En cédant le cabinet Dale Parizeau LM à un groupe de trois actionnaires, le président et chef de la direction Robert LaGarde réagissait à un manque de relève en assurance. Cette vente permettra d’assurer la réalisation du plan d’affaires ambitieux de l’entreprise. Il demeure toutefois en poste avec son collègue Jean-Charles Massicotte, vice-président exécutif et chef de l’exploitation et le cabinet conserve son appellation.Robert LaGarde est un passionné d’assurance. Même la vente du cabinet Dale Parizeau LM au triumvirat composé de Neil Tilander, ex-président d’Hub Ontario, Maurice Laramée, ex-fondateur de Traders, filiale d’Aviva ainsi qu’Aviva, n’atténue en rien son enthousiasme. Les acquéreurs possèdent maintenant respectivement 40 %, 40 % et 20% de l’actionnariat.

Il estime avoir donné le bon coup de barre avec cette opération. « Jean-Charles et moi avons pris une décision qui était dans les meilleurs intérêts des actionnaires actuels, du personnel et des preneurs », a-t-il déclaré lors d’une entrevue exclusive accordée au Journal de l’assurance.

Robert LaGarde et Jean-Charles Massicotte avaient pourtant songé à leur relève. Ils avaient considéré les candidatures des actionnaires du cabinet ainsi que de membres de la direction. Cependant, ils ont conclu que, soit les successeurs potentiels approchaient la soixantaine, soit ils n’étaient pas prêts à relever le défi. « En même temps, nous avons regardé la capacité de ces gens-là d’amener les troupes à suivre le plan d’affaires parce que ça prend du leadership », raconte M. Lagarde. Les ressources financières formaient aussi une contrainte de taille, compte tenu des objectifs de croissance prévus. Le plan d’affaires vise ainsi à faire passer le volume de primes de 129 M$ à 269 M$ d’ici cinq ans.

L’arrivée des trois actionnaires-propriétaires ouvre la porte à une injection de capitaux. En outre, ils font confiance au tandem LaGarde-Massicotte, à leur relation avec la clientèle, avec leur personnel ainsi qu’avec les partenaires du cabinet. « Ils croient tellement à notre mission et à notre plan d’affaires qu’ils se sont dits, nous, on est prêts à mettre les dollars pour faire en sorte de vous accompagner. Nous continuons donc avec le même enthousiasme, avec la même énergie, mais doublée d’une sécurité additionnelle par cette présence de capitaux », poursuit M. LaGarde. Il rejette toute concentration éventuelle d’Aviva au sein du cabinet, martelant que MM. Tilander et Laramée ont investi leurs fonds personnels dans l’entreprise.

De plus, le cabinet compte ajouter 50 personnes à son personnel. Déjà, près de la moitié étaient en poste, quelques jours à peine après la transaction, survenue en avril dernier.

Outre le besoin de croître, Dale Parizeau LM entretenait également des aspirations pancanadiennes. La nouvelle entreprise pourra le faire. « Il fallait être présent ailleurs, nous ne l’étions pas. Nous voulons signer des alliances et effectuer des acquisitions », confie le président et chef de la direction du cabinet.
Fonctionnement interne

Initialement, Robert LaGarde et Jean-Charles Massicotte détenaient chacun un actionnariat de 34%. Les sept autres actionnaires avaient le reste du bloc, soit 4,5%, pour un total de 32%. Les deux actionnaires majoritaires à l’époque auraient pu très bien se partager le cabinet moitié-moitié. M. LaGarde n’y tenait pas car il voulait respecter sa règle des quatre F : foi dans notre travail, plaisir (fun) à l’exercer, être rentable (faire du foin) et être fier de ce que l’on fait dans l’industrie de l’assurance.

Une vente bien conclue passait également par une saine communication à l’interne. Robert LaGarde a compris que l’harmonie et le principe du « business as usual » en dépendaient. « Il n’y a jamais rien de pire que de créer un degré d’insécurité dans des troupes. Il y a beaucoup de propositions que je n’ai jamais amenées aux associés parce que je calculais que ce n’était pas à l’avantage de la société de le faire. Si les gens t’ont cru au départ, ils vont te croire encore et te feront confiance. Nous avons amené tout le personnel à adhérer au plan d’affaires », considère-t-il.

