Un grand nombre de Canadiens ont du mal à dormir toute la nuit parce qu’ils souffrent de terreurs nocturnes ou d’insomnie, et c’est encore pire depuis la pandémie de la COVID-19.

Lors d’un webinaire organisé par SSQ Assurance début mai, Charles Morin, Ph. D. et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les troubles du sommeil, a indiqué que les chercheurs ont remarqué la présence d’un « trouble du sommeil international » pour la première fois en avril 2020, peu de temps après l’apparition de la COVID-19. Le nombre de recherches Google sur les manières de soigner l’insomnie a commencé à grimper à ce moment-là.

L’organisation de Charles Morin a alors entamé une vaste étude internationale sur les troubles du sommeil et a sondé plus de 22 000 personnes dans 13 pays. Environ 10 % des adultes interrogés répondent aux critères d’un trouble d’insomnie ou un autre. Les taux les plus élevés sont au Canada, au Brésil et aux États-Unis, et les moins élevés, en Chine et au Japon.

Les chercheurs ont ensuite sondé un groupe de Québécois qui avaient participé à une autre étude, en 2018. Parmi ceux qui se qualifiaient de « bons dormeurs » en 2018, le tiers a commencé à souffrir d’insomnie pendant la pandémie. « Habituellement, le taux d’incidence, soit le nombre de nouveaux cas dans une année donnée, est d’environ 4 %, indique M. Morin. On aurait donc pu prévoir un taux de 8 %, mais il a été quatre fois plus élevé en réalité. »

Nombre de facteurs déterminants ont été découverts pendant la pandémie : le sondage a révélé que l’anxiété a été le facteur principal au cours des premiers mois. « Nous avons été nombreux à devoir nous ajuster, que ce soit pour le travail, les obligations familiales, l’école, les activités sociales, les loisirs, les heures supplémentaires passées à l’intérieur. Tous ces facteurs ont surement contribué à la diminution de la qualité du sommeil pendant la pandémie. »

Quand les problèmes de sommeil coutent cher aux entreprises

Les mauvaises habitudes de sommeil peuvent couter cher en ressources humaines d’une entreprise, soit environ 5 000 $ par an, souligne M. Morin. Les couts directs, ceux liés aux traitements amorcés à cause de troubles du sommeil, ne représentent qu’environ 10 % de la facture. Le reste vient des pertes attribuables à l’absentéisme ou au présentéisme : être à son lieu de travail sans être productif, généralement à cause d’un problème de santé.

« La prévalence de l’insomnie et des cauchemars a augmenté de façon considérable et ces problèmes ont bouleversé les habitudes de sommeil de certaines personnes », fait remarquer M. Morin. Beaucoup de gens se couchent et se lèvent plus tard, surtout ceux qui travaillent de la maison. M. Morin souligne qu’on ne peut pas déduire qu’une personne dort mieux et plus longtemps parce qu’elle passe plus d’heures étendue dans son lit.

Avant la pandémie, les répondants au sondage se couchaient généralement vers 23 h 30 et se levaient vers 7 h 30. L’heure du coucher a depuis été reportée à 0 h 30, et celle du lever, à environ 8 h 45, en particulier chez les télétravailleurs. 

M. Morin dit que plusieurs thérapies ont été développées au fil des années pour faciliter le sommeil.

La valériane, une racine couramment utilisée pour traiter les troubles du sommeil, en particulier l’incapacité à dormir, aurait déjà montré des résultats prometteurs, quoiqu’« encore très modestes ». Les benzodiazépines font également partie des médicaments employés dans la lutte contre l’insomnie, mais ils ont des effets résiduels. Ils peuvent créer un sentiment de confusion qui persiste longuement le lendemain ou des problèmes de coordination motrice.

En outre, on prescrit parfois certains antidépresseurs pour aider les gens à dormir parce qu’ils contiennent des sédatifs et peuvent donc causer de la somnolence. Toutefois, ils ne règlent pas toujours le problème et peuvent entrainer des problèmes encore plus grands à long terme.

Les médicaments devraient donc être utilisés seulement comme solution à court terme, recommande M. Morin. Si certains améliorent la durée et la continuité du sommeil, ils peuvent aussi avoir un effet négatif sur les phases du sommeil, voire nuire au sommeil profond. C’est le cas des benzodiazépines. Et c’est sans oublier les possibles effets secondaires et le risque de dépendance.

Sur la thérapie cognitivo-comportementale

Charles Morin dit préférer la thérapie cognitivo-comportementale, une forme de psychothérapie qui, en six à huit séances, vise à modifier les habitudes responsables des problèmes plus profonds associés aux troubles du sommeil et aux piètres habiletés d’adaptation.

Elle demande quelques semaines de travail, mais ses effets sont plus durables que ceux des médicaments, souligne M. Morin, ajoutant qu’il est important d’arriver à bien gérer son sommeil.

« Le sommeil est essentiel pour demeurer en santé. Il est tout aussi important que l’alimentation et l’activité physique. On ne devrait pas sous-estimer les répercussions que peut avoir le manque de sommeil ou un sommeil non réparateur, car elles sont bel et bien un fardeau pour ceux qui en souffrent, pour les employés et pour l’ensemble de la société. »