L’Institut canadien des actuaires (ICA) a demandé aux gouvernements et aux institutions publiques du Canada d’accroître la qualité et la précision des données recueillies et communiquées en ce qui concerne la COVID-19. Les actuaires soulignent la nécessité d’obtenir des données plus robustes concernant les victimes de la maladie à coronavirus.

Ils aimeraient que les gouvernements transmettent le plus grand nombre de données afin que les chercheurs puissent développer l’analyse nécessaire pour bien comprendre les impacts de la crise. Les données ne serviraient pas seulement les comptes des actuaires. Elles seraient également bénéfiques à tous les chercheurs, les analystes et ceux qui sont intéressés par la gestion des risques.

L’ensemble des données recueillies servirait, par exemple, à la ventilation appropriée des décès reliés à la crise selon l’âge, le sexe, l’endroit et la raison du décès. Même chose pour le taux d’hospitalisation et le type de personnes hospitalisées. « Ces données vont nous permettre de mieux établir l’impact de la crise sur nos hypothèses et vont permettre à d’autres chercheurs de bien commenter les différentes analyses et les différents scénarios de déconfinement qui sont faits », dit Michel St-Germain président désigné de l’Institut canadien des actuaires.

Il a tenu à préciser qu’il ne s’agit pas d’une critique des gouvernements ni de la gestion des données actuelle. Le but de la requête émise par l’Institut canadien des actuaires est de faire savoir que les actuaires veulent « bien évaluer l’impact de la crise », dit-il.

Comprendre une crise avec des données

« Dans les domaines de produits financiers, autant pour les régimes de retraite que pour les compagnies d’assurance, on a besoin de comprendre l’ampleur de la crise sur les opérations. On a également besoin de faire des hypothèses sur la fréquence et la gravité des réclamations faites auprès des compagnies d’assurance », explique M. St-Germain.

L’actuaire indique qu’il est pertinent de se demander comment la crise affecte les polices d’assurance de personnes, notamment au niveau du remboursement de l’hospitalisation, et les primes d’assurance automobile. Les gens conduisent moins donc il y a moins d’accidents et de réclamation. Des baisses de primes sont donc proposées pour ce type de police.

Il faut se demander aussi si les effets de la crise ne sont que temporaires, ou contextuels sur différents aspects et services. Pour répondre à ces questions, « nous avons besoin de ces données », indique le président désigné de l’ICA.

« On a beaucoup de difficulté à obtenir des données pertinentes pour plusieurs raisons. Les données viennent de chaque province et chaque province à sa propre façon de calculer quels sont les cas de décès et d’hospitalisation. Alors il faut faire toute sorte d’ajustements pour les collecter à la grandeur du Canada. Il y a aussi le facteur temps auquel on rapporte les données valides par province. L’autre enjeu qui nous intéresse est de savoir combien de décès additionnels la crise a-t-elle causés, par rapport à s’il n’y avait pas eu de telle crise et a quel moment nous allons avoir une bonne idée de ces décès additionnels pour qu’on puisse avoir une bonne idée des réclamations d’assurance vie », poursuit-il.

Faire un compromis sans compromettre les résultats

La demande de données de la part des actuaires est la première ayant été formulée depuis le début de la crise. « On ne veut pas avoir les données trop rapidement dans la crise puisqu’elles seront probablement incomplètes. On ne doit pas non plus attendre éternellement que la crise soit terminée. Il faut arriver à un certain compromis dans la récolte de nos données. »

Actuellement, les actuaires basent leurs recherches sur les données que chaque assureur obtient de ses réclamations et les données fournies par les gouvernements. Or, « les données gouvernementales ne sont pas forcément consistantes et les écarts sont importants d’une province à l’autre de façon anormale. Personnellement, j’ai du mal à comprendre pourquoi l’écart est aussi important entre le Québec et l’Ontario. Il y a beaucoup de raisons et d’excuses, mais est-ce que c’est vraiment la semaine de relâche qui explique cet écart ? C’est un effort de recherche », explique M. St-Germain.

« Il est plus difficile d’accumuler des données crédibles du gouvernement parce que ça vient de partout ; des hôpitaux, des centres pour personnes âgées et des centres de soins de longues durées. Ce n’est pas un système intégré, contrairement aux compagnies d’assurance. Les assureurs connaissent leur nombre de réclamations, les montants et les frais, mais seulement pour leurs clients », ajoute-t-il.

Pour M. St-Germain, il est donc difficile de se prononcer sur l’exactitude « des données présentées à la télévision quotidiennement par l’équipe de gestion de crise des gouvernements provinciaux et fédéraux », notamment en raison des différences dans la récolte de celles-ci.

EN COLLABORATION AVEC CHARLES MATHIEU