MISE EN SITUATION
En cette ère de consolidation dans l’industrie du courtage, certaines entreprises familiales arrivent à durer grâce à la relève familiale qui reprend le flambeau. Le marché évolue, les besoins des consommateurs changent et les courtiers n’ont pas le choix de s’adapter. Avec la collaboration de RSA Assurance, le Journal de l’assurance a permis à plusieurs courtiers de raconter comment le transfert de propriété s’est réalisé dans leur entreprise.
Bonne lecture!

La rédaction

RSA et Journal de l'assurance

 

La sous-assurance demeure un problème dans l’industrie. Il se concentre toutefois davantage au sein des entreprises, a pu constater le Journal de l’assurance au cours d’une table ronde réunissant divers experts du milieu, le 22 octobre.

Fort de ses 17 années en évaluation, Robert Plante, président de SPE Valeur assurable, a une opinion très ferme sur le problème de la sous-assurance. Dès le début des années 2000, à la suite d’une enquête menée avec des assureurs, il estimait que 67 % des immeubles n’étaient pas couverts adéquatement en cas de perte totale. Le cout de reconstruction était systématiquement sous-évalué. En conséquence, dans les programmes conjoints avec les assureurs où une véritable évaluation du bâtiment était réalisée, on augmentait la valeur des immeubles en moyenne de 42 % pour assurer le cout de reconstruction.

Selon M. Plante, le phénomène s’est graduellement résorbé, après des années de sensibilisation et d’éducation menées auprès des distributeurs, des consommateurs et des entrepreneurs. Mais il reste un problème en assurance commerciale : la sous-évaluation du contenu, principalement du côté de l’équipement de production. « Lorsqu’on fait l’évaluation, on corrige la valeur en moyenne de 120 % pour les équipements de production. Et c’est une moyenne, nous sommes en 2015 », dit-il.

Depuis trois ans, SPE a offert à plus de 1000 courtiers une formation sur la sous-évaluation en assurance des entreprises. M. Plante rappelle aux courtiers que bon nombre de propriétaires de PME n’ont aucune liste de leurs biens, encore moins de leur valeur.

Les courtiers ne sont pas toujours en mesure de bien conseiller les entrepreneurs, poursuit M. Plante. Quatre participants sur cinq à ses formations pensent que si l’équipement de production est fixe, il fait partie du bâtiment, ce qui est inexact. « Tout ce qui sert à la production de biens et services, ça fait partie du contenu », dit-il. Des zones grises existent, comme le pont roulant qui peut être inclus dans le bâtiment si l’assureur l’accepte.

Responsabilité du client

L’assureur n’a que peu de moyens pour valider l’exactitude des chiffres sur la valeur des biens à couvrir. Selon Michel Aoun, directeur régional de souscription chez RSA Canada, l’assureur se fie au courtier pour la valeur estimée du « contenu » (matériel de bureau, inventaire, équipements de production) inscrite dans la proposition. « Si l’assuré ne sait même pas combien vaut son contenu, comment pouvons-nous le savoir? Si on ne fait pas d’inspection détaillée pour voir le contenu, c’est très difficile, et on le fait très peu », souligne-t-il. Pour le bâtiment, l’assureur peut vérifier certains paramètres et détecter les cas de sous-évaluation, ajoute M. Aoun. L’assureur peut alerter le courtier s’il n’y a pas de corrélation entre la valeur de la production de la firme et les biens assurables.

Pour Jean-François Desmarais, vice-président de PMA Assurances, de nombreux courtiers ont amélioré leur processus d’affaires en assurance des entreprises. Ils utilisent les services des experts en évaluation pour les bâtiments commerciaux et industriels. « Au fil des ans, l’écart entre la couverture d’assurance et la valeur réelle de reconstruction s’est résorbé. » Dans plus de la moitié des cas, il estime même que l’évaluation de la valeur des bâtiments est tout à fait exacte. Et l’écart entre le montant de la couverture et le cout de reconstruction a aussi été réduit, ajoute-t-il.

