c’est sur son efficacité que le courtage doit travailler plutôt que de revoir le taux de commissionnement. « Il faut travailler sur la simplicité. On le fait dans les processus de vente qu’on impose. Nous avons investi des milliers de dollars à travers le Canada pour revoir nos systèmes. On veut contribuer à baisser les frais d’exploitation des courtiers. »

Mario Cusson, président et chef de l’exploitation de L’Unique Assurances générales, souligne que, s’il augmente le commissionnement des courtiers, ça se répercutera dans la prime. « C’est sur l’efficacité que l’on doit travailler. Ça se répercutera ensuite sur le commissionnement », dit-il.

Promutuel Assurance travaille pour sa part à revoir toute son organisation avec son projet Phénix. « Nous sommes très fiers de notre modèle, mais nous avions une structure qui faisait en sorte que nos couts étaient élevés, a reconnu son chef de la direction, Sylvain Fauchon. Nous sommes en voie de réaliser notre objectif de faire des économies d’opération de 25 %. Nous avons revu notre système de gestion de polices et nous développons des solutions d’e-learning [cyberapprentissage], ainsi qu’un portail. Nous nous organisons! Nous sommes reconnus pour notre savoir-être. Nous travaillons sur notre savoir-faire », dit-il.

Même son de cloche chez Northbridge Assurance et RSA Assurance. Jean-François Béliveau, premier vice-président, Québec, de Northbridge, affirme que son entreprise investit beaucoup de sous pour avoir une plateforme efficace pour être ensuite capable de le ventiler dans la prime offerte au client. Glen Bates, premier vice-président, Québec, de RSA, dit que sa compagnie a aussi développé des outils en ce sens. « C’est une priorité pour 2015. On ajoute des outils pour que le courtier soit plus près du consommateur. On fournit au courtier une application mobile, qu’il fournit ensuite à son client », dit-il.

Un partage des bénéfices contraire à la déontologie?

Le débat sur le partage des bénéfices avec les courtiers a ensuite tourné autour de la déontologie. Des courtiers ont exprimé des inquiétudes à la suite de la publication par l’Autorité des marchés financiers, en juin 2013, de sa Ligne directrice sur les saines pratiques commerciales. Certaines commissions de contingence étant versées en fonction du taux de rétention du volume, ces courtiers craignent d’être pénalisés s’ils choisissent un assureur au détriment d’un autre pour éviter que leur taux de rétention soit pénalisé.

Jean-François Desautels d’Intact Assurance dit ne pas croire qu’un courtier déroge à son code de déontologie en agissant ainsi. « Le tout se classe dans une petite partie de ses revenus de participation aux bénéfices. Ça ne touche pas l’ensemble de la commission. Comme dans toute industrie, il y a des incitatifs à la performance. Nous sommes à l’aise avec notre formule de participation aux bénéfices. »

Jean-François Béliveau de Northbridge Assurance affirme que la convention du partage des profits est une saine pratique commerciale en soi. « Pour nous, l’élément déclencheur pour le partage de profits est la profitabilité. S’il y a du profit, il y a un incitatif. S’il y a croissance du volume, il y aura un montant additionnel. Si la rétention supplémentaire est là, on va le reconnaitre dans la commission de contingence. »

Le Groupe Promutuel a travaillé avec le RCCAQ pour convenir d’un contrat unique il y a deux ans. Auparavant, chaque mutuelle avait sa formule de commissionnement.

Quant à RSA, l’assureur a jumelé sa formule de commissionnement lors de l’acquisition de L’Union Canadienne il y a trois ans. « Le montant que nous avons versé en commissions aux courtiers n’a pas changé depuis trois ans », a affirmé Glen Bates.

Martin-Éric Tremblay d’Aviva Canada souligne que l’industrie a bâti son modèle d’affaires autour d’une commission de 12,5 % en automobile et de 20 % en habitation. « S’il y a une ouverture pour en mettre plus en automobile et moins en habitation, nous sommes ouverts à cela. Nous n’avons toutefois pas l’intention de donner plus pour le même travail de vente. »

Jean-François Desautels d’Intact Assurance ajoute que le questionnement sur la rémunération des courtiers fait partie de la problématique plus large de la compétitivité du courtage. « Ça fond littéralement dans le courtage depuis 10 ans. On dépense notre argent comment? Si on veut investir davantage pour créer de l’achalandage, quel est le modèle de partage des revenus? Nous ne sommes pas fermés à une réflexion. »

Glen Bates de RSA souligne aussi que le tout est une question de mathématique. « En assurance de dommages, nous considérons que nous faisons une bonne année quand nous dépensons 95 cents sur un dollar. C’est même considéré comme formidable quand on atteint ce niveau! Ça ne laisse pas beaucoup de place dans nos marges. Il faut trouver de l’efficacité dans nos systèmes », dit-il.

Martin-Éric Tremblay d’Aviva a alors ajouté que les modèles d’algorithmes et de télématique n’étaient pas encore à 100 % crédibles. « Malgré nos boites noires, on n’arrive à juger que de 80 % à 90 % du risque. C’est donc dire que 10 % reposent entre les mains de la souscription et du courtier qui présente le risque », dit-il.