Près d’un million de personnes en emploi au Québec, soit un travailleur sur quatre, souffrent de troubles musculosquelettiques (TMS) d’origine non traumatique liés au travail, ont pu établir des chercheurs de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) en se basant sur les résultats de l’Enquête québécoise sur la santé de la population 2014-2015.

Dans un rapport publié le 6 janvier 2020, ces trois chercheurs tracent un portrait plutôt inquiétant de l’état des TMS non traumatiques liés au travail, qu’ils distinguent des TMS causés par des traumatismes accidentels (chutes, accidents, etc.). Le sexe et l’âge forment deux déterminants majeurs des troubles musculosquelettiques. Les auteurs de l’étude établissent également un lien entre TMS non traumatique et détresse psychologique liée au travail, qui elle-même peut influencer la perception de la douleur.

Les TMS non traumatiques formaient le tiers de l’ensemble des lésions professionnelles indemnisées chaque année par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour les périodes 1998-2007. Ces lésions, souligne l’INSPQ, ne représentent toutefois que la pointe de l’iceberg puisqu’elles sont largement sous-estimées compte tenu de la sous-déclaration des troubles musculosquelettiques.

Plus de femmes affectées que d’hommes

L’enquête 2014-2015 a permis d’estimer que près de 575 800 femmes (31 %) et 418 200 hommes (20 %) de 15 ans ou plus travaillant 15 heures ou plus par semaine souffrent de TMS d’origine non traumatique liés à leur emploi principal à au moins une région du corps. La proportion de travailleurs qui rapportent des troubles musculosquelettiques pour chacune des régions corporelles étudiées est plus élevée chez les femmes que les hommes. Les femmes seraient davantage affectées par les problèmes au cou que leurs collègues masculins.

L’âge forme aussi un facteur majeur d’apparition de TMS. Le groupe des 45 à 54 ans est plus particulièrement touché, notamment chez les travailleurs et les travailleuses de professions manuelles ou mixtes. La probabilité de souffrir de TMS augmente aussi avec le vieillissement. Les troubles musculosquelettiques touchent fortement l’ensemble des hommes âgés de 45 ans et plus et les femmes de 45 à 54 ans.

Lien avec la scolarité

L’étude a aussi démontré un lien entre les troubles musculosquelettiques et la scolarité. De manière générale, chez les hommes, plus ce niveau est faible, plus la proportion de travailleurs souffrant de TMS augmente. Chez les femmes, les travailleuses ayant fait des études universitaires sont significativement moins touchées comparativement à celles des catégories de scolarité plus faibles.

Un autre facteur semble intervenir, le degré de richesse. Tant chez les hommes que chez les femmes, on constate la présence d’une association entre la perception de la situation financière et le risque d’être atteints de TMS. Les travailleurs et les travailleuses se considérant pauvres ou très pauvres rapportent davantage de TMS, et ce, peu importe le type de profession exercée.

Les modèles démontrent que les anciens fumeurs ont une probabilité plus élevée de souffrir de TMS que les non-fumeurs. Les fumeurs réguliers sont également plus susceptibles d’être affectés que les non-fumeurs.

Par ailleurs, les travailleuses et les travailleurs présentant un niveau élevé de détresse psychologique liée au travail sont environ trois fois plus nombreux, en proportion, à souffrir de TMS que ceux qui ont un faible niveau de détresse psychologique. De nombreuses études longitudinales, soulignent les auteurs de ce Portrait, ont démontré que des exigences psychologiques élevées et un manque de soutien des collègues contribuent à l’apparition des TMS.

Tant chez les hommes que chez les femmes, on a observé que la proportion de personnes souffrant de TMS à au moins une région corporelle est plus importante parmi les travailleurs de professions manuelles et de professions mixtes que parmi ceux des professions non manuelles. Les travailleurs les plus touchés par les TMS sont les ouvriers et les ouvrières qualifiés, ainsi que le personnel et ouvriers/ouvrières non qualifié(e)s et les manœuvres.

TMS par régions

Pour l’ensemble du Québec, les experts ont calculé que 25,1 des travailleurs, hommes et femmes, souffraient de TMS d’origine non traumatique, mais cette proportion varie selon les régions. Ce pourcentage se situe à 29,2 % dans l’Outaouais, 28,1 à Laval, 27,8 % dans le Bas-Saint-Laurent, mais il diminue à 24,2 % dans la Capitale nationale et 23,8 % à Montréal. Toutefois, c’est dans la région de Montréal que le nombre de travailleurs touchés par les TMS, près de 300 000 personnes, est le plus important.