La crise cardiaque n’épargne personne et peut frapper n’importe qui, même les médecins qui sont les premiers conscients des dangers qu’elle représente.

Le Dr Jack Tu était un cardiologue et épidémiologiste torontois qui avait obtenu de nombreux prix de reconnaissance dans le monde. Il est lui-même décédé d’un infarctus en 2018 à l’âge de 53 ans.

Au Québec, le DSylvain Boutet, médecin-chef des Remparts de Québec qui pratiquait de nombreux sports et s’entrainait plusieurs fois par semaine, a été foudroyé par une crise cardiaque lors d’une randonnée de vélo en 2016. Son décès a été confirmé à l’hôpital. Il était âgé de 55 ans.

On estime que 70 000 crises cardiaques surviennent chaque année au Canada, soit une toutes les 7 minutes.

En 2012–2013, donnés les plus récentes à cet effet, environ 2,4 millions d’adultes canadiens, soit 1 sur 12 âgés de 20 ans et plus, vivaient avec une cardiopathie ischémique (IC) ou maladie coronarienne, dont 578 000 avaient un antécédent d’infarctus aigu du myocarde.

De plus, 669 600 autres adultes canadiens âgés de 40 ans et plus souffraient d’insuffisance cardiaque. Au Québec, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), 5 300 femmes et autant d’hommes ont succombé à une maladie du cœur dans la province en 2013.

Une prise de conscience à faire

Se croire à l’abri d’une MC au cours de son existence relève presque de l’utopie. La Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada estime que 9 personnes sur 10 au Canada présentent au moins un facteur de risques, mais que seulement 12 % en sont conscientes. Les maladies du cœur et de l’AVC figurent parmi les principaux responsables d’hospitalisation, de l’utilisation de médicaments d’ordonnance et parmi les plus importantes causes d’invalidité au pays.

La maladie cardiovasculaire telle qu’elle est répandue de nos jours est relativement jeune dans l’Histoire. Le cardiologue environnemental québécois François Reeves souligne qu’elle était beaucoup moins fréquente dans l’ère préindustrielle, mais que de 1900 à 1950, le nombre d’infarctus avait quadruplé aux États-Unis avec l’avènement de l’ère industrielle, ce qui témoigne du lien étroit entre le travail et les maladies cardiaques et vasculaires.

Contrairement à une croyance très répandue, ce ne sont pas seulement les cadres d’entreprises stressés travaillant 60 heures et plus par semaine qui se mettent en danger de développer une maladie cardiovasculaire: une étude anglaise réputée, Whitehall 1 et 2, a démoli ce mythe. Elle a ainsi montré que le risque de décès par maladie cardiaque était 2,2 fois supérieur dans le groupe le plus bas dans la hiérarchie professionnelle par rapport au plus haut. Les travailleurs seraient donc plus exposés que leurs patrons.

L’étude Whitehall a démontré qu’un stress chronique au travail augmente le risque cardiovasculaire en modifiant certains paramètres cardiométaboliques. À l’inverse, elle met en évidence qu’un sentiment de justice organisationnelle au travail réduit le risque cardiovasculaire. Les gens éprouvent ce sentiment lorsqu’ils estiment que leur superviseur considère leur point de vue, partage des informations concernant les prises de décision et traite les individus équitablement. Enfin, d’autres travaux indiquent une augmentation du risque cardiovasculaire chez les personnes qui font régulièrement de longues heures de travail.

La crise cardiaque elle-même, qui est la plus connue et la plus crainte, est l’aboutissement de la coronaropathie ischémique (CI), la forme la plus courante de la maladie du cœur. L’angine du cœur est également causée par une coronopathie.

La coronaropathie n’est toutefois que l’une des six formes des maladies cardiovasculaires (MC). Les autres sont la maladie cérébro-vasculaire, qui peut provoquer un accident vasculaire cérébral (AVC), la maladie vasculaire périphérique qui affecte principalement la circulation sanguine dans les jambes, l’insuffisance cardiaque qui engendre un essoufflement et une enflure des jambes, le rhumatisme cardiaque et la cardiopathie congénitale qui touche notamment des enfants. Les taux de mortalité associés aux maladies cardiovasculaires augmentent considérablement chez les hommes âgés de 45 ans et plus et chez les femmes âgées de 55 ans et plus.

Des déterminants majeurs

L’âge et le sexe forment des déterminants majeurs des maladies cardiaques. Les hommes âgés de 25 à 44 ans sont environ quatre fois plus susceptibles de subir une crise cardiaque que les femmes du même groupe d’âge.

En 2014, 7 % des hommes et 5 % des femmes au Canada ont indiqué souffrir d’une maladie cardiovasculaire. Les hommes sont plus susceptibles que les femmes de déclarer avoir une maladie du cœur, soit 5,3 % des hommes et 4,2 % des femmes. Ils sont aussi plus sujets que les femmes de mourir d’une maladie cardiovasculaire et près de trois fois plus s’ils sont âgés de moins de 65 ans.

Les taux de prévalence et d’incidence selon l’âge de la maladie coronarienne et de l’insuffisance cardiaque diagnostiquées et la fréquence de la crise cardiaque étaient plus élevés chez les hommes que chez les femmes au cours d’une période de 13 ans, dit l’Agence de la santé publique du Canada. Durant une partie de leur vie, les femmes sont plus protégées que les hommes des maladies coronariennes, mais la ménopause passée, elles deviennent aussi vulnérables et à risque, voire plus.

En outre, le risque de développer une maladie du cœur augmente avec l’âge. Les maladies cardiovasculaires deviennent une menace plus sérieuse après 55 ans pour les hommes et après 65 ans pour les femmes. Il est aussi possible qu’une personne qui a eu de mauvaises habitudes de vie ait à 55 ans un cœur âgé de 65 ans, révèlent plusieurs études consultées pour réaliser le présent dossier.

Un homme de plus de 75 ans sur quatre souffre d’une maladie coronarienne, mais plus les femmes avancent en âge, plus elles sont susceptibles de souffrir du cœur. En 2012–2013, selon le gouvernement canadien, on dénombre presque deux fois plus de femmes de 85 ans et plus ayant reçu un nouveau diagnostic de maladie coronarienne que d’hommes du même âge. Comme les femmes vivent plus longtemps que les hommes, elles risquent davantage de recevoir un diagnostic de maladie du cœur à un âge avancé.

Prévalence des maladies coronariennes

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la maladie coronarienne et l’accident vasculaire cérébral se situent respectivement aux premier et deuxième rangs des causes de mortalité dans le monde. L’OMS prévoyait que d’ici 2030, 23,4 millions de personnes vont mourir d’une maladie du cœur ou d’un AVC, comparativement aux 11,8 millions causés par le cancer.

Au Canada, ces causes sont inversées. Jusqu’en 2005, précise la Société canadienne du cancer, ce sont les maladies cardiovasculaires qui causaient le plus de décès. Aujourd’hui, c’est le cancer qui forme la première cause de mortalité au pays.

Les maladies du cœur, indique l’Agence de santé publique du Canada, forment maintenant la arrivent maintenant au deuxième rang, après le cancer. La maladie coronarienne forme toutefois la première cause d’années de vie perdues en raison d’un décès prématuré et vient au deuxième rang au chapitre de l’incapacité.