La Société d’indemnisation en matière d’assurance de dommages (PACICC) a publié la plus récente édition de son bulletin « Parlons solvabilité ». On y retrouve de l’information mise à jour sur les résultats des assureurs de dommages pour le premier trimestre. 

Le PDG de l’organisme, Alister Campbell, y rappelle que le fonds d’indemnisation de PACICC est d’environ 60 millions de dollars (M$).

Or, selon une étude menée par les consultants Eckler en 2021, cette somme est insuffisante pour couvrir les besoins et les exigences des 30 premiers jours suivant la faillite de l’un ou l’autre du classement des 70 plus grands assureurs membres.

« Sans mettre de gants blancs, notre fonds n’est pas suffisant pour remplir sa mission première », indique M. Campbell. En conséquence, Eckler a été mandaté de nouveau pour déterminer les sommes qui seraient requises en cas d’insolvabilité d’un assureur important. La cible à atteindre serait située entre 225 M$ et 250 M$. 

Parallèlement, PACICC a poursuivi les travaux découlant de l’étude publiée en 2021 qui estimait que le point de bascule de l’industrie en cas de sinistre majeur, comme un séisme important, était d’environ 35 milliards de dollars (G$). 

Par ailleurs, pour couvrir les pertes d’un séisme important, dans la fourchette de dommages assurés de 30 G$ à 35 G$, les travaux de PACICC montrent que des fonds d’environ 230 M$ permettraient de mitiger le risque systémique. 

Selon Alister Campbell, le fait que les deux simulations arrivent à produire un chiffre presque similaire en matière de fonds requis n’est qu’une coïncidence. Mais elle oblige les membres de l’organisme à réfléchir à la manière la plus efficace de financer un fonds de cette taille. 

Les membres ont été sondés à cet égard sur différentes solutions reliées à la réassurance. Les opinions partagées des répondants ont incité le conseil à proposer d’autres moyens de financement, par exemple une ligne de crédit ou le prélèvement de capital, comme solution de rechange à la réassurance. Une combinaison des trois mécanismes est aussi envisagée. 

À cet égard, M. Campbell souligne que dans le même bulletin, la PDG du Canadian Investor Protector Fund (CIPF), Rozanne Reszel, explique le montage financier qui a été utilisé par cet organisme pour alimenter le fonds. Dans ce cas, la combinaison des fonds propres, de la ligne de crédit et de la réassurance a été retenue. 

PACICC collabore de façon continue avec les régulateurs et ses partenaires pour mener des études de résilience au stress financier. « Nos recherches démontrent de manière évidente l’étendue des risques auxquels nous sommes confrontés. Mais il y a un fossé entre la compréhension de la menace et la capacité à l’affronter. Je crois qu’il est nécessaire de nous donner les moyens d’avoir la puissance de feu nécessaire pour combattre ces menaces », conclut M. Campbell dans le bulletin trimestriel. 

Résultats du 1er trimestre 

Toujours dans le même bulletin, Grant Kelly fait part des résultats des assureurs de dommages du Canada au 1er trimestre de 2022. 

Le rendement sur le capital a été de 11,5 % en 2022, comparativement au même trimestre de 2021. M. Kelly précise que cette baisse des bénéfices est largement attribuable à la baisse des revenus du côté des investissements. À cet égard, l’écart dépasse le milliard de dollars. 

Comme les assureurs investissent dans les obligations, la hausse des taux d’intérêt fait baisser leur valeur. C’est une mauvaise nouvelle à court terme, reconnaît M. Kelly, mais les assureurs gèrent ces titres pour en tirer le maximum de valeur. Ces pertes sur papier ne menacent pas leur solvabilité à long terme, selon M. Kelly. 

Ces pertes ne doivent pas mettre de l’ombre sur les excellents résultats techniques des assureurs. Le ratio combiné de l’industrie a été de 79,2 % au premier trimestre, une amélioration comparativement au ratio de 81,2 % noté en 2021. 

