Michel Proteau est le conseiller financier de Lac-Mégantic. Plusieurs de ses clients n’ont pas survécu à la tragédie. En entrevue au Journal de l’assurance, il a confié comprendre l’essence même de l’assurance vie par cette tragédie.
Le président du cabinet méganticois, Les Assurances Michel Proteau, avait une tâche difficile : il n’assurait pas de des biens, mais des vies. « Dès le lendemain de la tragédie, je suis rentré au bureau pour réfléchir à la façon de procéder. J’avais aussi une bonne idée des gens qui seraient disparus. Mon fils est encore de ce monde uniquement parce qu’il a manqué un texto. Sinon, il aurait rejoint quatre de ses amis au Musi-Café. Je me doutais donc qui était avec lui. Le dimanche, j’ai établi mon plan de match et, le lundi, j’ai contacté tous mes assureurs, pour leur expliquer ce qui les attendait. Je me doutais qu’il y aurait des dépouilles non identifiables », a-t-il relaté au Journal de l’assurance.
Il souligne que grâce à cette collaboration, il a déjà pu commencer à régler des dossiers, seulement avec une attestation de décès. « Il a fallu aller au-devant des gens. La Sûreté du Québec (SQ) a commencé avec une liste de 1 000 disparus. Elle est ensuite descendue à 500. Puis à 100. On voyait néanmoins les gens dont on savait qu’il y avait un défunt. On faisait les demandes pour que ça aille plus vite. Le traitement des réclamations se déroule bien, même si ce qu’on vit n’est pas facile », dit-il.
L’autre étape
M. Proteau sait toutefois qu’il n’est pas au bout de ses peines. « On sait qu’il y aura une autre étape : l’invalidité. On en voit déjà des signes : des burnouts, des gens qui ont perdu un proche et d’autres qui ont perdu leur emploi », dit-il.
Il ajoute que le traitement d’un dossier peut parfois être difficile sur le plan humain, puisque tout le monde se connait dans cette municipalité de 6 000 habitants. « Nos adjointes voient passer les dossiers et trouvent cela difficile, surtout pour les décès. On a fait venir des intervenants pour les soutenir. Je m’occuperai de moi plus tard », assure-t-il.
Il ne cache pas que les gens sont soulagés lorsqu’ils reçoivent un appel de sa part. « Il y a toutefois beaucoup d’émotion. J’ai dû attendre quelques jours avant de parler aux parents des amis de mon fils. J’ai défoncé l’année avec eux et ils venaient à mon chalet régulièrement. On était une petite famille. On fait malgré tout ce qu’il y a à faire. Je viens d’aller porter un formulaire à une dame en burnout qui a perdu une fille. Ce n’est pas facile d’y aller, mais il faut le faire. C’est très touchant », dit M. Proteau, qui dit aussi s’attendre à assister à des funérailles tout au long des deux ou trois prochains mois.
Répercussions en collectif
Il ajoute que l’incertitude qui plane sur la ville ajoute un stress pour les résidants, ce qui aura un impact sur les réclamations en collectif. « On ne sait pas ce qu’il va advenir du centre-ville. On entend encore les pompes siphonner le pétrole des sous-sols. Ç’est entré dans les égouts. Plusieurs employés sont en standby. Certains pourraient être un an ou deux sans travailler. Ça va être tough jusqu’à ce qu’on commence à reconstruire et tant qu’on n’aura pas fait notre deuil, mais on n’a pas le choix de continuer », dit-il. Le conseiller financier dit toutefois que la messe commémorative, tenue le 27 juillet dernier, aura permis à la communauté de commencer son deuil.
M. Proteau souligne aussi que la vente d’assurance vie a pris un nouveau sens pour lui. « Je suis dans la profession depuis 26 ans. On vend l’assurance vie en disant aux gens qu’ils n’en verront jamais le bout. Mais là, on va en faire des réclamations. Dans certaines familles, on fait à la fois des réclamations en vie, mais aussi en collectif. Je rencontre même des enfants désignés bénéficiaires. On pleure avec eux… Dans certains cas, ça devient difficile d’en parler, mais on va passer au travers de cette épreuve », assure-t-il.
Le plus dur, selon M. Proteau, est de savoir où s’arrêter. « On veut en faire le plus possible. On veut que ça aille vite et on veut sauver tout le monde. On fait ce qu’on peut, mais on ne peut sauver la ville et on ne peut aller plus vite que ce qui se passe », conclut-il.