La hausse des taux d’intérêt et l’augmentation du coût de la vie auront un impact certain sur l’économie du Québec en 2023. Alors que le ministère des Finances prévoyait une croissance de 2 % dans son budget soumis en mars 2023, le produit intérieur brut (PIB) n’augmentera que de 0,7 % l’an prochain, comparativement à 3,1 % en 2022. 

Le ministre des Finances Éric Girard a présenté sa mise à jour économique et financière le 8 décembre dernier à l’Assemblée nationale, juste avant la fin de la courte session parlementaire qui a suivi la réélection du gouvernement Legault. Il a présenté les grandes de cette mise à jour le 16 décembre lors d’un webinaire présenté par le Cercle finance du Québec et l’Association des économistes du Québec (ASDEQ). 

Depuis le dernier budget de mars dernier, l’inflation augmentera les revenus autonomes du gouvernement de 14 milliards de dollars (G$) entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2025. En conséquence, pour aider les Québécois à affronter la hausse du coût de la vie et maintenir leur pouvoir d’achat, le gouvernement crée un « bouclier anti-inflation » totalisant 13,2 G$.

Les premiers 3,5 G$ ont déjà été versés grâce à des remises ponctuelles faites en décembre 2022. Une somme de 600 $ a été remise à 4,6 millions de personnes dont le revenu annuel est de 50 000 $ ou moins, et un montant de 400 $ a été remis à 1,9 million de personnes qui ont un revenu de 50 000 $ à 100 000 $. 

Au printemps 2023, le gouvernement accordera un crédit d’impôt maximal de 2 000 $ à 1,1 million de personnes âgées de 70 ans ou plus. Sur les 8 G$ que cette mesure coûtera à l’État, 65 % seront versés aux aînés dont le revenu est inférieur à 25 000 $.

Enfin, le gouvernement limitera l’indexation des tarifs gouvernementaux à 3 % pour les quatre prochaines années, notamment pour les tarifs d’électricité, les frais de service de garde subventionnés et la contribution à payer en CHSLD. Cette mesure coûtera 1,6 G$ en 2023. 

Pareil ailleurs 

Les données fournies par le ministère des Finances confirment que le ralentissement sera similaire ailleurs. La croissance du PIB réel sera de 0,8 % au Canada et de 0,6 % aux États-Unis.

Le gouvernement du Québec s’attend à une augmentation de l’indice des prix à la consommation de 3,7 % en 2023. Le taux de chômage moyen sera de 5 %, en légère hausse comparativement au creux historique de 4,5 % qui a été atteint en 2022. 

Éric Girard rappelle que les prévisions économiques pour 2023 sont incertaines. En conséquence, une provision pour risques économiques de 8 G$ est prévue pour contrer les effets d’un ralentissement économique plus fort que prévu dans les quatre prochaines années.

Au sens des comptes publics, le gouvernement est déjà en situation d’équilibre budgétaire en 2023-2024, avant les versements au Fonds des générations. En incluant les sommes versées au Fonds, le solde budgétaire sera déficitaire jusqu’en 2027-2028.

Le ralentissement aura un impact sur le ratio de la dette nette sur le PIB, qui atteint 38,1 % en 2022. Au lieu de chuter à 33,9 % en 2027 comme il était prévu, il sera de 34,8 %.

Le poids de la dette brute diminuera à 40,4 % au 31 mars 2023, ce qui est en deçà de l’objectif de 45 % qui était visé en 2025-2026 lorsqu’on a créé le Fonds des générations. La dette représentant les déficits cumulés ne devra pas dépasser 17 % du PIB au 1er avril 2026. Au 31 mars 2022, ce ratio était de 20,9 %. 

Le ministre Girard conclut sa synthèse en soulignant la consultation en cours sur l’avenir du Régime des rentes du Québec (RRQ). « L’espérance de vie en 2030 sera de neuf années de plus qu’elle ne l’était en 1980. Il faut ajuster le RRQ pour mieux considérer le risque de longévité », indique-t-il. 

Baisses d’impôt 

L’économiste Luc Godbout, professeur de l’Université de Sherbrooke, animait les échanges avec le ministre en compagnie d’Emna Braham, directrice générale de l’Institut du Québec. La première question du professeur Godbout portait sur les baisses d’impôt promises par la Coalition Avenir Québec (CAQ) en campagne électorale, un sujet non abordé par le ministre Girard dans sa mise à jour. 

