« Les assureurs de personnes sont confrontés à plusieurs difficultés, dont la première est d’avoir hérité de multiples systèmes d’information et de gestion, au fil des acquisitions. » Cette citation n’est pas d’un PDG canadien. Elle vient de Christophe Emprin, au sujet d’assureurs européens. M. Emprin pilotera l’entrée au Québec de PACK Solutions, une assurtech française spécialisée dans les systèmes d’arrière-guichet. Cet enjeu est d’ailleurs partagé par d’autres entreprises de technologie au Canada.
PACK Solutions veut régler ici les mêmes problèmes qu’elle a solutionnés pour des clients européens. L’entreprise s’est alliée à Desjardins Capital pour y parvenir. Pack Solutions compte également sur l’apport financier de Groupe Siparex, firme européenne de capital-investissement. La filiale québécoise de l’assurtech portera le nom de PACK Assurance Solutions, et sera présidée par Christophe Emprin. Ses deux partenaires financiers en sont actionnaires minoritaires.
« Pour notre filiale québécoise, PACK Assurance Solutions, il existe un environnement de marché favorable à l’impartition des processus métiers de l’assurance de personnes au Canada, avec de grands acteurs confrontés à des problématiques de transformation de leurs systèmes d’information les amenant à envisager la délégation de certains de leurs portefeuilles anciens », a déclaré le président de PACK Assurance Solutions dans l’annonce du partenariat.
M.Emprin ajoute que les assureurs peuvent aussi faire face à de forts pics d’activité sur la gestion des polices qu’ils ne peuvent absorber seuls. « Le logiciel propriétaire de gestion de contrats de PACK Assurance Solutions est adapté à la fiscalité québécoise et il est déjà disponible en français comme en anglais », précise-t-il.
Plus grand besoin en assurance vie
« Il y a une nécessité d’harmoniser, d’industrialiser et d’automatiser », a dit Christophe Emprin en entrevue. Selon lui, cette nécessité est plus grande en assurance de personnes qu’en assurance de dommages en raison de la profondeur historique et de l’ancienneté des contrats et des portefeuilles. Il parle d’un passé lointain, hérité des années 80 voire 70.
PACK veut offrir de la stabilité dans la transition vers de nouveaux systèmes, et aussi soutenir le développement de produits des assureurs. « Notre offre est de dire : “nous pouvons être un intervenant en vous évitant des transformations futures dans vos systèmes d’information ”. Nous pouvons aussi accompagner une compagnie sur une nouvelle offre de produit », dit M. Emprin.
Un support au fardeau réglementaire
« Une avalanche de réglementation est tombée sur les épaules des assureurs européens depuis une décennie », rappelle M. Emprin. Il évoque entre autres le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en Europe, les directives de Solvabilité II et les normes comptables internationales, telle celle des contrats d’assurance aux normes IFRS 17.
Selon ses mots, ce fardeau a « mangé » une partie de la capacité des assureurs à se mobiliser et à investir. « Quand vous gérez sur un vieux système IBM, vous avez une pauvreté des données qui amène une énorme difficulté lorsque vous devez redresser et mettre en conformité un portefeuille », dit Christophe Emprin.
Marché compétitif
Il y aura beaucoup de la coupe aux lèvres pour la filiale québécoise de PACK Solutions. Elle devra faire face à des joueurs solidement implantés dans ce marché au Canada, dont Equisoft, qui a la licence pour offrir au Canada le système d’Oracle appelé OIPA (Oracle Insurance Policy Administration).
Cela n’entame pas les convictions de Desjardins Capital et de Groupe Siparex, partenaires depuis 2018. Cheffe de l’exploitation de Desjardins Capital, Marie-Hélène Nolet a rappelé que le rôle des deux partenaires consiste à favoriser la croissance des entreprises québécoises et françaises de part et d’autre de l’Atlantique. « L’idée est d’amener ici une expertise et des façons de faire différentes », a-t-elle dit au sujet de PACK Assurance solutions. Mme Nolet et Antoine Krug, directeur associé chez Siparex, étaient aussi présents à l’entrevue avec le Portail de l’assurance.
« Ce qui a séduit les gestionnaires en placement privé qui ont investi dans PACK Solutions, c’est qu’elle fait un métier très technique avec des façons de faire et une connaissance pointues de la réglementation et des besoins en assurance. Nous sommes convaincus de cette valeur ajoutée », a renchéri M. Krug. Il n’y a selon lui pas de raison que les assureurs nord-américains n’aient pas les mêmes besoins.
Pour sa part, Christophe Emprin parle d’élargir l’offre. « En France, nous avons été un précurseur avec une offre qui n’existait pas : back-office, système d’information et administration des polices dans un même écosystème. » Il estime que cette approche permet à l’assureur de mutualiser ses coûts, plutôt que de les multiplier en développant chaque fois sa propre approche lorsqu’arrive une nouvelle réglementation.
M. Emprin reconnaît qu’établir un lien de confiance avec de grands clients pour une offre aussi pointue prend du temps. « L’enjeu, c’est la connaissance du marché », estime-t-il. Le président de PACK Assurance Solutions dit toutefois ne pas faire cavalier seul. Mme Nolet a rappelé que Desjardins Capital accompagne PACK « dans la compréhension de l’environnement d’affaires d’ici et la prospection de clients au Canada ».
Christophe Emprin dit également collaborer avec une firme technologique de Québec qui connaît bien les règles du jeu de l’assurance en termes d’arrière-guichet et de réglementation.