Aider les communautés à investir dans la prévention des sinistres catastrophiques est une « utilisation intelligente des fonds publics », selon Mary Kelly, professeure en assurance de l’Université Wilfrid-Laurier à Waterloo, en Ontario. 

Lors d’une correspondance avec le Portail de l’assurance, la professeure Kelly estime que le changement apporté par le gouvernement fédéral dans les Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC) est une excellente nouvelle.

Mme Kelly rappelle que les fonds des AAFCC sont disponibles aux communautés par l’entremise des gouvernements provinciaux. Il y a généralement deux volets financiers aux programmes d’aide, explique-t-elle : un premier volet pour les individus, les petites et moyennes entreprises (PME), les fermes et les organisations charitables, et un second destiné au rétablissement des communautés. 

« Avant cette portée élargie, les communautés pouvaient reconstruire les infrastructures essentielles, mais uniquement à l’état d’avant la catastrophe. C’est là que nous pourrions voir l’impact le plus significatif. Les communautés peuvent désormais utiliser les fonds pour construire selon de meilleures normes », écrit-elle. 

Ratio coût-bénéfice 

Mary Kelly cite des constats faits dans le rapport 2019 du National Institute of Building Sciences (NIBS) de Washington, intitulé Natural Hazard Mitigation Saves.

« Le ratio coût-bénéfice des dépenses faites pour mitiger les risques avant le sinistre varie de 4 pour 1 à 11 pour 1 », précise-t-elle. Dès la première étude publiée en 2005 portant sur la mitigation des risques liés aux sinistres naturels, le NIBS constatait que les méthodes de construction axées sur la mitigation permettaient d’économiser 4 $ en dommages pour chaque dollar investi. 

Dans le passé, l’utilisation la plus commune des fonds des programmes financés par les AAFCC par les assurés visait à couvrir les dépenses de la vie quotidienne au-delà des 30 jours qui sont généralement couvertes par les polices d’assurance de dommages, souligne Mme Kelly.

Les programmes couvrent des sinistres primaires comme les inondations lorsque l’assurance privée n’est pas accessible, ou encore les périls secondaires qui découlent de sinistres catastrophiques comme un tsunami, un glissement de terrain ou un éboulement. « Quand l’assurance est raisonnablement disponible (la définition n’est pas claire) et que le propriétaire du bien décide de ne pas souscrire la garantie, il n’a pas accès au programme d’aide », précise Mary Kelly. 

Le programme du Québec 

Au Québec, la contribution financière d’Ottawa à la suite d’une catastrophe est versée par l’entremise du Programme général d’assistance financière lors de sinistres (PGAF). Pratiquement chaque semaine dans la Gazette officielle du Québec, le ministre de la Sécurité publique publie un arrêté ministériel en lien avec ce programme.

Dans l’édition du 29 janvier 2025, trois arrêts ministériels étaient publiés, lesquels étaient reliés à des sinistres survenus à Sept-Îles, Sherbrooke et Saint-Jérôme. Le 22 janvier, six autres arrêts ministériels ont été publiés. 

Au ministère de la Sécurité publique du Québec (MSPQ), la porte-parole Louise Quintin confirme au Portail de l’assurance que le PGAF fait partie des activités admissibles aux AAFCC.

« Lors d’un sinistre d’envergure, le MSPQ est chargé de consolider les montants déboursés par les ministères et organismes du gouvernement du Québec afin d’effectuer une demande de remboursement auprès du gouvernement fédéral en vertu des AAFCC, si le montant des réclamations dépasse le seuil de contribution financière du Québec », indique-t-elle. Ce seuil est estimé à 35 M$ depuis le 1er janvier 2025. 

La plupart des dépenses des municipalités, par exemple l’ouverture d’un centre d’hébergement d’urgence, les mesures préventives temporaires, les heures supplémentaires payées aux employés occupés à réaliser des activités admissibles, peuvent être incluses dans la réclamation de la province. Chaque événement est évalué afin de déterminer quelles dépenses peuvent être incluses dans la réclamation du Québec, ajoute Mme Quintin. 

Lors des feux de forêt de 2023, des municipalités du Nord-du-Québec, dont Chibougamau et Lebel-sur-Quévillon, ont été forcées d’évacuer leur population. Le gouvernement du Québec a fait une réclamation à Sécurité publique Canada qui administre les AAFCC. La réclamation est toujours à l’étude, confirme-t-on au MSPQ. 

Feux de forêt 

À propos des feux de forêt de 2023, qui ont brûlé des superficies records au Québec et au Canada en 2023, le professeur Philippe Gachon, de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), déplore l’absence de bilan fait par les autorités publiques à la suite de ces incendies dévastateurs. « Je ne suis pas certain que les autorités ont pris pleinement conscience de l’ampleur des changements qui nous attendent. » 

M. Gachon, professeur et chercheur en climatologie au département de géographie de l’UQAM, tenait ces propos lors d’un récent colloque du Centre de foresterie des Laurentides, qui relève du Service canadien des forêts. Il présentait alors des travaux visant à améliorer la modélisation régionale des risques de feux de forêt. 

« Nous aurions dû avoir une commission du type retour d’expérience à la suite des feux de 2023, et cela, à l’échelle canadienne, avec l’ensemble des intervenants, mais aussi des experts », indique-t-il. L’exercice aurait ainsi « permis de déterminer ce qui a été bien ou mal fait, ce qui devrait être corrigé, à la fois en termes d’outils, de prévisibilité, mais aussi en matière de capacité à intervenir », poursuit-il. « Cet exercice-là n’a malheureusement pas été fait », précise Philippe Gachon.

À propos des feux qui ont ravagé la région métropolitaine de Los Angeles le mois dernier, M. Gachon souligne que le réchauffement de la température et les vents violents ont causé des dommages élevés, lesquels ont été accentués par l’aménagement du territoire. 

Selon lui, on ne peut pas expliquer les feux survenus au Canada en 2021, 2023 et 2024 « sans tenir compte du réchauffement global, et cela est lié aux activités humaines ». 

Par ailleurs, lors de l’annonce des changements aux AAFCC faite le 29 janvier dernier, le ministre Harjit R. Sajjan a confirmé une aide de 12,6 millions de dollars (M$) à la Croix-Rouge canadienne dans sa collecte de fonds pour venir en aide aux sinistrés de l’Alberta, particulièrement ceux touchés par le feu de Jasper à la fin de juillet. 

Le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Alberta avaient promis, le 28 juillet 2024, d’ajouter chacun un dollar pour chaque dollar recueilli par la Croix-Rouge auprès du public.