Des tendances inquiétantes se précisent et menacent la rentabilité des assureurs de dommages et ceux-ci devront adopter des mesures à cet égard.
La firme Burns & Wilcox vient de publier son « P&C report » pour les deuxième et troisième trimestres de 2023 sur le marché nord-américain. L’accent est mis sur les catastrophes naturelles nombreuses qui frappent plusieurs États aux États-Unis, mais le grossiste souligne certains facteurs propres au marché canadien.
Sur une base presque quotidienne depuis le mois d’avril, des événements météorologiques frappent un peu partout au Canada et aux États-Unis, indique-t-on. Ces réclamations en hausse, jumelées à l’inflation, font en sorte que les capacités des assureurs sont sous pression. Les conditions très serrées du marché de l’assurance de dommages sont ainsi maintenues et les réassureurs le montrent chaque fois qu’ils renouvellent un traité.
Les tendances
Plusieurs auteurs ont contribué à la production du rapport. Paul G. Smith, vice-président de H. W. Kaufman Group, dont Burns & Wilcox est une filiale, fait une synthèse des grandes tendances dans le marché.
M. Smith note que les assureurs augmentent les montants de franchise pour certains types de sinistres climatiques, notamment pour les dommages causés par le feu. Il ajoute que les assureurs doivent aussi investir des sommes en innovation et en technologie.
Il observe aussi une augmentation de la fraude. Les consommateurs américains ont rapporté avoir été fraudés pour des sommes de 8,8 milliards de dollars (G$ US) en 2022, en hausse de 30 % sur l’année précédente. En moyenne, la fraude est responsable de 10 % des pertes imputables aux assureurs de dommages. Si les pertes pour fraude connaissent une autre hausse en 2023, et rien n’indique le contraire, cela représenterait un autre facteur qui incite à hausser les primes.
En conséquence, les hausses de primes supérieures à 10 % sont devenues la norme pour certains risques spécialisés ou pour les dossiers où les réclamations sont fréquentes. Le vocabulaire des polices est de plus en plus précis et les exclusions se multiplient. Pour certains sinistres naturels, on prévoit même des paramètres à atteindre pour activer la garantie, par exemple pour une inondation.
Dans la conclusion du rapport, M. Smith rappelle qu’une année normale dans l’océan Atlantique comporte entre 12 et 17 tempêtes associées à un prénom entre le début de juin et la fin de novembre. La saison 2023 des tempêtes tropicales est déjà bien lancée avec trois tempêtes avant même le mois de juillet. Celles-ci ont cependant causé peu de dommages.
Nouveaux produits
Le rapport résume ensuite les prévisions de la deuxième moitié de 2023 découlant d’un webinaire tenu par Burns & Wilcox le 13 juillet dernier. Le volet assurance de dommages des particuliers aux États-Unis devient préoccupant en raison des sinistres climatiques. L’agent général a d’ailleurs créé des produits particuliers pour couvrir une partie des dommages causés par les feux en Californie et les dommages associés aux ouragans dans le sud-est du pays.
Pour l’assurance aux entreprises, Chris Spiegel, vice-président adjoint et directeur du bureau d’Orlando de Burns & Wilcox en Floride, fait le point sur les tendances de ce marché. Les montants très élevés de règlement et les jugements rendus par les tribunaux en matière de responsabilité civile rendent les assureurs très nerveux.
En conséquence, la possibilité de placer une limite de 10 M$ auprès d’un seul assureur devient de plus en plus ardue et les courtiers doivent utiliser les capacités de plusieurs assureurs dans le même contrat. Cette tendance est observée dans les secteurs d’activité qui ont été les plus frappés par les hausses de primes ces dernières années, notamment la grande catégorie « hospitalité » qui regroupe l’hébergement, la restauration, les bars et les salles de spectacle.
Au Canada
Michelle Allemang, gestionnaire au bureau de Vancouver de Burns & Wilcox, fait la synthèse du marché de l’assurance de dommages des particuliers au Canada. Les nombreux feux de forêt qui frappent dans plusieurs provinces forcent les assureurs à limiter leur appétit et à resserrer les conditions de souscription.
La tendance à la hausse des réclamations liées aux sinistres naturels affecte les capacités des assureurs, ce qui les oblige à recourir à la réassurance dont les taux grimpent aussi, indique-t-elle.
L’assurance habitation voit aussi une hausse de la demande pour les risques liés à la location à court terme de la résidence principale ou secondaire. Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à utiliser les plateformes de location. Cela fournit un revenu d’appoint qui est utilisé pour assumer la hausse du taux d’intérêt hypothécaire. Le courtier doit être proche de ses clients et leur rappeler qu’une assurance est nécessaire pour couvrir le risque lié à cette activité commerciale, précise l’auteure.
Plusieurs contributeurs des bureaux du grossiste à Toronto et Ottawa ont rédigé le segment sur l’assurance de dommages aux biens et à la responsabilité civile des entreprises. Ils constatent que les courtiers doivent mettre plus de temps pour placer les dossiers de leurs clients. Les cabinets les plus efficaces peuvent ainsi gagner des parts de marché en récupérant des clients que leurs concurrents n’ont pu servir adéquatement.
Du côté de la responsabilité professionnelle (erreurs et omissions), une certaine augmentation des capacités et des hausses de primes plus raisonnables sont observables, selon Paula Lansky, gestionnaire au bureau de Toronto.
Le risque cybernétique devient plus complexe à couvrir et dans certaines activités, les limites offertes sont insuffisantes. Pour les besoins supérieurs à 5 M$, les catégories les plus risquées sont confrontées à des primes très coûteuses.