Le Québec et le Canada ont des avantages indéniables pour accompagner la transition énergétique des entreprises. Les institutions financières doivent continuer d’aider les exploitants de combustibles fossiles à faire ce même virage, selon Darryl White, président et chef de la direction de BMO Groupe financier

M. White était l’invité du Cercle canadien de Montréal, le 26 octobre dernier. Le président de la Banque de Montréal rappelle que l’institution fêtera bientôt son 205e anniversaire de fondation. « Nos portes sont ouvertes depuis 1817, à environ 50 mètres d’ici, dans des locaux loués sur la rue Saint-Paul », dit-il.

Le premier immeuble de la banque a été construit deux ans plus tard sur la rue Saint-Jacques. Darryl White, qui a prononcé son allocution dans les deux langues, rappelle que sa famille a de profondes racines québécoises. Né en Ontario, il avait un an quand sa famille est revenue vivre au Québec. Il a lui-même élevé ses enfants à Montréal, « l’une des villes les plus intéressantes et diversifiées au monde ».

Le président de BMO souligne les nombreux avantages dont profite le Canada : il énumère la croissance démographique, les ententes commerciales multilatérales, la solidité des institutions, l’engagement de la communauté des affaires envers la réduction des émissions de GES et, enfin, l’énergie propre. 

« Le Canada a beaucoup d’avantages. Même si nous avons à Montréal une équipe de hockey avec le mauvais logo sur son chandail », lance-t-il, soulevant les rires de l’assistance.

Selon lui, Montréal continue d’être une destination de choix pour les gens qui veulent réaliser leur rêve. « Comme mes parents l’ont fait en revenant vivre à Montréal, de nombreuses personnes choisissent le pays pour venir y étudier, fonder une famille et travailler. Nous sommes plus attrayants que tous les autres pays du G7 à cet égard. Nous offrons une société avec des valeurs comme le pluralisme, la paix et la démocratie. La force de notre économie offre l’espoir d’un avenir meilleur », insiste-t-il. 

L’immigration 

Darryl White rappelle que la croissance démographique exceptionnelle de 1,8 % au Canada en 2022 n’est pas attribuable au taux de natalité, mais à l’immigration. « Notre approche à cet égard doit être réfléchie, délibérée et stratégique », dit-il. 

« Au Québec, il faut absolument maintenir l’équilibre entre la croissance, la langue et la culture. Nous pouvons et nous devons trouver cet équilibre. Le Québec a besoin de la croissance démographique qui alimente la croissance économique nécessaire au soutien de notre avenir collectif », ajoute M. White. 

Il note que le vieillissement démographique est plus rapide au Québec qu’ailleurs au pays. Il y a désormais plus de personnes âgées de plus de 65 ans que de personnes de moins de 20 ans au Québec. Et cet écart entre les deux groupes d’âge est le plus important au pays. 

« Il y a environ 1,2 million de personnes qui prendront leur retraite au Québec d’ici neuf ans. Jusqu’en 2026, le vieillissement démographique qui alimente la pénurie actuelle de main-d’œuvre ira en s’accentuant », poursuit-il. 

Avant la pandémie de mars 2020, le Québec venait de connaître cinq années consécutives de croissance de son produit intérieur brut (PIB) nettement plus élevée que les autres provinces. « La croissance de son PIB réel a dépassé la moyenne nationale grâce à une économie novatrice et de nouveaux arrivants qualifiés », précise Darryl White. 

Le français 

« Ces gens veulent être ici précisément pour ce que Montréal a à offrir : une économie diversifiée, une ville cosmopolite et le bilinguisme, qui est perçu comme un avantage », dit-il.

« La langue française et notre culture riche sont des trésors qui rendent le Québec si attrayant. La protection de ces trésors est notre responsabilité commune. Ce n’est pas au gouvernement de le faire, mais à chacun de nous », insiste M. White. 

La BMO exerce ses activités en français depuis sa création tout en offrant des produits et des solutions à l’échelle mondiale, ce que peu d’institutions financières peuvent faire. « Notre engagement à veiller à la prospérité de la langue française à la BMO va bien au-delà de toute exigence juridique. C’est un principe de longue date que nous sommes fiers de préserver », ajoute-t-il. 

La géopolitique 

Le Canada est le seul pays au monde à avoir un accès privilégié au marché de tous les pays du G7, de l’Union européenne et de la région de l’Asie-Pacifique. « Nous avons 15 ententes qui couvrent l’équivalent de 61 % du PIB mondial. Les exportateurs canadiens ont accès à un marché totalisant 1,5 milliard de consommateurs », souligne Darryl White. 

L’ambitieux plan de l’administration Biden pour le climat, qui encourage notamment l’électrification des transports, est une excellente nouvelle pour le Canada. Ce plan inclut une liste de pays auprès desquels les États-Unis peuvent importer les minéraux stratégiques nécessaires à la production des batteries pour les véhicules électriques (VÉ) et véhicules hybrides rechargeables (VHR). 

Selon M. White, le Canada est le mieux placé pour accompagner la transition énergétique et réduire la dépendance américaine envers des pays dont les gouvernements sont plus instables. 

« Nous avons ce que le monde veut ici au Québec. Notre province est la plus riche en lithium au Canada, l’un des minéraux les plus convoités pour les batteries de VÉ », note Darryl White.

Il donne les exemples des projets annoncés par Nouveau Monde Graphite et la modernisation de l’usine de titane de Sorel-Tracy par Rio Tinto pour indiquer que le Canada est « un fournisseur de choix pour les minéraux essentiels provenant de sources durables ». 

