L’assureur Co-operators investit dans la société Geosapiens. Cette firme établie à Québec est spécialisée dans la modélisation et l’analyse des risques d’inondation.
La participation de l’assureur comme partenaire investisseur permet à Geosapiens de clôturer sa première ronde de financement. L’entreprise pourra ainsi déployer son modèle de cartographie des inondations à l’échelle du Canada d’ici la fin de 2022.
Selon le communiqué publié le 29 mars par l’entreprise, cette couverture exhaustive permettra à l’industrie de l’assurance de mieux jouer son rôle dans le partage du risque avec la population et les instances gouvernementales.
« La concrétisation de cet investissement stratégique avec un joueur aussi important dans l’industrie de l’assurance canadienne représente un jalon important pour Geosapiens », indique Hachem Agili, PDG et cofondateur de l’entreprise.
Selon Clément Brunet, vice-président, intelligence d’affaires en assurance de dommages chez Co-operators, « les risques liés au climat étant de plus en plus fréquents et graves, il est primordial que nous nous employions à bâtir des collectivités plus résilientes. Cet investissement créera des occasions de collaboration pour mieux préparer les Canadiens aux risques d’inondation et de mieux les informer pour ainsi atténuer les effets des inondations extrêmes pour les personnes les plus à risque. »
L’investissement de Co-operators est fait en mode de capital de risque et n’empêche pas l’entreprise de trouver des clients chez les autres compagnies d’assurance, précise son PDG en entrevue avec le Portail de l’assurance.
Fondée il y a 76 ans, la coopérative de services financiers Co-operators est un chef de file de l’assurance multiproduit au Canada dont les actifs dépassent 9 milliards de dollars.
Solution en trois volets
Pour les assureurs, Geosapiens commercialise des produits et services en ligne qui offrent la cartographie dynamique et prévisionnelle des inondations ainsi qu’une évaluation de leurs impacts sur les biens et les personnes. La carte est précise en étendue et en profondeur à une résolution spatiale d’un mètre. Ce volet est le premier de trois modules de la solution développée par l’entreprise.
Le deuxième module sur l’évaluation de la vulnérabilité permet de traduire les événements d’inondation en niveau de dommages sur les bâtiments.
Le troisième module sur l’évaluation du risque financier permet d’estimer les pertes financières assurables en se basant sur le niveau de risque ainsi que la structure de l’assurance applicable.
Des outils distincts ont été développés pour le monde municipal, de même que pour le secteur de l’immobilier. Par exemple, des systèmes prévisionnels permettent à l’entreprise d’informer la municipalité des risques d’inondation, laquelle peut ensuite alerter ses citoyens.
Sept fondateurs
Hachem Agili souligne que les chercheurs à l’origine de l’entreprise sont issus d’une équipe de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) qui a analysé les dégâts causés par l’inondation de 2011 lors du débordement de la rivière Richelieu en Montérégie. De nombreux secteurs sont restés submergés durant plusieurs semaines.
Un prototype du logiciel a par la suite été remis à la municipalité de Saint-Jean-sur-Richelieu. Après les inondations survenues au printemps 2017 dans plusieurs régions du Québec, l’intérêt de développer une plateforme de prévention a été renforcé.
Geosapiens a été fondée en décembre 2017. Un professeur de l’INRS, des professionnels de recherche et des étudiants en doctorat ont fait partie des sept fondateurs de l’entreprise. Ils réunissent des expertises en cartographie, en géomatique, en environnement et en hydrologie.
Les premières approches de l’entreprise ont été faites auprès des municipalités. « On ne peut pas empêcher les inondations, mais si on peut les prévoir un peu mieux, les autorités peuvent prévenir les citoyens et limiter les dégâts », indique Hachem Agili.
Ces outils prévisionnels peuvent aider les gestionnaires municipaux à préparer leur plan d’urgence en cas de défaillance d’une infrastructure comme la rupture d’une digue, explique M. Agili en donnant l’exemple de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.
L’entreprise a déjà cartographié les principaux bassins versants des zones habitées au Québec et pour lesquels des données existent sur les inondations antérieures. L’investissement de l’assureur lui permet de poursuivre ce travail dans le reste du Canada.
Capital de risque
Geosapiens souhaite maintenant offrir ses produits à toute l’industrie de l’assurance, aux gestionnaires de territoires, aux services d’urgence et aux professionnels du secteur de l’immobilier.
Même les particuliers peuvent demander un rapport détaillé évaluant le risque d’inondation de la propriété qu’ils convoitent en utilisant la plateforme e-nundation. « L’acheteur potentiel doit connaître son risque d’inondation et ensuite décider s’il est capable de vivre avec ce risque », dit-il. Ensuite, selon le niveau de ce risque, il pourra dénicher une couverture.
Selon M. Agili, la qualité des données disponibles doit être améliorée. Les scénarios actuels se limitent à des périodes de retour de 2 ans, 20 ans ou 100 ans qui suffisent aux fins de l’aménagement et de l’urbanisme, mais elles n’aident pas les assureurs à mieux cibler le risque d’inondation et à le tarifer. C’est cet écart que veut combler Geosapiens en utilisant une technologie moins coûteuse que les outils cartographiques classiques.
Pour développer ses algorithmes, Geosapiens a utilisé des images classiques de zones frappées par des inondations, en les jumelant avec les données climatologiques, hydrologiques et topographiques. « On essaie de se rapprocher de la réalité avec des modèles prévisionnels », dit-il.
« Nous offrons le système de modélisation le plus précis au Canada », affirme M. Agili. Quelques compagnies d’assurance offrent des couvertures contre les inondations grâce à des modèles développés par des concurrents de plus grande taille, mais le degré de raffinement des outils demeure perfectible.
« À la fin, l’assureur doit pouvoir compter sur des données fiables qui lui permettent de rester rentable tout en l’offrant à un prix accessible à la clientèle », note Hachem Agili.