Pour RSA Canada, Aviva Canada et Assurance Economical, les courtiers ont leur place dans le nouvel environnement numérique. Ils investissent massivement pour permettre aux courtiers d’y performer.

Chez RSA Canada, la réflexion s’est amorcée en 2013 et en 2014. L’assureur a pris conscience qu’il devait changer ses façons de faire s’il voulait demeurer pertinent.

« On continue à être une compagnie d’assurance, dit son PDG Martin Thompson. On ne peut plus simplement regarder ce que l’on fait, ce qui a été un problème pour nous. Il a fallu se questionner pour comprendre qu’elle était notre importance pour les courtiers et les consommateurs. Ce n’est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Il a fallu être plus pertinent. On parle donc plus des attentes du client et des courtiers. »

RSA a donc revu sa plateforme technologique. Comme plusieurs assureurs, elle a fait appel à la firme californienne Guidewire pour se doter d’une plateforme moderne. Diverses sources ont confié au Journal de l’assurance que Guidewire livrait une chaude lutte à une autre firme, nommée Duck Creek, pour obtenir les faveurs des assureurs canadiens et ainsi décrocher des contrats lucratifs, qui se chiffrent souvent dans les millions de dollars.

M. Thompson dit que les fondations technologiques de RSA Canada sont maintenant en place. « Nos investissements en numérique font en sorte que nous avons les outils et les capacités pour contribuer aux succès des courtiers. On doit voir comment leur offrir un meilleur service. Si le courtier offre un bon service à son client, on se doit d’être en mesure de bien lui répondre. C’est aussi un plus si on peut permettre au courtier de passer plus de temps avec son client de par les innovations technologiques que nous mettons à sa disposition. »

La réflexion de RSA se poursuit maintenant au niveau de l’analytique. L’assureur veut voir comment il peut fournir plus de savoir aux courtiers, dans le but de les aider à mieux comprendre les comportements des consommateurs.

La cassure n’est pas encore là. Viendra-t-elle ?

Pour M. Thompson, la fameuse cassure (disruption) tant annoncée en assurance n’a pas encore frappé. Ça ne veut toutefois pas dire qu’elle ne se produira pas, dit-il.

« Nous avons grandi grâce à ce que nous avons entrepris numériquement parlant. Nous nous sommes concentrés à être meilleurs pour les courtiers. Il y a encore une tonne de choses que nous pourrions mieux faire. Nous devons en venir à être plus sophistiqués. Malgré la montée de la distribution directe, nous croyons fermement chez RSA qu’il y a aura de la place pour un fort réseau de courtage », dit le PDG de RSA Canada.

Inévitablement, la technologie continuera d’évoluer, dit M. Thompson. L’accent devra être mis à faciliter les processus. « Le courtier doit en venir à passer plus de temps à conseiller son client », a-t-il dit une seconde fois lors de l’entrevue.

De multiples annonces chez Aviva

Au cours des six derniers mois, Aviva Canada a multiplié les annonces en lien avec le numérique. Les plus récentes sont les lancements d’Aviva Express, qui permet l’envoi d’une réclamation en automobile par le biais d’un téléphone intelligent, et celle de son application ProNavigator pour l’engin d’assistance à domicile Google Home.

Ces lancements suivent l’annonce de son association avec OneEleven pour financer des start-ups, ou encore son partenariat avec Outdoorsy, une plateforme de location de véhicules récréatifs. Aviva est aussi devenue l’assureur au Canada de Lyft, le principal rival d’Uber, ainsi que de Tesla au Canada.

Tous ces gestes découlent de la vision énoncée il y a trois ans par Mark Wilson, PDG du siège social d’Aviva au Royaume-Uni, dit Tom Reid, directeur exécutif, courtiers numériques, d’Aviva Canada. Le Journal de l’assurance s’est entretenu avec ce dernier.

La vision de Mark Wilson est très simple, dit M. Reid. Elle se résume en deux mots : Digital First (le numérique en premier).

« Le monde a changé. Nous devons changer aussi. Tout le monde utilise des téléphones intelligents et des tablettes numériques. Il faut s’adapter à cela, tout en tenant compte qu’il est impossible de savoir quels seront les outils de choix dans dix ans. Les choses changent vraiment rapidement ! Il nous faut donc essayer des choses », dit M. Reid.

Il affirme qu’Aviva Canada se fait solliciter quotidiennement pour se faire proposer de nouvelles applications et fonctionnalités. « On en retient plusieurs et on doit choisir. Il faut satisfaire le besoin du client », dit-il.

