Brigitte Marcoux

Aider les entreprises à faire connaître les programmes de soutien en santé mentale qu’ils offrent à leurs employés, c’est le cheval de bataille de Brigitte Marcoux, directrice nationale, excellence des pratiques et solutions d’accompagnement, prévention, présence au travail et santé organisationnelle de Beneva.  

L’entrevue qu’a accordée Mme Marcoux au Portail de l’assurance montre que la bataille n’est pas gagnée. Elle observe qu’encore aujourd’hui, un grand nombre de travailleurs ne sont pas au courant des solutions offertes par leur employeur, programmes d’aide aux employés (PAE) en tête.

Selon le rapport de 2022 intitulé Portrait de la santé mentale des travailleuses et travailleurs de PME au Canada, 51 % des 2 500 personnes sondées ont répondu ne pas avoir accès à un PAE. Elles sont 28 % à y avoir accès et 21 % à ne pas savoir si elles y ont accès.  

Brigitte Marcoux collabore à cette enquête enrichie annuellement par la Chaire de recherche Relief en santé mentale, autogestion et travail, propulsée par Beneva de l’Université Laval. Selon Mme Marcoux, la sous-utilisation des programmes d’aide aux employés est directement reliée au manque de sensibilisation des employés.

Il y a encore des enjeux de perception sur la confidentialité d’un programme d’aide – Brigitte Marcoux 

« Nous avons découvert que les services d’aide aux employés sont sous-utilisés dans les PME, pour toutes sortes de raison, dont la principale est que les gens ne savent pas qu’ils en ont un. Et ceux qui savent qu’ils en ont un ne savent pas à quels services ils peuvent avoir accès », explique-t-elle. 

En citant le rapport, Mme Marcoux ajoute que même si la majorité des gens sait que consulter un programme d’aide aux employés demeure confidentiel, une personne sur 10 croit le contraire. « Il y a encore des enjeux de perception sur la confidentialité d’un programme d’aide, parce que le programme est payé par l’employeur », dit-elle. 

Après les données : la sensibilisation 

Beneva s’est depuis engagé dans un plan d’action pour faire augmenter le degré de connaissances par des séances de formation à ses équipes en relation avec ses clients offrant des programmes d’aide aux employés.

Mme Marcoux confie que l’assureur poursuivra l’effort de formation dès le 18 septembre 2024, cette fois auprès des conseillers et des preneurs de régime. Elle explique qu’il s’agira d’une dizaine de séances en français et en anglais, destinées à décortiquer et faire ressortir les services qu’offrent ces programmes.

« C’est bien beau de partager des données probantes issues de la recherche. Nous voulons que nos gestes concrets se déclinent dans la société, et dans les organisations que nous assurons, jusqu’à nos assurés », insiste Mme Marcoux au sujet des initiatives de Beneva en santé. 

De blessure physique à trouble mental 

Lors du Colloque santé Beneva qui s’est déroulé à Montréal le 29 mai 2024, Brigitte Marcoux a partagé la scène avec Roee Ben-Eli, directeur, programmes stratégiques de Soins virtuels TELUS Santé, et Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec

Les panélistes ont abordé les troubles mentaux sous l’angle de la blessure physique, une approche rarement vue, selon Brigitte Marcoux. « Un grand nombre de dossiers émane de thérapies physiques qui finissent par déboucher sur des problèmes de santé mentale », estime-t-elle.  

Les panélistes en ont fait la démonstration par un cas type : Marie, travailleuse qui a reçu un diagnostic de hernie discale en début d’année. Après 9 mois de traitements de physiothérapie et malgré ses efforts, l’absence de résultats exigera une chirurgie. Un jeune enfant à la maison et un conjoint travailleur de nuit, dépassée et découragée, Marie développe de l’anxiété quotidienne qui l’empêche de dormir.

Après des crises d’anxiété et des problèmes d’insomnie, elle prend des anxiolytiques. La douleur est omniprésente. Sa situation nuit à son travail. Éventuellement, le médecin lui prescrit un arrêt de travail. Les panélistes ont fait ressortir le rôle que peuvent jouer par exemple le gestionnaire et le délégué syndical, avant d’en arriver à l’arrêt de travail.

