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Une longueur d’avance : transformer les nouveaux défis réglementaires en avantages
Publié le 2 mai 2025
Le secteur de l’assurance automobile au Canada entre dans une période de transformation significative, sous l’impulsion des réformes réglementaires en Ontario et en Alberta, deux des plus grands marchés privés de l’assurance automobile du pays. Les deux provinces mettent en œuvre des changements substantiels avec des calendriers qui se chevauchent, dans le but de cibler plusieurs enjeux tels que les primes élevées, un choix limité pour les consommateurs et la faible performance globale du marché.
Si ces réformes posent des défis opérationnels, elles offrent également aux assureurs des opportunités stratégiques d’innover, d’améliorer l’expérience client et d’acquérir un avantage concurrentiel en réagissant plus efficacement que la concurrence. Cet article examine le paysage réglementaire, explore les implications stratégiques et fournit des actions concrètes que les assureurs peuvent mettre en œuvre pour naviguer dans cet environnement en évolution et favoriser la réussite de leur entreprise.
Aperçu des réformes réglementaires
L’Ontario et l’Alberta suivent des voies réglementaires différentes pour moderniser leurs marchés respectifs en assurance automobile :
- L’approche de l’Ontario : améliorer le choix des consommateurs en introduisant une plus grande flexibilité dans le cadre d’une couverture obligatoire. Il s’agit notamment d’indemnités optionnelles de remplacement du revenu et d’indemnités d’accident personnalisables, ce qui permet aux consommateurs de choisir une couverture qui correspond mieux à leurs besoins individuels. Ces changements devraient entrer en vigueur le 1er juillet 2026
- L’approche de l’Alberta : priorité à la stabilisation des coûts et à la viabilité du marché en adoptant un modèle sans égard à la faute, en plafonnant les demandes d’indemnisation pour blessures légères et en révisant les indemnités d’accident. Ces mesures visent à réduire les coûts des litiges et à rendre les primes plus prévisibles. Les changements devraient être mis en œuvre en janvier 2027, six mois seulement après les changements en Ontario.
Bien que les deux provinces visent à améliorer l’accessibilité financière et l’expérience client, leurs approches divergentes exigent des assureurs qu’ils s’adaptent à la fois stratégiquement et opérationnellement à chaque marché. Les assureurs doivent veiller à la conformité tout en tirant parti de ces changements pour se différencier et pour cibler plus efficacement les segments clés.
Ontario : personnalisation de la couverture obligatoire
Les réformes réglementaires de l’Ontario visent à offrir aux consommateurs des options de couverture plus souples, leur permettant d’adapter leur couverture en cas d’accident à leur capacité financière et à leur tolérance au risque. Cette évolution offre aux assureurs la possibilité d’innover dans la conception des produits et l’engagement des clients.
Se positionner pour réussir en Ontario - Trois types d’actions concrètes
1- Mettre davantage l’accent sur les besoins des clients pour adapter les produits
- Introduire une structure modulaire pour les polices, qui permette aux consommateurs d’ajuster des éléments clés de la couverture, tels que le remplacement du revenu et les prestations médicales. Alors que les assureurs offrent actuellement des options limitées, une approche modulaire offrira une plus grande flexibilité. Les assureurs qui travaillent sur de nouvelles formules prédéfinies aideront les consommateurs à mieux comprendre les options disponibles et à choisir la couverture qui répond le mieux à leurs besoins.
- S’appuyer sur le développement des plateformes numériques en libre-service où les clients et les courtiers peuvent personnaliser la couverture et voir instantanément l’impact sur les primes.
- Tester la réaction des consommateurs par le biais de tests A/B pendant la conception des offres afin d’optimiser l’adoption et la satisfaction des clients. Les assureurs qui utilisent cette approche auront la possibilité d’exploiter le potentiel des plateformes métier modernes pour tester et affiner leurs offres à moindre coût, tout en se conformant aux exigences réglementaires.