« Avec le bon encadrement et les politiques de gestion durable des ressources, en consultation avec les communautés autochtones, nous pouvons offrir la garantie contractuelle que nous serons en mesure de faire aboutir de grands projets et devenir le leader mondial que nous pouvons être », dit-il. 

L’énergie 

La guerre en Ukraine montre « la fragilité de notre système d’échange énergétique mondial. Il importe donc de continuer d’investir dans des solutions dont on a besoin maintenant et pour celles du futur », indique Darryl White. 

En 2021, la banque a créé le BMO Climate Institute, qui réunit des experts de tous les horizons pour chercher des solutions au problème du climat. « Les autres institutions financières devront faire la même chose et nous les encourageons à le faire. » 

Cependant, si la transition est en cours, il faut continuer d’accompagner les exploitants de combustibles fossiles pour qu’ils accomplissent le virage, selon M. White. Les membres de Pathway Alliance, qui représentent 95 % de la production issue des sables bitumineux, ont récemment annoncé un plan d’investissement de 24 G$ pour décarboner l’industrie et réduire les émissions de GES. 

« Au Québec, nous avons la chance de disposer d’abondantes ressources hydroélectriques pour produire de l’électricité de façon renouvelable. Le reste du monde a moins de chance », note M. White. 

Le Canada aurait tout intérêt à exploiter le gaz naturel liquéfié (GNL) « afin de devenir le partenaire de choix de nos alliés commerciaux en leur offrant notamment le GNL le plus propre et le plus éthique du monde. C’est une ressource abondante et disponible ici au Canada », ajoute-t-il. 

Le Conseil mondial de l’énergie parle du « trilemme énergétique ». Le trilemme est une situation où l’on doit choisir entre trois possibilités présentant des désavantages. À cet égard, le trilemme est le choix entre la sécurité énergétique, l’équité énergétique et la durabilité environnementale. 

« Oui, les projets de production de GNL vont effectivement produire des GES au pays, mais ils contribueront à réduire de manière sensible les émissions à l’échelle mondiale en remplaçant les sources les plus sales d’énergie. C’est un compromis, mais il nous faut le considérer pour atteindre un objectif supérieur. Nous n’avons pas le luxe d’agir en nous préoccupant seulement de l’impact à l’intérieur de nos frontières », indique Darryl White. 

Innovation 

Le président de BMO donne les exemples de Boralex, d’Innergex, de Lion Électrique et d’Hydro-Québec pour souligner que le Québec ne manque pas de ressources en innovation pour aider les entreprises à réaliser leur transition énergétique. 

De nombreux fonds d’investissement locaux contribuent aussi au déploiement des sources d’énergie renouvelable, aidés par les grands investisseurs institutionnels comme la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité de la FTQ

« Il y a beaucoup de choses dont le Québec peut être très fier. Nous avons les ressources, les acteurs clés et la capacité d’innovation, ce qui nous ouvre la voie sur la scène mondiale », dit-il. 

Un échange 

Grégoire Baillargeon

Après l’allocution d’un peu plus de 20 minutes, Grégoire Baillargeon, qui est président, BMO Groupe financier au Québec depuis le 1er novembre, a conversé avec son grand patron. Une partie de leur échange a permis d’établir les avantages d’une hausse de la diversité et de l’inclusion à tous les échelons de l’entreprise. 

M. Baillargeon, nommé le 7 juin dernier pour succéder à Claude Gagnon, était auparavant directeur général de BMO Marché des capitaux au Québec. 

La BMO s’est dotée d’un but, d’une mission : avoir le cran de faire la différence (« to boldly grow the good »), note Darryl White en ajoutant que cette locution est plus qu’une affiche sur le mur, même s’il la voit inscrite chaque fois qu’il arrive au bureau. 

« Cela guide nos décisions et nos stratégies. Ça nous donne un but, une finalité. On n’a pas un horizon défini sur 10 ou 15 ans pour y arriver, et on verra si la prochaine génération de dirigeants réussira. On voulait que cela corresponde à ce que nous sommes déjà, mais on veut partir de cette base pour déterminer nos pratiques d’affaires », insiste-t-il. 

Expansion américaine 

La BMO a mis le pied aux États-Unis à la suite de l’acquisition de Harris Bank en 1984. D’autres acquisitions ont suivi, dont la plus récente a été annoncée en décembre 2021 et qui devrait obtenir sous peu toutes les autorisations réglementaires.

Bank of the West a été rachetée auprès de BNP Paribas pour une somme de 16,3 milliards de dollars américains (G$). Environ 70 % des actifs de l’institution fondée en 1874 sont en Californie. La BMO devient ainsi la huitième banque la plus importante en Amérique du Nord et l’une des plus solides au monde, indique M. White. 

La BMO emploie 5 000 personnes au Québec. Darryl White estime que la plus récente acquisition est une bonne nouvelle pour les entreprises clientes. Bank of the West est l’une des plus grandes banques de la Californie.

« Pour les entreprises du Québec, on crée une passerelle unique vers la technologie, l’innovation et le financement des occasions d’affaires. Ça se fera dans les deux directions, car il y a là un écosystème énorme et très développé pour le capital de risque en innovation », ajoute Darryl White. 

La croissance au Québec, « c’est ton boulot » lance Darryl White à Grégoire Baillargeon en le taquinant. « Plus notre croissance est bonne au Québec, plus nous pouvons croître partout ailleurs dans le monde. C’est très important, c’est dans notre sang. On a commencé ici il y a 205 ans et on ne veut pas ralentir, sûrement pas dans cette ville, c’est certain », conclut-il. 

* L’article a été rédigé à partir d’un enregistrement audio de la présentation qui nous a été fourni par les organisateurs.