Parmi les dossiers opérationnels que les conseils d’administration et les hauts dirigeants d’assureurs devront traiter figure la nouvelle Ligne directrice sur le test du capital minimal, instituée fin 2013 par le BSIF. Conformément à cette ligne directrice, les compagnies d’assurance devront revoir et recalculer leur capital de réserve d’ici l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme, en janvier 2015.Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a déclaré à maintes occasions que, dans bien des cas, le nouveau capital de réserve pourra être inférieur.

« Nous ne changeons pas notre orientation, a dit Judith Roberge, directrice, assurances de dommages, division des fonds propres, du BSIF, lors du Symposium sur les affaires règlementaires tenu par le Bureau d’assurance du Canada (BAC). Nous allons tous dans la même direction, et elle est axée sur le risque. La façon de le calibrer pourrait toutefois différer un peu. »

Or, selon certains observateurs, une diminution des réserves pourrait jouer sur les politiques d’investissement des compagnies et exposer le marché à un nouveau genre de risque de concentration. Parallèlement, d’autres estiment que le Test du capital minimal (TCM) ne sera finalement qu’un indicateur de seuil minimal. Dans les faits, les réserves seront toujours plus élevées, car les compagnies ajouteront des « couches » de protection au fur et à mesure qu’elles repèreront des risques non couverts par le test.

Diverses variables peuvent modifier le capital de réserve nécessaire, notamment la nature des activités d’une compagnie. Mme Roberge explique que le risque de marché influence aussi considérablement les essais et la modélisation réalisés par le BAC. Récemment, le BSIF a demandé aux compagnies d’assurance de produire en deux mois une « simulation de crise » pendant que les autorités règlementaires mettent la dernière main à la nouvelle directive. Le régulateur comptait s’entretenir en juin avec le BAC afin d’obtenir ses commentaires, ce qui devrait permettre de produire la version finale de la Ligne directrice sur le test du capital minimal au cours du même mois.

Bill Weiland, gestionnaire principal de la firme actuarielle Eckler, a analysé les évaluations de 85 compagnies afin de voir les effets possibles des changements apportés au TCM sur le marché.

Il assure que le capital nécessaire pour couvrir le risque d’assurance varie beaucoup selon le secteur d’activité. « Les différences sont plus marquées du côté du passif des primes que du côté du passif des sinistres, explique-t-il. Les différences liées à la gamme de produits, le rapport entre le passif des primes et celui des sinistres... Ces éléments du TCM, ainsi que le Test de la suffisance de l’actif des filiales (TSAF) lié aux assureurs multirisques étrangers, sont ceux qui comptent le plus dans l’écart constaté d’une compagnie à l’autre. »

Les résultats jumelés du TCM et du TSAF compilés par Eckler démontrent une réduction de 1,9 % du TCM dans l’industrie en général. Plus précisément, environ la moitié des répondants devront réduire leur capital de réserve; l’autre moitié devra l’augmenter pour satisfaire à la nouvelle norme.

« Le TCM mène vraiment vers des chiffres à la baisse, dit M. Weiland. En tout, 42 des compagnies étudiées sont associées à une réduction, le TCM passant de 278 % à 247 %. Dans les cas où le TCM annonce une augmentation du capital de réserve, celui-ci passe de 233 % à 254. Pour que le ratio se maintienne, il faudrait se départir de 1,1 milliard de dollars (G$) en capital. »

Les besoins en capital subissent beaucoup de changements, ajoute-t-il. « Une telle situation peut certainement causer la volatilité des prix pendant que les assureurs s’adaptent. Si l’on s’attarde à un groupe de 85 compagnies seulement, on constate qu’il faut s’attendre à une diminution de ratio se situant entre 1,9 et 6,7. »

Certains craignent que les changements touchant le TCM aient un impact négatif sur les compagnies pendant la période de transition au cours de laquelle les analystes essaieront de comprendre les nouveaux ratios de capital à la baisse. Mme Roberge explique que, pour atténuer ces préoccupations, le BSIF envisage de rencontrer les quatre grandes agences d’évaluation du crédit et leur expliquer ce qu’il en est. L’organisme compte aussi trouver des façons d’atténuer la volatilité des prix au cours de la période où l’on mettra progressivement les nouvelles règles en place.

Si l’on fait abstraction de sa référence à une progression, la directrice n’a aucunement précisé les moyens concrets qui pourraient atténuer cette volatilité, sauf pour dire que certaines mesures de gestion adoptées en période de transition devraient elles aussi y contribuer.

Enfin, Mme Roberge a mentionné que le BSIF se penche actuellement sur certains commentaires pouvant laisser croire à une mauvaise compréhension de la part des vérificateurs.

« Le BAC a demandé de remettre sur pied le groupe de travail sur les audits, car le TCM de 2015 comporte énormément de changements, en plus d’être libellé différemment. Nous avons donc reconduit le comité et travaillé de concert avec des vérificateurs externes au sein de ce groupe. Nous avons aussi mis la communauté actuarielle au fait de la réalité de 2015, relate-t-elle. Plusieurs personnes ont veillé à clarifier ce qui devait l’être afin que les vérificateurs externes formulent leurs recommandations sans aucun malentendu. Ce travail est en cours. »