Les chercheurs du Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal ont ciblé trois champs d’action dans lesquels le Québec pourrait améliorer sa performance et sa productivité : investir en éducation, stimuler l’investissement privé et favoriser l’innovation.

Dans l’édition 2018 du bilan Productivité et prospérité au Québec, publiée en mars 2019, les chercheurs du CPP tentent d’expliquer le retard du Québec en matière de croissance du niveau de vie de sa population. En théorie, le niveau de vie est déterminé par trois facteurs :

  1. La productivité au travail, soit la richesse générée en moyenne par heure travaillée.
  2. L’intensité du travail, soit le nombre d’heures travaillées par emploi.
  3. Le taux global d’emploi.

La théorie n’est pas validée par la réalité. En analysant les 20 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et les 10 provinces canadiennes, le bilan montre que 95 % de la croissance du niveau de vie mesurée entre 1981 et 2017 a été obtenue par l’amélioration de la productivité au travail.  

Le Québec se classe bien pour l’amélioration du taux global d’emploi, ayant devancé 18 économies durant la même période. Si la productivité au travail avait progressé au même rythme que la moyenne des 20 pays de l’OCDE, le niveau de vie au Québec aurait été de 65 352 $ en 2017, soit plus de 15 000 $ de plus.  Au lieu d’arriver au 24e rang (sur 30), le Québec se serait classé devant les Pays-Bas et tout juste derrière le Danemark, en 9e place.

Les entreprises québécoises à la traine

Le rapport analyse la productivité au travail dans les entreprises, ces dernières concentrant 78 % des heures travaillées. À ce chapitre, dans le classement canadien, le Québec devance les trois provinces maritimes et arrive derrière l’Ontario. 

À la fin des années 1990, le retard de productivité Québec par rapport à l’Ontario s’expliquait par le fait que l’Ontario concentrait son activité économique dans des secteurs qui rapportent plus, tels que les services financiers ou l’automobile. D’ailleurs, à cette époque, si la structure de l’économie québécoise avait été identique à celle de l’Ontario, le Québec aurait affiché une productivité supérieure à sa voisine.

Depuis 2009, cet écart de productivité Québec-Ontario ne s’explique plus par une répartition différente de l’activité économique. Il s’explique « en majeure partie par la faible productivité des industries québécoises », ce qui a de quoi « préoccuper les Québécois », peut-on lire dans le rapport.

De fait, si les deux provinces avaient eu la même structure économique en 2016, le Québec aurait eu une productivité moyenne de 43,97 $ par heure travaillée en 2016, soit 7 % de moins que l’Ontario.  

Le Québec en retard sur tous les plans

Trois facteurs interagissent pour déterminer la productivité, selon les chercheurs du CPP :

  1. La composition du travail, qui mesure la qualité de la main-d’œuvre selon l’éducation et l’expérience.
  2. L’intensité capitalistique, soit la mesure du stock de capital (machines, matériel, infrastructures, etc.) mis à la disposition des travailleurs.
  3. La productivité multifactorielle, un indicateur de l’efficacité conjointe du travail et du capital mesurant l’apport du changement technologique.

Entre 1997 et 2016, la performance du Québec dans ces trois composantes a été inférieure à celle de l’Ontario et à la moyenne canadienne. 

« Ultimement, on comprend que le Québec peut intervenir dans trois champs d’action étroitement liés pour améliorer durablement sa productivité du travail », dit le rapport.

  • Plus de formation des travailleurs. La part des 15 à 19 ans qui ne sont pas aux études (plus de 15 %) demeure plus élevée au Québec comparativement à l’Ontario, au Canada et à la moyenne des 20 pays de l’OCDE. Concernant la part des 25 à 34 ans qui détiennent un diplôme universitaire équivalent ou supérieur au baccalauréat, le Québec arrive au 26e rang du classement, avec un taux de 35 %. Les dépenses en éducation sont toujours insuffisantes pour combler ces écarts. En une décennie (entre 2008 et 2017), la croissance réelle des dépenses budgétaires en éducation par habitant a été de 9 % au Québec, soit la moitié de la moyenne canadienne.  
  • Plus d’innovation. L’innovation passe autant par la recherche et le développement (R-D) en éducation que dans le secteur privé. Encore une fois, le Québec arrive en queue de peloton des 20 pays de l’OCDE pour ce qui est de la part de la population détenant un diplôme de maitrise ou de doctorat. Le Québec traine aussi au bas du classement lorsqu’on analyse le nombre de brevets déposés par million d’habitants. En comparant les dépenses privées et publiques en R-D par emploi en 2016, le Québec est dans la moyenne canadienne. Cependant, le Canada ne devance que quatre pays dans le classement.
  • Plus d’investissement privé. Les entreprises du Québec investissent moins qu’ailleurs. À 8 212 $ par habitant en matière d’investissement privé non résidentiel, le Québec est au bas du classement et ne dépasse que trois provinces maritimes.