« En tant que gestionnaire, tu dois expliquer à cette personne quelles sont les mesures d’accommodement possibles pour alléger sa charge mentale. Plutôt que maintenir Marie au travail 5 jours semaines, le gestionnaire aurait pu lui offrir de travailler à temps partiel, libérer l’horaire pour ses traitements, de réaménager son poste de travail », a relaté en entrevue Brigitte Marcoux à propos des discussions au panel. 

L’insomnie : blessure mentale 

Le cas type de Marie a montré que le manque de sommeil appauvrit aussi la santé mentale.

Fournisseur d’une thérapie cognitivo-comportementale virtuelle destinée à traiter l’insomnie, Haleo dessert les employeurs de plusieurs secteurs, dont celui des services financiers. Ils sont 78 060 travailleurs de ce secteur à avoir accès à sa thérapie. Des 15 762 d’entre eux ayant signalé des problèmes de sommeil, et qui ont volontairement demandé un dépistage clinique, 90 % ont été admis au traitement.  

C’est dans l’industrie des services financiers où l’on a le plus gros échantillon – Bradley Smith 

Le traitement d’Haleo a permis de faire disparaître les symptômes d’insomnie cliniquement significatifs chez 94 % des employés souffrant d’insomnie chronique de modérée à sévère, révèle son rapport intitulé Le manque de sommeil dans l’industrie de la finance. Les données figurant au rapport ont été recueillies en mars 2024.  

Nombre important d’utilisateurs 

Bradley Smith

En entrevue avec le Portail de l’assurance, le chef de la direction et fondateur d’Haleo, Bradley Smith, a justifié son choix du secteur financier pour créer ce rapport : « C’est dans l’industrie des services financiers où l’on a le plus gros échantillon. » 

M. Smith a aussi voulu montrer qu’il est possible de traiter un grand nombre de personnes et d’obtenir des résultats cliniques probants.

« Sur les plus de 78 000 employés, environ 20 % ont complété un dépistage », mentionne-t-il. Le fondateur d’Haleo souligne que ces gens ont demandé un dépistage de leur propre chef. « Il est rare de voir autant de personnes embarquer dans une thérapie pour traiter une maladie chronique », ajoute-t-il.  

Pas une sinécure 

La thérapie cognitivo-comportementale virtuelle destinée au traitement de l’insomnie « n’est pas une pilule », prévient Bradley Smith.

Un somnifère n’aide pas les gens à régler leur problème d’insomnie - Bradley Smith  

« C’est du travail. Vous devez vous engager envers un horaire réglementé par le professionnel. On vous demandera de vous coucher et de vous lever quotidiennement à une certaine heure, pendant plusieurs semaines », explique-t-il. 

 « Un somnifère n’aide pas les gens à régler leur problème d’insomnie, poursuit M. Smith. Il les aide à surmonter des phases difficiles. Ils vivent en permanence avec cette insomnie qui nuit à leur santé mentale et physique, et aussi à leur productivité en entreprise. Pour l’entreprise, l’insomnie augmente le risque d’invalidité, les coûts de remplacer le travailleur et celui des médicaments. Elle augmente aussi les risques d’accident sur les lieux de travail. » 

Fondé en 2015, Haleo n’est pas le seul fournisseur de traitement de l’insomnie. Par exemple, TELUS Santé est le fournisseur d’une thérapie cognitivo-comportementale virtuelle contre l’insomnie dans les régimes collectifs de Beneva, a indiqué Brigitte Marcoux. 

M. Smith dit être actif auprès d’autres assureurs en collectif, et aussi directement auprès des entreprises. En 2017, Haleo déniche sa première entreprise cliente : Desjardins Sécurité financière a commencé à offrir sa solution à ses employés. Les services d’Haleo sont devenus disponible aux États-Unis en 2021. L’entreprise de Bradley Smith a conclu un partenariat avec Green Shield Canada en 2022.