Pour Swiss Re, la voie à suivre pour lutter contre le changement climatique est claire.

La réduction des émissions de CO2 est la priorité, dit le réassureur. Puis, toutes les émissions inévitables doivent être éliminées de l’atmosphère et stockées de manière permanente.

« L’ampleur du problème est redoutable. Les niveaux d’émission mondiaux doivent être réduits de moitié d’ici 2030, atteindre zéro net d’ici 2050 et rester négatifs tout au long de la seconde moitié du siècle », fait valoir le réassureur.

Cela nécessitera jusqu’à 10 à 20 milliards de tonnes d’émissions négatives par an en 2050 et après, indique Swiss Re. « Il faudra une nouvelle industrie de la taille de l’industrie pétrolière et gazière d’aujourd’hui pour fournir des services d’élimination du carbone à une telle échelle. Par conséquent, la mise à l’échelle de l’élimination du carbone doit commencer maintenant, en parallèle — et non à la place — des efforts massifs de réduction des émissions », indique le réassureur dans son rapport The insurance rationale for carbon removal solutions, publié en juillet.

Le réassureur fait d’ailleurs remarquer que le principal obstacle au déploiement de l’élimination du carbone est la viabilité économique. « En l’absence d’une tarification du carbone suffisamment élevée ou d’autres politiques d’émission telles que des mandats, la société est peu incitée à réduire, sans parler de collecter et de stocker les émissions. Le secteur privé peut améliorer la viabilité économique en réduisant les risques, en finançant et en achetant de nouveaux services d’élimination du carbone », dit Swiss Re dans son étude.

Les assureurs en mesure d’aider

Swiss Re va aussi plus loin dans son analyse. Elle y affirme que l’industrie de l’assurance est particulièrement bien placée pour soutenir la réduction des émissions en fournissant une gestion des risques, des solutions de transfert de risques et une capacité d’assurance. Elle peut aussi fournir des capitaux en tant qu’investisseuse institutionnelle à long terme et stimuler le marché en tant qu’acheteuse précoce de services d’élimination du carbone.

À titre d’exemple, Swiss Re souligne que de nombreux éléments de la chaîne de valeur de l’élimination du carbone sont familiers aux réassureurs. Les branches d’activité existantes en assurance de dommages peuvent déjà couvrir une série de risques pendant la phase opérationnelle des projets de décarbonation. « Ce qui reste un défi, ce sont les expositions potentielles à la responsabilité à long terme découlant du risque d’inversion du stockage de carbone », peut-on lire dans le rapport du réassureur.

Le rôle des assureurs ne s’y limite pas, dit Swiss Re. Dans une autre étude publiée en avril, et intitulée The economics of climate change : no action not an option, le réassureur plaide que les assureurs doivent aussi poursuivre leur mission première, qui est de couvrir les risques que posent les périls des aléas de la nature.

« Il est important de noter que les risques liés aux conditions météorologiques restent assurables, martèle Swiss Re dans ce rapport. Cela est dû à la nature à court terme de la plupart des activités d’assurance de biens, qui permet un ajustement des vues sur les risques. »

Pour Swiss Re, le principal effet du changement climatique sur les assureurs est l’augmentation des pertes qu’ils subissent. « Les effets de la hausse des températures se font déjà sentir, notamment par des périls jugés secondaires, tels que les vagues de chaleur, les incendies de forêt, les sécheresses et les précipitations. »

Le réassureur ajoute que l’industrie de l’assurance se doit de veiller à ce que les périls liés aux aléas de la nature demeurent assurables, et ce malgré leur augmentation en nombre et leur intensification du risque. Pour Swiss Re, cela passe par plus d’efforts de recherche sur ces nouveaux périls, afin de mieux modéliser leurs modèles de risques. Selon le réassureur, ces modèles doivent bien représenter le climat actuel et les conditions socioéconomiques qui prévalent dans une région donnée.

« L’assurance est un outil important par lequel les ménages et les entreprises peuvent renforcer leur résilience pour mieux gérer les risques croissants de catastrophes naturelles », rappelle le réassureur.

Malgré cela, le réassureur estime à 70 % l’écart de protection mondial actuel pour les pertes liées aux conditions météorologiques.

Comment corriger le tout ? Les assureurs et réassureurs ne peuvent y échapper. Ils doivent assurer davantage de risques pour éviter que toute l’économie soit perturbée par les changements climatiques. Cela passe donc par une meilleure compréhension de ceux-ci, disent les analystes de Swiss Re.

Les assureurs et réassureurs auront donc avantage à considérer les partenariats publics-privés, mais aussi soutenir leurs clients dans leur transition verte. « Assureurs et réassureurs peuvent aussi encourager ce changement de comportement en fixant des prix de risque appropriés et en travaillant sur de nouveaux produits et des solutions de souscription au fur et à mesure que de nouveaux risques apparaissent, comme ils le font pour le cyberrisque. »

Swiss Re reconnaît qu’assurer des infrastructures et technologies vertes peut s’avérer compliqué au départ vu l’absence d’historique des expériences de pertes. « Les solutions paramétriques peuvent fournir des alternatives lorsque les produits d’indemnisation traditionnels sont confrontés à des limitations d’assurabilité », fait valoir le réassureur.