Un volet négligé

Selon Anne Martel, présidente de Martel Assurances, la grande majorité des entrepreneurs comprennent très bien la nécessité d’établir adéquatement la valeur des biens assurables. Son cabinet fait affaire avec la firme de Robert Plante depuis 2004. Après des années d’éducation et de sensibilisation, 80 % des clients de son cabinet adhèrent au principe de l’établissement des bonnes valeurs assurables. Selon elle, « il y a encore beaucoup de clients qui n’ont absolument aucune idée de la valeur assurable de leurs équipements ».

Bon nombre des clients ne font pas la différence entre la valeur marchande, la valeur foncière et la valeur assurable, déplore-t-elle. « Il manque encore beaucoup d’éducation et de formation. » Les clients trouvent toujours le cout de l’évaluation trop élevé.

L’augmentation du montant de couverture, qui fait hausser la prime, devrait suffire à convaincre les assureurs d’investir dans l’évaluation, ajoute-t-elle. Ce volet est selon elle le parent pauvre des rouages du système en assurance des entreprises. Selon Mme Martel, les assureurs devraient assumer cette fonction et l’inclure dans la tarification comme ils le font pour l’inspection des bâtiments par le technicien en prévention des incendies (TPI).

Robert Plante, lui-même TPI de formation, souligne que deux évaluations sur trois sont réalisées par des TPI à l’aide d’outils très simples, comprenant un nombre limité de questions. Les données transmises à un agrégateur permettent de produire une valeur et une prime pour un bâtiment à assurer. Mais ces systèmes ne fonctionnent pas en assurance des entreprises, dit-il.

Responsabilité

Selon Jean-François Desmarais, le courtier ne peut en aucun cas suppléer au manque d’information fournie par le client et tenter lui-même d’estimer la valeur des biens assurables. « Ce n’est pas non plus le rôle de l’assureur », poursuit-il. Il est clairement indiqué dans le contrat que l’assuré est responsable d’établir ses propres valeurs.

Alain Revah est courtier depuis 33 ans, et il œuvre au sein du cabinet Racine et Chamberland depuis 14 ans. Il insiste sur le rôle du courtier en matière de conseil au client, concernant les définitions du contrat, les exclusions, la règle proportionnelle, etc.. Le courtier, ou le représentant, doit amener le client à établir lui-même la valeur des biens qu’il veut assurer.

« Mais si on lui demande seulement des chiffres, il nous en produira, mais ce ne seront que des chiffres », dit-il. Quand le client doit fermer son entreprise à la suite d’un sinistre, parce que la limite de couverture de sa police était insuffisante, tous les intervenants au dossier sont perdants, déplore-t-il.

Robert Plante évite de citer des cas précis, mais dans sa pratique, il a vu des bâtiments de plusieurs dizaines de millions de dollars (M$) être largement sous-évalués. Lorsque l’exercice d’évaluation est mené correctement, la correction entraine une sérieuse augmentation de la prime, laquelle n’est jamais bien reçue par le client.

Des courtiers comme Anne Martel insistent auprès des clients pour qu’ils paient l’évaluation de leurs biens assurables. « On l’oblige lors de la souscription », dit-elle. À partir d’un certain montant, elle juge que l’évaluation devrait être réclamée par l’assureur. « L’assureur ne paie pas pour cela », fait observer Alain Revah.

Michel Aoun souligne le caractère limité de son pouvoir même s’il se doute que la proposition soumise par le courtier ne suffit pas à couvrir le risque du client. « Mon seul pouvoir, c’est de refuser d’assurer un client », dit-il, et il l’a déjà utilisé.

Robert Plante reconnait que ses rapports déplaisent souvent aux courtiers, car ce sont eux qui doivent convaincre le client de hausser la limite de sa couverture et de subir une forte hausse de prime.