La structure de Dale Parizeau LM est fondée sur la segmentation des marchés. Le cabinet a fait une spécialité des groupes. « Nous avons bâti notre valeur ajoutée en scindant nos affaires en équipes-clientèles, tout en comblant l’ensemble des besoins du client. Ça me donne une rétention plus élevée et une vente croisée plus facile. Je m’assure ainsi l’auto-croissance nécessaire pour engendrer la rentabilité voulue sans m’endetter pour faire des acquisitions », fait valoir Robert LaGarde.

Selon ses données, Dale Parizeau LM a généré 16 M$ de nouvelles affaires en volume-primes en 2005, tant en assurance aux particuliers qu’en assurance aux entreprises et en assurance de personnes. Au fil des dernières années, Dale Parizeau LM a réussi à maintenir une croissance annuelle de ses affaires oscillant entre 3,5% et 5%.

Le privé plutôt que le PAPE

Parmi ses options d’injections de capitaux, Robert LaGarde a écarté d’emblée la possibilité d’aller sur les marchés boursiers par un premier appel public à l’épargne (PAPE). Pourquoi? « Jamais! Je ne peux pas me permettre de passer deux semaines par mois à justifier à des analystes financiers mon plan d’affaires et si je ne l’atteins pas, je dévie de trois degrés et mon action tombe. La vie est trop courte. J’aime autant un investissement privé ou encore les institutions financières qui vont croire à ton projet», établit-il.

Repenser la relation avec les assureurs

Si les anciens propriétaires de Dale Parizeau LM n’ont pu mener plus loin le cabinet – devenu l’un des plus gros au Québec – d’autres courtiers propriétaires peuvent-ils encore le faire?

Robert LaGarde pense que le courtage est à la croisée des chemins. Il est d’avis qu’il importe de polir la relation entre assureurs et courtiers. « Les courtiers doivent s’asseoir avec leurs fournisseurs autant qu’avec les preneurs et s’entendre sur ce qu’ils veulent bâtir ensemble. C’est ça la force d’un réseau de distribution, que ce soit en assurance, en alimentation, en produits pharmaceutiques, etc.! »

Il croit que tant que le courtage sera en mesure de se définir et de se situer dans le marché, il survivra. « Il ne faut pas que les assureurs considèrent une transaction comme une occasion de mettre fin à la relation avec le courtier!»

Il n’en reste pas moins, relève M. LaGarde, que la concurrence est féroce sur le marché de l’assurance et par ricochet du courtage. Il ne tient rien pour acquis, au contraire. « Si on regarde le rapport de l’Autorité des marchés financiers en assurance automobile, la part des courtiers se situe à 45%. Ça veut dire que la part des directs se situe à 55%. La guerre est dehors. Je crois qu’il y a de la place pour tout le monde et que chacun a assez d’énergie, d’esprit de concurrence de même qu’il est en position pour préserver sa clientèle tout en croissant. L’environnement est toutefois différent de celui qu’on a connu auparavant. »

Dans ce contexte, Robert LaGarde ne voit plus l’utilité de la règle qui limite à 20% la propriété d’un assureur sur un cabinet de courtage. Il s’interroge d’ailleurs sur la position du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) qui s’oppose à son abandon. L’organisme n’est pas en faveur de l’élimination du plafond de 20% parce que cela mettrait en danger l’indépendance du réseau de courtage, soutient-il.

M. LaGarde pense que la réalité est tout autre. Il rappelle que l’enquête de l’AMF a montré qu’il y a beaucoup de cabinets qui ont choisi de concentrer leurs affaires auprès de peu d’assureurs, et que malgré tout, ils n’ont pas contracté de prêts auprès d’eux. « Ces cabinets sont demeurés de petite taille, ils ont payé leur bureau depuis des années et ils ne sont pas prêts à en acquérir d’autres, mais ils ont concentré de façon importante pour des raisons pratico-pratiques. » M. LaGarde pense que les courtiers sont capables de discerner le bon produit pour le client malgré la présence dominante d’un assureur.

Le président et chef de la direction de Dale Parizeau LM soutient que l’obligation de divulgation des pratiques d’affaires constituera un défi important au cours des prochains mois. « Ces règles vont faire en sorte que l’assureur devra divulguer qu’il possède 5, 10 ou 20% ou toute autre participation. Le cabinet devra respecter cette obligation. Ce sera une façon de faire qui va être couramment partagée par l’ensemble de l’industrie et ceux qui ne le feront pas s’en mordront les pouces. »