« Après des décennies de revenus stables, l’industrie des assurances est devenue une industrie destructrice de valeur dans laquelle la moitié des acteurs ne réalisent pas leur coût des capitaux propres », affirment les chercheurs et auteurs du rapport de McKinsey, Creating value, finding focus : Global Insurance Report 2022.   

Les profits économiques sont répartis inégalement parmi les plus grandes sociétés du monde, disent-ils. En effet, celles qui occupent les 10 premiers rangs accaparent 80 % des profits.   

Au Canada, les cinq premiers assureurs vie (selon les primes) détenaient 76 % du marché en 2020, d’après la base de données McKinsey Global Insurance Pools. L’inégalité est moins grande sur le marché de l’assurance non-vie. D’après les données de McKinsey, les cinq premiers assureurs non-vie (toujours selon les primes) détenaient 45 % de ce marché en 2020.   

Aux assureurs qui voudraient se hisser dans les premiers 10 %, les chercheurs de McKinsey suggèrent cinq stratégies qui, si elles sont exécutées avec constance, pourraient les propulser sur la courbe de puissance : réaffecter le capital de façon dynamique entre les différents secteurs ; réinvestir une part considérable du capital dans la croissance interne et l’innovation ; effectuer des fusions et acquisitions thématiques et programmatiques (en évitant cependant les mégatransactions) ; améliorer les marges de souscription ; et apporter des améliorations qui « changeront la donne » en matière de productivité. « Tout cela doit être fait dans un environnement très différent qui change très rapidement. Les points de départ varient grandement d’une région et d’une branche à l’autre », écrivent-ils.  

Les auteurs du rapport se penchent également sur les mégatendances de l’après-COVID-19 qui toucheront les assureurs et font le point sur l’état de l’industrie. Ils affirment que la productivité s’est peu améliorée et que les économies d’échelle se sont avérées insuffisantes. De plus, ils commentent la perception que les investisseurs ont de l’industrie ; énumèrent neuf impératifs stratégiques pour les compagnies d’assurance ; suggèrent des moyens de déterminer les régions et les branches où il est préférable de faire affaire ; examinent la prochaine phase de fusions et acquisitions de l’industrie ; et décrivent la manière dont les assureurs devraient recentrer leurs portefeuilles d’activités respectifs. Enfin, ils concluent le rapport avec neuf questions supplémentaires à l’intention des dirigeants au sujet de la présence géographique de leur société, de ses secteurs d’activité et de son positionnement dans la chaîne de valeur.   

L’état de l’industrie à l’échelle mondiale   

Selon les chercheurs de McKinsey, la croissance de l’industrie est freinée par des facteurs structurels. Ces facteurs sont la faiblesse persistante des taux d’intérêt, les cyberattaques et les pressions sur les prix provenant des sites Web de comparaison et des demandes revendiquant la transparence des frais.   

« La demande naturelle croît lentement sur les marchés établis, ajoutent-ils. Cela est particulièrement inquiétant, car la croissance des économies développées vient surtout des hausses des prix, plutôt que du volume ou des nouveaux risques couverts. L’industrie risque donc de perdre de sa pertinence au fil du temps. »  

Le rapport insiste sur la thèse voulant que l’industrie des assurances soit devenue une industrie destructrice de valeur. « Les RCP moyens de l’industrie sont demeurés stables ou ont été légèrement inférieurs au coût du capital dans les dernières années, notamment en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest. Ce n’est pas seulement le fait de quelques assureurs qui tirent vers l’arrière. Il s’agit plutôt d’un problème généralisé : 54 % des assureurs cotés (qui représentent 52 % des capitaux propres de l’industrie mondiale) ont déclaré un RCP inférieur au coût du capital dans les cinq dernières années, ce qui remet en question la viabilité économique à long terme de leurs modèles d’affaires », peut-on lire dans le rapport. « À l’échelle mondiale, les titres d’environ 50 % des sociétés d’assurance cotées se sont négociés en deçà de la valeur comptable au cours des cinq dernières années. Il y a donc un manque de confiance flagrant envers l’industrie, ce qui remet en question les perspectives à long terme de plusieurs acteurs en tant qu’entités autonomes. »  

De plus, les chercheurs de McKinsey disent que certaines tendances sont assurément en voie de transformer les méthodes de souscription, de distribution et de gestion de l’industrie. La complexité croissante du contexte macroéconomique, la stagnation de la productivité et la rétention des talents sont tous des thèmes et des préoccupations cités dans le rapport.   

Les mégatendances de l’après COVID-19   

Dans l’ensemble, les chercheurs de McKinsey sont d’avis qu’une partie de ces mégatendances est en train de définir un nouveau mode de fonctionnement. « Dans les prochaines années, écrivent-ils, l’industrie mondiale des assurances sera profondément changée par certaines des mégatendances qui ont émergé et se sont accélérées depuis février 2020. »  

Parmi ces tendances, ils mentionnent le découplage des environnements macroéconomiques en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. La pandémie a fait des gagnants et des perdants, puisqu’elle a eu des incidences différentes d’un secteur à l’autre, et même à l’intérieur de chaque secteur. De plus, l’interaction à distance avec les clients et la personnalisation ont forcé les assureurs à investir davantage dans les technologies. « Il se peut même qu’ils aient à modifier considérablement leurs modèles de distribution en repositionnant le rôle des agences, des courtiers et des canaux de vente numériques », peut-on lire dans le rapport.   

Parallèlement, la prise de conscience accrue concernant le développement durable, les changements climatiques et les questions de diversité, d’équité et d’inclusion auront des effets immédiats sur les assureurs, tout comme les changements qui surviendront dans la mobilité et les méthodes de travail. Les chercheurs avancent notamment que la raison d’être et la pertinence des assureurs et de l’industrie seront remises en question.   

 « La pandémie et les problèmes qu’elle a fait naître pour les assurances ont braqué les projecteurs sur l’industrie. Les assureurs voudront peut-être repenser leur raison d’être dans la société et leur pertinence dans l’économie, l’industrie étant de nature à prendre des risques. On dit de l’industrie qu’elle a perdu cette caractéristique dans les dix dernières années, en limitant les types de risques ou de clients qu’elle est prête à couvrir. »   

Outre les questions qu’ils posent aux dirigeants à la fin du rapport, les chercheurs recommandent aux assureurs de recourir à neuf « leviers de valeur ». En voici quelques-uns : faire des questions environnementales, sociales et de gouvernance un élément essentiel de leurs modèles d’affaires ; chercher à couvrir de nouveaux risques ; se concentrer sur la mobilisation de la clientèle et l’expérience client ; interagir avec les écosystèmes et les entreprises de technologie des assurances pour renouveler la création de valeur.