Le courtier qui refuse d’inciter son client à se lancer dans une démarche de détermination de la valeur assurable n’est pas à l’abri du problème, précise Jean-François Desmarais. Le jour où son client subit un sinistre et doit assumer une partie de la perte, il ne poursuivra pas l’assureur, mais le courtier. Comme le courtier n’est pas responsable d’établir la valeur du bien à assurer, le procureur du client lésé tentera de prouver que le courtier a mal expliqué la règle proportionnelle.

Selon Alain Revah, « la règle proportionnelle est un mauvais outil, qui ne devrait pas exister dans les contrats d’assurance ». Cette règle crée la perception, tant chez les courtiers que chez les assureurs, voulant qu’avec « 80 %, ce sera suffisant ». Mais aucun client ne désire « perdre 20 % la valeur de son bien », explique-t-il.

M. Revah note qu’un assureur offre un produit d’assurance commerciale qui ne comprend aucune règle proportionnelle. « Il existe même des assureurs qui sont volontaires pour faire eux-mêmes des évaluations, pour les équipements et les bâtiments », dit-il.

Bien des assurés ne comprennent pas bien la règle proportionnelle. La différence de la prime pour obtenir la pleine compensation correspond parfois à seulement quelques centaines de dollars par année, souligne Michel Aoun. « Ça ne vaut même pas la peine de négocier. Tu ne mets pas ton entreprise en danger et tu ne risques pas la fermeture pour économiser 500 $ sur la prime », note-t-il.

« Le client aussi préfère souvent se fermer les yeux, lance Robert Plante. Dans certains milieux, on préfère minimiser le risque, on ne passera pas au feu. Ils veulent économiser de l’argent, ils pensent que ça n’arrive qu’aux autres. »

Des oublis

À la suite d’une perte totale, les couts de reconstruction sont souvent plus élevés que prévu, ajoute M. Plante. Il faut prévoir le montant des taxes dans la couverture. On oublie trop souvent aussi les frais de gestion du chantier, les couts de démolition, etc. Assez rapidement, 20 % des couts de reconstruction sont envolés pour ces seuls items, avant même le début du chantier.

Robert Plante affirme que la plupart des entrepreneurs seront ruinés en cas de sinistre total. Il note que l’évaluation après sinistre révèle souvent des problèmes de sous-assurance. Il vaut donc mieux mener cette évaluation à l’étape de la souscription.

Anne Martel refuse de faire souscrire une police au montant insuffisant à un client qui souhaite limiter sa prime, quitte à être sous-assuré. Alain Revah précise que son cabinet refuse aussi de souscrire des polices où le client choisit consciemment de limiter sa couverture.

Pour l’assureur, assumer seul le cout de l’évaluation est impensable, souligne Michel Aoun. « Investir pour cela sans savoir si le client sera encore là l’année suivante, ce n’est pas évident. » En assurance des entreprises, des clients ne renouvèlent pas leur police pour un écart de prime de 1 % en faveur du concurrent, même si ça fait 10 ans qu’ils sont couverts par le même assureur. Selon M. Aoun, il faudrait que tous les assureurs soient solidaires pour obliger les consommateurs à faire évaluer correctement leurs biens.

Le contenu

La société manufacturière doit fournir le cout de remplacement de l’équipement de production. Quand la durée de vie de cette machine est de plusieurs décennies, il est parfois difficile d’en établir la réelle valeur assurable. Au plan comptable, la machine à remplacer a probablement une valeur nulle, mais son cout de remplacement est très élevé, explique M. Desmarais.

Si le fournisseur est à l’étranger, surgissent alors d’autres problèmes comme les variations du taux de change, les délais de livraison, le manque de concurrence entre les fournisseurs du produit, etc. Robert Plante note que la baisse récente du dollar canadien fait bondir le cout de remplacement. Même pour un évaluateur qualifié, l’établissement de la valeur des équipements de production est une tâche complexe.