Exemple : un assureur pourrait proposer une indemnité de remplacement de revenu échelonnée avec des options de 60 %, 75 % et 90 %, permettant aux consommateurs de choisir en fonction de leur situation financière tout en montrant les implications tangibles de différents scénarios de sinistres.
2- Tirer parti d’analyses avancées pour un ciblage et une tarification précise
- Utiliser les solutions d’intelligence artificielle (IA) pour segmenter davantage les clients en fonction de leurs habitudes de conduite, du type de véhicule et des facteurs de risque individuels afin de proposer des tarifs sur mesure. Les informations comportementales détaillées fournies par la télématique peuvent créer un avantage concurrentiel significatif si elles sont utilisées efficacement, car peu d’assureurs sont parvenus à maximiser la valeur de cette importante quantité de données.
- Développer des modèles prédictifs pour identifier les clients qui bénéficieront le plus des différentes options de police et proposer des recommandations de manière proactive. Les assureurs ont ainsi la possibilité d’attirer les clientèles prioritaires en amont du processus de vente et d’augmenter les taux de succès grâce à des capacités de modélisation avancées qu’ils appliqueront à l’optimisation du marketing et de la tarification.
Exemple : en analysant les données télématiques, un assureur pourrait confirmer que les jeunes conducteurs ont tendance à opter pour un remplacement de revenu plus faible, mais des indemnités d’accident plus élevées, ce qui lui permettrait d’adapter ses offres de produits et son marketing en conséquence.
Bien que les ajustements tarifaires en temps réel soient encore loin en Ontario, les assureurs peuvent utiliser ces informations pour affiner les futurs dossiers tarifaires et les structures des produits, en veillant à l’alignement sur l’évolution des besoins des clients et sur les conditions du marché, tout en améliorant déjà à court terme le ciblage des clients.
3- Renforcer la confiance grâce à des services de conseil
- Former les courtiers et les agents à utiliser des outils d’aide à la décision qui simulent différents scénarios d’assurance. L’évolution de la réglementation rend ce défi plus complexe, en exacerbant l’importance de leur rôle de conseil et d’accompagnement, et certains assureurs y verront l’occasion de renforcer les liens avec leurs courtiers partenaires.
- Développer des programmes de littératie pour les clients, qui aident à clarifier les avantages et les compromis des différentes options de couverture. Cela peut se faire à l’aide de simulateurs, semblables à ceux utilisés dans le domaine de l’épargne retraite.
- Inciter les courtiers à proposer des recommandations personnalisées en fonction des profils de risque des consommateurs. Cette approche permet non seulement de renforcer les relations avec les courtiers, mais aussi de soutenir la croissance.
Exemple : un courtier pourrait utiliser un outil de type arbre de décision pour aider les clients à comprendre comment les options influent sur le montant des primes, tout en aidant le courtier à naviguer dans la diversité des offres de chaque assureur.
Alberta : stabilisation des coûts et efficacité opérationnelle
L’évolution de l’Alberta, vers un modèle sans égard à la faute et des mesures de maîtrise des coûts, vise à réduire les frais des litiges et à stabiliser les primes. Les assureurs ont ainsi une opportunité stratégique d’optimiser leur efficacité opérationnelle et leur offre de produits.
Se positionner pour réussir en Alberta - Trois types d’actions concrètes
1- Optimiser le traitement des réclamations et améliorer les coûts opérationnels
- Automatiser la gestion des sinistres pour les blessures légères en utilisant un mécanisme de triage basé sur l’IA. De nombreux assureurs ont déjà développé de tels cas d’utilisation pour les sinistres, en particulier pour les dommages aux véhicules, et des solutions supplémentaires sont aussi offertes par différentes assurtechs. L’adaptation à un modèle sans égard à la faute exigera le développement de nouveaux processus et la capacité de détecter les inefficacités dans le nouveau cadre.