Le ratio de sinistres en assurance automobile a atteint 45,5 % au premier trimestre comparativement à 53,1 % un an plus tôt.

Les réclamations ont toutefois été plus coûteuses en assurance habitation, avec un ratio de sinistres de 50,8 %, comparativement à 46 % au premier trimestre de 2021. Les pertes ont été particulièrement élevées dans les Maritimes, surtout à Terre-Neuve-et-Labrador (ratio de sinistres à 95,1 %) et à l’Île-du-Prince-Édouard (84,1 %). 

Les sinistres ont aussi été un peu plus nombreux en assurance des entreprises, avec un ratio de sinistres de 48,6 % au 1er trimestre de 2022. En 2021, ce ratio était de 42,4 %, le niveau le plus bas de l’histoire selon la base de données de PACICC. 

Pour l’ensemble des assureurs de dommages, les primes directes souscrites ont atteint 16,5 G$ durant les trois premiers mois de l’année, une augmentation de 10,3 % comparativement à la même période en 2021. 

La pandémie en Thaïlande 

Le bulletin trimestriel comporte aussi une synthèse faite par Judy Peng concernant la faillite de quatre assureurs en Thaïlande, en lien avec des produits d’assurance reliés à la pandémie de COVID-19. 

Contrairement à ce qui s’est passé dans les économies développées, où les gouvernements ont largement subventionné les contribuables et les entreprises afin de les aider à passer à travers la récession en 2020, les individus et les PME dans les pays en développement ne peuvent profiter de la générosité de l’État. Ils se tournent alors vers les assureurs pour se protéger des risques liés à la pandémie.

Des assureurs ont vu l’occasion de vendre ces produits qui ressemblent à des polices contre les accidents. À la fin de 2020, pour une population de 68 millions d’habitants, le nombre de personnes infectées par le virus était seulement de 6 884 cas rapportés, soit 50 fois moins qu’au Canada. 

Les premières polices COVID-19 demandaient une prime minimale de 11 $ (ou 300 bahts), et la couverture offerte variait de 1 850 $ à 11 000 $.

Mme Peng cite l’exemple de Southeast Insurance, qui a vendu deux polices de type « lump-sum » par l’entremise d’un courtier réputé associé à Siam Commercial Bank. La couverture de base, qui coûtait 19 $, offrait une couverture maximale de 3 670 $. La police de qualité supérieure, qui coûtait 38 $, offrait une couverture de 7 340 $. Les indemnités étaient payables sur confirmation de l’infection au virus. 

En 2020, les ventes ont totalisé 4,2 milliards de bahts (GB), soit 153,7 M$ CA, alors que les réclamations n’étaient que de 70 millions de bahts (2,56 M$ CA). Les primes souscrites en 2021 ont même grimpé à 6,2 GB. 

Malheureusement, la réalité des variants du coronavirus a frappé aussi le pays, et le nombre de cas a grimpé à plus de 150 000 cas par semaine à l’automne 2021, et à plus de 175 000 cas de façon hebdomadaire au premier trimestre de 2022.

En décembre 2021, l’association nationale des assureurs de Thaïlande estimait les réclamations à plus de 25 GB (915 M$ CA). Quatre assureurs nationaux ont vu leur permis être révoqué au deuxième semestre de 2021.

Deux d’entre eux étaient réunis au sein de Thai Group Holdings (THG), et le consortium a déclaré des pertes de 123 M$ CA pour l’année 2021. THG a demandé au régulateur national d’annuler toutes les polices du type « lump-sum », ce qui a été refusé.

Les faillites d’assureurs en Thaïlande ont provoqué une panique dans le marché d’un autre pays durement frappé par la pandémie, celui de Taïwan. Judy Peng en conclut que si la fortune sourit aux audacieux, il arrive parfois que le goût du résultat final soit plutôt amer, ce qui a été le cas pour les assureurs thaïlandais qui ont sous-tarifé leurs produits et mésestimé leurs risques.