« Pour avoir une valeur juste, ça prend du détail », poursuit-il. Il existe des guides en évaluation de la valeur des bâtiments et du matériel, mais les paramètres ne sont pas toujours adaptés à la réalité locale.

Michel Aoun confirme que ces guides ont leurs limites et l’assureur en a prévenu ses souscripteurs. « Tu ne peux pas te fier entièrement là-dessus, ça te donne un ordre de grandeur de la valeur. Chaque bâtiment a ses particularités. » Le souscripteur peut indiquer au courtier que les valeurs soumises sont insuffisantes, mais il ne peut le forcer à les augmenter.

La sous-assurance menace davantage les PME manufacturières qui n’ont pas de gestionnaire de risque à l’interne et rechignent à payer la note de l’évaluation. Jean-François Desmarais note que les entrepreneurs connaissent les règles de l’assurance, et savent la nécessité d’établir la valeur de leurs biens. « Comme dans beaucoup d’entreprises, ils ont toujours plus urgent à faire, c’est toujours mis de côté. Ils ont toujours bien mieux à faire que d’établir les valeurs assurables. »

Le courtier peut lui suggérer de recourir à un expert, mais il ne faut « jamais, au grand jamais » tenter d’établir lui-même le bon montant à couvrir. « Ce n’est vraiment pas notre travail d’établir des valeurs, ni même de donner un aperçu de la valeur. Sinon, on se met le doigt dans l’engrenage », dit-il.

Le rôle du courtier est « l’explication des garanties disponibles sur le marché », renchérit Alain Revah. « On doit expliquer les garanties offertes en assurance, l’application des polices et des garanties en cas de sinistre, et les différentes méthodes d’évaluation des biens. » Le courtier ne doit jamais proposer au client la valeur du bien à protéger. « Aucune valeur ne peut provenir de nous », dit M. Revah.

Le premier critère de décision des entrepreneurs demeure la prime, ajoute Michel Aoun. « Si on a deux produits, le plus cher étant meilleur, le client choisira le moins cher et le moins complet dans la majorité des cas. » Des courtiers lui demandent de supprimer des garanties pour faire descendre le prix, mais ça n’est toujours possible, indique-t-il.

Jean-François Desmarais renchérit en notant que le client décide des limites de sa couverture d’assurance et de la prime qu’il peut payer. « Le client a toujours le choix d’acheter l’assurance. » S’impose alors la nécessité d’établir la bonne valeur des biens assurables. « Si le client décide de se doter d’une couverture, ça doit être la bonne. Il doit bien la comprendre, la garantie doit être adéquate et le montant doit être suffisant », ajoute M. Desmarais.

Alain Revah est d’accord. « C’est le rôle du courtier de bien connaitre le risque que l’on présente à notre assureur. Pour cela, il faut rencontrer les dirigeants de l’entreprise, comprendre leurs objectifs. Ça se fait en allant les voir, pas à partir de notre bureau au téléphone, du cinquième étage. »



Des outils imparfaits

À l’étape de la réclamation, Jean-François Desmarais, de PMA Assurances, souligne qu’on découvre parfois le problème de la sous-assurance. Cela arrive lorsque la prime est établie à l’aide de l’algorithme d’un agrégateur simplifié, comme on le fait en assurance des particuliers.

« Tous les assureurs font cela, et ça se passe au téléphone », ajoute Robert Plante, de SPE Valeur assurable, et cette pratique est répandue dans l’industrie. En assurance des entreprises, ces outils d’agrégation montrent rapidement leurs limites, estiment les courtiers.

