La Conférence canadienne de réassurance de 2025 présentait une table ronde réunissant des représentants d’un assureur (Manuvie), d’un réassureur (RGA) et d’un important organisme sectoriel (LIMRA/LOMA) sur le thème du comblement de l’écart de couverture en assurance vie au Canada. Cet article résume cette discussion : un état de la situation, les facteurs contributifs et des pistes de solution. 

Le côté positif des nouveaux défis, c’est qu’ils sont souvent synonymes d’occasions. C’est particulièrement vrai aujourd’hui pour l’industrie canadienne de l’assurance vie. 

Le défi : un écart croissant de couverture 

Le Canada fait face à un important écart de couverture, alors que la détention d’assurance vie recule partout au pays. 

L’occasion : mobiliser l’industrie pour agir 

En identifiant les causes, en développant et en priorisant des stratégies, et en collaborant à tous les maillons de la chaîne de valeur, l’industrie peut bâtir un avenir plus sécuritaire pour tous les Canadiens. 

Un écart qui se creuse 

Jetons d’abord un coup d’œil aux chiffres. 

L’écart touche tous les niveaux de revenu, mais il est particulièrement marqué dans les ménages gagnant moins de 50 000 $ par année. La baisse de couverture est surtout visible dans les polices temporaires, passées de 397 000 en 2019 à 340 000 en 2024. Pendant ce temps, 56% des primes vendues en 2024 provenaient de polices participantes (vie entière), illustrant un virage vers des produits plus haut de gamme. Résultat : même si les résultats financiers actuels sont relativement positifs, la diminution sous-jacente de la détention de polices indique que d’importantes occasions de croissance demeurent inexploitées. 

Les taux de sous-assurance sont particulièrement élevés chez les jeunes générations : la génération Z affiche un écart de besoins de 44%, plus du double de celui des baby-boomers. L’analyse par genre révèle une disparité moins forte mais réelle, les femmes affichant un écart de 32% contre 28% pour les hommes. 

Alors que la détention d’assurance diminue, le besoin de protection financière, lui, augmente. L’augmentation des coûts de logement et des dettes hypothécaires amplifie les avantages protecteurs de l’assurance, surtout pour les jeunes qui contractent de nouveaux prêts. À l’autre extrémité du spectre, les aînés canadiens — déjà à risque de survivre à leurs épargnes de retraite — risquent aussi de laisser leurs proches sans protection. 

À titre illustratif : le site de sociofinancement GoFundMe, devenu une source majeure d’aide individuelle, a enregistré en 2024 son plus haut total annuel de versements, ce qui reflète un besoin critique de protection financière malgré le recul de la détention d’assurance. 

Facteurs contributifs 

Plusieurs facteurs interreliés alimentent l’écart croissant. 

Au sein même de l’industrie, un recentrage vers une clientèle à valeur nette élevée a mené à un accent sur des polices plus volumineuses et sophistiquées. Ce mouvement, combiné à la diminution du nombre de conseillers en assurance, réduit l’attention portée au marché de masse et aux polices temporaires. Le manque de jeunes conseillers est particulièrement préoccupant, alors que de nombreux vétérans approchent de la retraite. 

Les changements démographiques et les attitudes des consommateurs jouent également un rôle important. L’immigration — environ 395 000 nouveaux arrivants attendus en 2025 — augmente le nombre de ménages potentiellement sous-assurés. 

Les changements de priorités et les pressions financières post-pandémie ont aggravé la situation : la hausse du coût de la vie met en concurrence les dépenses après impôt, rendant l’assurance moins urgente. Les jeunes retardent l’achat d’une maison, le mariage et la parentalité — des événements qui déclenchent habituellement l’achat d’assurance. De plus, les répercussions de la « Grande Démission » et l’expansion de l’économie des plateformes — le nombre de travailleurs numériques ayant bondi de 44% en 2024 — laissent beaucoup de travailleurs sans régime collectif. 

Les perceptions erronées persistent également. Seuls 32% des Canadiens font confiance à leur assureur, selon Statista, une plateforme mondiale de données et d'informations commerciales basée en Allemagne qui compile des statistiques, des rapports et des analyses.

Le manque de connaissance des bénéfices de l’assurance et de ses coûts réduit sa valeur perçue. La complexité des produits et un langage trop technique amplifient ces obstacles. 

Cinq leviers pour stimuler la croissance 

Pour combler l’écart de couverture, une approche multifactorielle s’impose. 

1. Éducation et sensibilisation

C’est la priorité. Simplifier le langage, montrer que les primes sont abordables (voir ci-dessous « Combien coûte vraiment l’assurance vie? » ) et souligner les avantages universels : remplacement de revenu, protection contre les dettes, planification successorale. 

Combien coûte vraiment l’assurance vie? 
Une étude récente montre que les Canadiens surestiment le coût de l’assurance de plus de 300%. Primes réelles pour 250 000 $ de couverture pour des non-fumeurs de 30 ans : 

  • Femmes : environ 120 $ par an (min. 82,50 $) 
  • Hommes : environ 150 $ par an (min. 122,50 $) 
  • 204 $ pour un couple : moins de 0,5% du revenu après impôt 

2. Engagement numérique

Renforcer la présence sur TikTok, Instagram et YouTube ; offrir des outils conviviaux d’analyse de besoins et de souscription ; développer des canaux hybrides combinant outils en ligne et soutien d’un conseiller. 
Selon LIMRA, 46% des répondants indiquent : « Je ferais mes recherches en ligne, mais j’achèterais en personne. » 

3. Stratégies ciblées

Créer des produits adaptés aux nouvelles réalités et segments en émergence, comme des produits d’entrée de gamme pour les nouveaux arrivants ou les travailleurs de l’économie des plateformes. 

4. Recrutement de conseillers

L’industrie doit investir dans le recrutement et la formation, particulièrement dans les communautés peu desservies. La profession doit être mieux promue comme carrière viable. 

5. Collaboration sectorielle

Partenariats avec les planificateurs financiers, collaborations avec les « finfluenceurs », initiatives communes pour améliorer l’accessibilité et la confiance. 

Un appel à l’action 

Les occasions sont bien présentes — mais elles exigent une action collective. 

Alors que le paysage de l’assurance évolue, l’industrie doit répondre aux besoins de tous les clients. Et le moment d’agir, c’est maintenant. Par exemple, la protection hypothécaire est un déclencheur fréquent d’achat d’assurance temporaire, et plus de 1,2 million d’hypothèques renouvelleront en 2025. 

Malgré l’urgence et les avancées du numérique, l’assurance demeure un produit vendu, non acheté. La conscience du besoin, sans conseil, ne mène pas à l’action. Avec conseil, oui. Pour servir une population plus vaste, l’industrie doit repenser ses modèles de distribution et concevoir des produits qui rapprochent la prise de conscience d’une véritable décision. 

En diversifiant la clientèle et en rendant la protection financière accessible à tous, l’industrie peut remplir sa responsabilité sociale et renforcer sa résilience. Ensemble, nous pouvons combler l’écart et bâtir un Canada plus sûr financièrement pour les générations à venir. 

Scott Ife

Scott Ife dirige l’équipe d’intelligence de marché en assurance individuelle chez Manuvie.

Paul Mlodzik

Paul Mlodzik est directeur des relations membres pour le Canada chez LIMRA et LOMA, la plus grande association mondiale du secteur de l’assurance et des services financiers.

Abena Ntakrah

Abena Ntakrah est vice-présidente adjointe, nouvelles initiatives, chez Reinsurance Group of America (RGA).

Article initialement publié sur InsuranceThoughtLeadership.com. Reproduit avec l’autorisation de ITL.