- Centraliser plus une partie de la gestion des sinistres pour plus de cohérence et une résolution plus rapide. Cette approche permet aux assureurs de faire évoluer leur modèle opérationnel en intégrant la centralisation et la spécialisation, ce qui améliore l’efficacité opérationnelle et les résultats.
- Établir de nouveaux partenariats avec les prestataires de soins de santé afin de proposer des modèles de paiement direct et de réduire les frais administratifs.
Exemple : un assureur pourrait mettre en place un agent conversationnel (chatbot) de gestion des sinistres qui guiderait les clients tout au long du processus, en autorisant automatiquement le paiement pour les blessures mineures, jusqu’à un seuil défini. Il pourrait également s’appuyer sur la déclaration de sinistre offerte sur son application mobile afin d’optimiser l’expérience pour le client.
2- Capitaliser sur les capacités existantes
- S’inspirer des modèles opérationnels d’autres marchés avec un modèle sans égard à la faute, pour accélérer l’adaptation. Les assureurs qui utilisent déjà ce modèle, comme ceux du Québec, pourront ajuster leurs pratiques plus rapidement.
- Former le personnel chargé des réclamations aux nouvelles procédures de traitement des sinistres sans égard à la faute d’ici la date de mise en œuvre. Plusieurs assureurs ont déjà développé cette capacité à aligner l’approche de l’indemnisation sur l’approche des ventes et de la souscription, afin d’offrir un parcours client cohérent.
- Développer des partenariats avec des cliniques de réadaptation afin de proposer des tarifs préférentiels et une coordination des soins simplifiée.
Exemple : un assureur opérant dans tout le Canada pourrait appliquer les leçons tirées du traitement des sinistres liés aux blessures légères pour améliorer son efficacité opérationnelle en Alberta afin de résoudre plus rapidement les sinistres, tout en permettant d’atteindre de meilleurs résultats pour les blessures traitées.
3- Favoriser une maîtrise proactive des coûts
- Améliorer la détection des fraudes en développant l’utilisation de modèles d’IA qui intègrent la détection des anomalies et l’analyse des réseaux sociaux.
- Approfondir l’utilisation et la collaboration avec les plateformes télématiques pour surveiller et décourager les comportements de conduite à risque.
- Renforcer les liens avec les réseaux de garages partenaires et développer leur utilisation en négociant des prix et des incitations à la performance.
Exemple : un assureur pourrait détecter les sinistres dont la gravité des blessures ne correspond pas aux données télématiques et enquêter à leur sujet, ce qui réduirait les paiements frauduleux.
Naviguer dans les contraintes opérationnelles liées à cette double évolution de la juridiction
Alors que les assureurs sont confrontés aux défis de la double évolution de la juridiction que représentent les changements réglementaires en Ontario et en Alberta, le moment est idéal pour envisager d’entreprendre un examen opérationnel de la façon dont les défis réglementaires sont gérés à l’échelle de l’entreprise. Bien que les assureurs aient toujours réussi à gérer les changements réglementaires, il ne fait aucun doute qu’ils représentent souvent un fardeau opérationnel pour l’organisation.
En alignant les personnes, les processus, la technologie et la gouvernance, les assureurs peuvent mettre en place une organisation plus efficace et plus efficiente, capable de gérer le changement réglementaire et la conformité dans plusieurs juridictions. Ce faisant, certains assureurs augmenteront leur capacité à rester agiles, réactifs et conformes face à l’évolution des réglementations tout en minimisant les perturbations organisationnelles sur leurs activités « habituelles » et aussi sur celles plus stratégiques.
- Les personnes : constituer une équipe transversale de conformité réglementaire
Le premier pilier d’une activité opérationnelle à succès consiste à s’assurer que les bons talents et la bonne structure organisationnelle sont en place. Les personnes impliquées doivent non seulement posséder les compétences nécessaires, mais aussi avoir une connaissance approfondie de la réglementation en vigueur dans les différentes provinces.