Jean-François Desmarais constate et déplore cette tendance chez les assureurs à utiliser « la baguette magique » des formules toutes prêtes, qui leur évitent de faire des calculs. « Mais la baguette magique, ça ne fait pas de l’assurance. »

Alain Revah, de Racine & Chamberland, compare souvent les résultats de deux systèmes qui agrègent ainsi les données pour produire une tarification et une prime. Pour le même immeuble, il dit obtenir « des montants complètement différents. Lequel dois-je utiliser? », se demande-t-il. Et il ne constate pas le problème seulement pour des résidences de grand luxe aux dimensions particulières, mais aussi pour des maisons classiques comme on en voit plein dans le marché, précise-t-il.

Pour son entreprise, Robert Plante a adapté les paramètres d’un guide fréquemment utilisé en évaluation. « Cela a pris quatre employés durant un an. Avec cela, peu importe la personne qui fait l’évaluation, on arrive à la même valeur assurable. » Selon lui, les systèmes d’agrégation sont peu flexibles et produisent une estimation qui n’est guère valable.

Louis-Francis Lebel, de RSA Canada, se dit préoccupé par les problèmes de sous-assurance qu’il constate en assurance des particuliers. « On est encore aux balbutiements d’un groupe de travail qui se penche là-dessus. Je suis directement concerné, j’ai des factures importantes à assumer, mais je vois des disparités importantes qu’on n’avait pas avant. » De tels écarts ne sont pas présents dans plusieurs segments, dit-il, notamment dans le cas des résidences secondaires. (Alain Castonguay)


Des frais inconnus en cas de sinistre

Jean-François Desmarais, de PMA Assurances, fait observer que les entrepreneurs mésestiment les frais et les pertes d’exploitation en cas d’interruption des affaires. « Bon nombre d’entreprises ne sont pas couvertes pour leurs pertes d’exploitation en cas d’interruption des affaires. Ce n’est pas de la sous-assurance, c’est de la non-assurance. »

Michel Aoun, de RSA Canada, confirme le problème de la garantie pour pertes d’exploitation. « C’est encore plus difficile à évaluer que le contenu. Les gens se disent: “Je suis assuré pour 12 mois.” Mais ça peut prendre jusqu’à 24 mois avant que l’entreprise revienne au niveau où elle était au moment du sinistre. C’est complètement ignoré. »

Anne Martel, de Martel Assurances, souligne que les assureurs incluent désormais dans leur police multirisque la couverture pour la perte d’exploitation. Pour les autres cas où l’avenant n’est pas inclus, son cabinet peut établir la valeur de cette garantie avec l’un de ces spécialistes. « Mais ils sont très peu nombreux à savoir le faire », dit-elle.

« Il y a un cout de gestion qui n’est jamais comptabilisé à la suite d’un sinistre, souligne Jean-François Desmarais. Ça coute extrêmement cher, et ce n’est prévu nulle part au budget, le temps que les gens doivent prendre pour établir les preuves de pertes, pour remplacer leurs biens, pour magasiner, etc. », dit-il.

Michel Aoun, de RSA Canada, souligne que pour l’assurance en responsabilité civile, on ne sait jamais à l’avance ce que seront les recettes dans le futur, et l’ajustement se fait chaque année, le temps que les dommages persistent. Il répète que l’estimation des pertes d’exploitation est encore plus complexe à faire que l’évaluation du contenu. « Les PME et les plus petites entreprises ont de la difficulté à déterminer, en cas de fermeture temporaire pour six mois par exemple, combien ça leur coutera. »

Jean-François Desmarais souligne la participation possible du comptable et du fiscaliste de l’entreprise. « On arrivera à produire les données pour les frais fixes, les frais variables, les salaires ordinaires, les personnes-clés, et là les chiffres seront déterminés selon la réalité du client », dit-il.

Le cabinet de courtage, une entreprise de services, doit lui-même se doter d’une telle protection en cas d’interruption temporaire des affaires. Les frais supplémentaires liés à la location d’équipements ou de locaux temporaires, les déplacements supplémentaires du personnel pour continuer de desservir la clientèle, etc., sont autant d’éléments qui peuvent couverts par une telle garantie, souligne M. Desmarais.