« On a toujours dit que les baisses d’impôt seraient annoncées dans le prochain budget. Le bouclier anti-inflation se limite à cette mise à jour économique », rétorque le ministre. 

Interrogé par Mme Braham à propos du Fonds des générations, Éric Girard souligne que les versements dépasseront les 5 G$ en 2026-2027, si on ne change rien à la formule actuelle. Au 31 mars 2023, le solde du Fonds atteindra 19,1 G$. Ce solde dépassera les 37 G$ au 31 mars 2027, soit une augmentation de près de 100 % en quatre ans. 

Le gouvernement consultera sur la proposition faite par la CAQ en campagne électorale qui visait à limiter les versements au Fonds à 3 G$ par année, afin de se donner une marge de manœuvre. 

Le gouvernement soumettra des changements à la Loi sur la réduction de la dette qui a été à l’origine de la création du Fonds et un nouvel objectif de réduction de la dette couvrira les 10 ou 15 prochaines années. 

Indexation des paliers d’imposition 

Éric Girard rappelle qu’en 2022, le régime fiscal a été indexé de 2,6 % alors que l’inflation atteindra en moyenne 6,8 %. En 2023, le gouvernement indexera les paliers d’imposition de 6,44 %, alors qu’il prévoit une inflation de 3,7 %.

Le ministre des Finances du Québec souligne la conjoncture exceptionnelle du marché du travail où le total des postes à pourvoir est plus élevé que le nombre de chômeurs. En fonction de cela, il dit s’attendre à ce que les entreprises hésitent à faire des mises à pied et choisissent plutôt de ne pas pourvoir les postes vacants. « Cela dit, si le PIB recule de 2 %, c’est sûr qu’il y aura des pertes d’emplois », dit-il. 

M. Girard insiste pour dire que les missions principales de l’État seront bien financées dans les prochaines années, car le gouvernement prévoit un taux de croissance moyen de ses dépenses de 4,7 % d’ici cinq ans. 

« On ne veut pas que la réduction du fardeau fiscal ait un impact sur le niveau des services », indique le ministre. La difficulté qui se présente est de maintenir la vitesse de réduction du poids de la dette sur les dépenses de l’État tout en baissant le fardeau fiscal des contribuables.

En 2022-2023, le service de la dette a grimpé de 21,8 %, atteignant 10,5 G$. Entre 2022 et 2027, le taux de croissance annuel moyen sera de 5,4 % à cet égard, prévoit le ministère des Finances. 

Le gouvernement propose donc de réduire le poids de la dette moins rapidement pour réduire ce fardeau fiscal. La réduction des contributions au Fonds des générations à 3 G$ par année découle de cette intention, explique Éric Girard. 

La baisse d’impôt qui sera rendue possible grâce à cet écart de 2,5 G$ ne devra pas avoir d’impact sur la qualité des services publics, insiste-t-il. Cette réduction du fardeau fiscal, qui devrait être de 1 %, s’appliquera aux deux premiers paliers d’imposition. Elle touchera ainsi 4,6 millions de Québécois. 

« C’est à partir d’un revenu de 70 000 $ par an que les Québécois paient beaucoup plus d’impôt que les Ontariens », dit-il. En l’occurrence et toutes proportions gardées, les Québécois ayant un revenu supérieur à cette somme paient 36 % plus d’impôt que les Ontariens. 

Éric Girard répète que la mesure sera confirmée dans le prochain budget si les consultations prébudgétaires ne le font pas changer d’idée entre-temps. 

L’obsession ontarienne 

Depuis son entrée en poste en 2018, le ministre Girard répète souvent son obsession de réduire l’écart du niveau de vie des Québécois avec leurs voisins ontariens. La comparaison est faite en PIB réel par habitant.

Une section du document financier souligne que cet écart, qui atteignait 16,4 % en 2018, a chuté à 12,8 % en 2022. À l’exception de 2020, année marquée par le début de la pandémie de COVID-19, la croissance du PIB par habitant a été supérieure au Québec pour les autres années.