Catégoriser les courtiers

M. Reid dit que des courtiers s’en tirent déjà bien dans le nouvel univers numérique. Au Québec, il cite Club Assurance. Hors Québec, il donne en exemple Sharp Insurance. Il estime à environ 10 % le nombre de cabinets de courtage qui ont posé des gestes qui leur permettront de réussir dans cet environnement, l’assureur aimerait contribuer à ce que ce nombre grimpe à 30 %.

Au point tel qu’Aviva a catégorisé les courtiers avec qui elle traite. Après le 10 % qui est déjà bien engagé dans l’univers numérique, vient un autre 20 % qui est sur le point de poser des gestes en ce sens. Ainsi, Aviva estime traiter avec 250 cabinets sans cette situation, sur un total de 1 300. D’ici trois ans, elle souhaite que 400 de ces cabinets soient bien positionnés dans le numérique.

Quel avenir pour les autres ? M. Reid souligne que plusieurs d’entre eux sont à la croisée des chemins. Il croit que plusieurs courtiers dits traditionnels s’en tireront bien de par leurs spécialités ou de par leur positionnement géographique.

« Les autres auront des difficultés. Ils seront en décroissance ou seront vendus. La moitié s’en tirera bien », dit M. Reid.

Avantage d’avoir un siège social à l’étranger

M. Reid dit aussi avoir un avantage par rapport à certains de ses concurrents de par le fait que le siège social d’Aviva teste des choses. Sa filiale canadienne n’a donc pas à les retester, au contraire de la plupart des autres assureurs canadiens. « On pourra rentabiliser nos investissements plus rapidement », dit-il.

Ce qui manque dans le marché canadien, dit-il, est un standard. C’est pour cette raison qu’Aviva a adhéré au processus de transmission uniforme d’une transaction d’assurance pour le courtage du Centre d’études de la pratique en assurance (CSIO), de concert avec RSA, Wawanesa et Economical. « Les courtiers en seront plus efficaces », dit-il.

Bataille sur deux fronts pour Economical

Assurance Economical est aussi dans ce processus de transformation. En plus de mieux se positionner dans un environnement numérique, l’assureur mène aussi de front sa démutualisation, démarche amorcée en 2011.

Malgré les efforts à mettre sur ses deux fronts, l’assureur vient de lancer sa plateforme Vyne, à partir de laquelle elle traitera avec les courtiers dans leurs activités quotidiennes respectives. Economical a fait appel à Guidewire pour développer ce système, a appris le Journal de l’assurance.

Le déploiement de cette plateforme, qui se fera tout au long de 2018, entrainera aussi d’autres changements chez Economical. L’assureur en profitera pour revoir l’ensemble de la tarification qu’il applique dans le courtage. Les courtiers peuvent donc s’attendre à ce qu’Economical mette à leur disposition des offres plus concurrentielles, dit son chef de la distribution Tom Reikman.

« On se structure avec un système qui permet aux courtiers de fonctionner de la façon qu’ils veulent. Il faut en venir à créer chez les courtiers une habitude de traiter avec nous. Ils doivent trouver ce qu’ils cherchent sur-le-champ. Avec Vyne, c’est ce qu’ils auront, directement dans leur système de gestion de courtage. C’est de cette façon qu’on créera un bon flux de travail avec eux », dit M. Reikman.

Retrouver une partie de sa gloire d’antan au Québec

Le Québec fera l’objet d’une attention particulière d’Economical. Il y a une douzaine d’années, lors que l’assureur y exerçait de par ses filiales La Fédération et La Missisquoi, Economical comptait sur un volume de près de 270 M$ au Québec. Il tourne maintenant autour de 100 M$. Les occasions de croitre sont donc là, croit M. Reikman.

Après avoir recruté Glen Bates pour diriger ses activités au Québec, l’assureur a recruté Michel Chevalier pour veiller au développement des affaires. C’est un retour pour M. Chevailer, qui a déjà travaillé pour Economical. Il dit observer un changement drastique dans ce que l’assureur compte faire au Québec.

« Le courtage québécois est en manque d’options, notamment en ce qui a trait à la facilité de faire des affaires avec des courtiers. C’est ce message que je veux porter aux courtiers du Québec. »

Economical dit aussi beaucoup miser sur sa stratégie en entreprise, que Fabian Richenberger, son vice-président en assurance des entreprises, a concoctée. L’assureur en prépare le déploiement. « On veut devenir un joueur important dans ce créneau, notamment au Québec. »

Michel Chevalier aura aussi à faire connaitre les nouvelles capacités de l’assurance en assurance des entreprises, qui ont grandement augmenté. Il affirme que ces capacités peuvent aller jusqu’à 60 M$ pour des risques qualifiés de type A1.