Alain Revah, de Racine et Chamberland, note les difficultés reliées à la protection des pertes d’exploitation. Selon lui, l’introduction des formules de pertes réelles subies, où l’on passe sous silence le calcul de ces pertes, nuit au rôle du courtier. « On tient pour acquis que tout est couvert sans vraiment évaluer l’importance de la perte pour le client. On arrive avec des montants forfaitaires qui ne veulent rien dire », dit-il.

Chez Martel Assurances, on recourt aux services d’un ex-assureur à la retraite pour aider les clients à évaluer leurs pertes d’exploitation, explique Anne Martel. Les experts en ce domaine se comptent sur les doigts d’une main, estime-t-elle.

Selon Louis-Francis Lebel, de RSA Canada, quelques firmes comptables peuvent offrir le même service. Mme Martel note que ce ne sont pas toutes les PME qui ont les moyens de se payer les services d’une grande firme de comptabilité. (Alain Castonguay)



Moins percutant en assurance des particuliers

Pour Jean-François Desmarais, vice-président de PMA Assurances, la sous-évaluation a pratiquement disparu en assurance des particuliers, sauf quelques exceptions.

Selon Louis-Francis Lebel, directeur des opérations en assurance des particuliers chez RSA Canada, c’est l’arrivée de la garantie « valeur à neuf » qui a forcé l’industrie à se doter de mesures pour déterminer le cout de reconstruction. Ces outils, alimentés par les réponses du client à un court questionnaire, ne sont pas parfaits.

M. Lebel constate les limitations des agrégateurs dont se servent les assureurs pour établir la prime en assurance habitation. Selon ses statistiques en aout, quelque 56 % des résidences étaient en situation de sous-assurance pour une moyenne de 15 %. « Je suis en situation de litige pour trois dossiers où il y a des pertes importantes, dans le résidentiel, où j’ai des écarts de 150 000 $, 200 000 $ sur des maisons qui en théorie valent 500 000 $. » Selon son estimation, l’assureur laisserait ainsi sur la table quelque 75 000 $ de primes par moi à cause de ces mauvaises évaluations.

Robert Plante, de SPE Valeur assurable, se dit surpris de ces chiffres, car il considère que les systèmes automatisés ont tendance à surévaluer le cout de reconstruction des résidences.

M. Lebel rétorque que la garantie « valeur à neuf » n’est inscrite que dans 40 % des polices d’assurance habitation. « J’essaie de comprendre, sans que ça m’inquiète, d’où viennent ces écarts, pour voir comment je peux corriger cela. Je suis préoccupé. »

Robert Plante constate que les rapports d’inspection qui lui sont fournis par les assureurs sont incomplets. « Avec trois questions, on ne peut pas faire une évaluation, je suis désolé. On peut être précis, mais j’ai besoin de paramètres, d’un croquis, ce que personne ne fait », dit-il.

Louis-Francis Lebel constate que le réseau de courtage utilise largement ces produits pour soumettre rapidement une proposition en assurance habitation. « L’idée est bonne, elle est très actuelle, très rapide, mais elle comporte des lacunes. » Tous les concurrents utilisent ces outils d’intégration de données pour produire rapidement la tarification attendue par le courtier et son client. « Je dois faire la même chose. Je dois avoir la même approche. Je ne peux pas l’ignorer, et je veux trouver la manière pour que ça fonctionne », ajoute M. Lebel.

Selon Jean-François Desmarais, en assurance des particuliers les consommateurs ont ainsi transféré à l’assureur le risque de sous-assurance, car ce dernier « ne retire plus la prime nécessaire pour couvrir son risque. Le client n’est pas pénalisé ici ».

« L’important est de conserver la clientèle et d’avoir un prix concurrentiel dans le marché. La bonne prime, c’est celle qui fait qu’on garde le client. » (Alain Castonguay)