Comme les talents expérimentés possédant cette combinaison de compétences sont rares, les assureurs doivent investir dans un recrutement ciblé, offrir une rémunération compétitive et en parallèle mettre en place des programmes de formation interne pour développer l’expertise. Il est également important de décider s’il convient de centraliser l’expertise réglementaire au sein d’une seule équipe par souci de cohérence ou de la décentraliser dans les différentes provinces afin de rester plus proche des besoins du marché local.
- Les processus : optimiser et normaliser la conformité réglementaire
Les changements réglementaires entraînent un surcroît de travail et peuvent rapidement peser sur les capacités organisationnelles, ce qui en fait le moment idéal pour réévaluer et améliorer les processus opérationnels. Dans des régions comme l’Ontario et l’Alberta, une partie de la capacité organisationnelle sera utilisée pour relever les défis de refonte des produits et de communication. Pour maintenir l’efficacité, les flux de travail doivent être optimisés, rester adaptables dans les différentes juridictions et être bien intégrés au cœur des activités des assureurs.
Un examen approfondi peut permettre d’identifier les goulets d’étranglement, d’éliminer les redondances et de libérer des capacités grâce à l’automatisation, à des modèles standardisés ou à une réflexion approfondie sur la centralisation des ressources. En relevant ces défis, les changements réglementaires deviennent moins contraignants, ce qui permet à l’organisation de poursuivre les initiatives stratégiques qui doivent souvent être reportées en raison des exigences réglementaires.
- La technologie : favoriser l’excellence réglementaire grâce à la technologie
Tirer parti de la bonne technologie est essentiel pour garantir que les assureurs restent conformes et agiles à mesure que les réglementations évoluent, tout en offrant la meilleure expérience aux courtiers, aux agents et aux assurés. En capitalisant sur des plateformes intégrées et des outils analytiques, les assureurs peuvent améliorer à la fois les résultats réglementaires et l’efficacité opérationnelle, tout en poursuivant leurs investissements dans les initiatives de numérisation.
- La gouvernance : renforcement de la surveillance et de la responsabilité
Des structures de gouvernance efficaces sont essentielles pour garantir que l’organisation reste alignée sur les exigences réglementaires et puisse réagir rapidement aux changements. Il s’agit notamment de définir des cadres clairs en matière de responsabilités et de prise de décision. Pour transformer les changements réglementaires en une véritable opportunité pour l’entreprise, la gouvernance doit trouver un équilibre entre la conformité, l’expérience client et la performance financière.
En alignant les personnes, les processus, la technologie et la gouvernance pour créer une organisation plus agile et plus efficace, les assureurs n’optimiseront pas seulement les efforts de mise en conformité avec la réglementation, mais ils se positionneront également pour prospérer dans un paysage réglementaire exigeant et en constante évolution.
Conclusion : accepter le changement comme une voie vers le leadership de marché
Les changements réglementaires en Ontario et en Alberta créent une opportunité de transformation pour le secteur de l’assurance automobile au Canada. Ces réformes introduisent des complexités et des défis opérationnels, mais créent également des opportunités de différenciation stratégique et de croissance.
Les assureurs qui s’adaptent de manière proactive — grâce à des produits centrés sur les besoins des clients, un ciblage et une tarification précis, une efficacité opérationnelle et des fonctions de conseil renforcées — seront bien placés pour s’imposer sur le marché concurrentiel de l’assurance automobile.
En considérant les changements réglementaires comme des catalyseurs de l’innovation et de l’excellence opérationnelle, les assureurs peuvent se doter d’avantages concurrentiels durables. Dans un environnement où l’adaptabilité et l’orientation client sont des facteurs clés de différenciation, ceux qui naviguent stratégiquement dans ce paysage en évolution s’assureront un succès à long terme sur le marché de l’assurance automobile au Canada.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Philippe Frizon, directeur associé PMP Strategy, Montréal, et Éric Panet-Raymond, associé PMP Strategy Canada.
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