Le régime d’assurance collective doit évoluer pour survivre, a fait ressortir un webinaire de Croix Bleue Medavie intitulé L’adaptabilité, un atout précieux. Les participants y exhortent les employeurs à moduler leurs régimes pour le faire correspondre aux réalités du monde du travail d’aujourd’hui. Selon les échanges entendus par le Portail de l’assurance, la flexibilité et l’innovation axées sur l’évolution du milieu de travail sera un gage de viabilité à long terme des régimes.
« Selon l’Université Yale, l’adaptabilité est l’habilité d’une personne à s’adapter au changement de son environnement. On pourrait ajouter au sujet de notre rencontre qu’il s’agit du rendement obtenu en essayant de nouvelles façons de faire les choses en milieu de travail », a dit en ouverture de session le vice-président régional, développement des affaires de Croix Bleue Medavie, Charles St-Laurent. M. St-Laurent a agi en qualité d’animateur du panel de trois invités.
Pénurie de main-d’œuvre
La pénurie de la main-d’œuvre et les enjeux démographiques ont été d’entrée de jeu au cœur des propos. « Comment faire pour remplacer les 9 millions de personnes qui se retireront d’ici 2030 ? » a lancé à l’ouverture des échanges le spécialiste du leadership et ancien gestionnaire principal en ressources humaines, Pierre Battah.
Aussi communicateur affilié à Radio-Canada à l’échelle nationale, M. Battha a rappelé que la pénurie touche à peu près tous les secteurs à tous les niveaux. « Personne n’y échappe. La bonne nouvelle : nous avons une politique d’immigration beaucoup plus agressive pour essayer de résoudre cela. Mais nous n’avons pas fini de voir notre restaurant préféré fermé tant le mardi que le lundi, puis des vols retardés et annulés… »
Pierre Battah observe que la pénurie se trouve surtout dans les postes occupés auparavant par les 55-65 ans. La pandémie a accéléré leur décision de prendre leur retraite, dit M. Battah. L’immigration ne réglera pas tout, ajoute-t-il. « Dans les années 80, le Canada allait chercher environ 200 000 immigrants par année. Avant la pandémie, c’était 300 000 et nous visons maintenant 400 000. De ce nombre, peut-être les 2/3 ont l’âge de travailler et on doit remplacer 9 millions de personnes. La pénurie continuera d’être la question la plus importante », prévoit-il.
Satisfaire 5 générations
Selon Ariane Pitavy, représentante des ventes, groupes majeurs de Croix Bleue Medavie, la pandémie a accéléré les bouleversements qui ébranlent le monde du travail, mais n’en est pas le carburant. Ces changements étaient déjà en marche bien avant, dit-elle. « L’évolution démographique de notre main-d’œuvre et les modèles de comportement des consommateurs se répercutent forcément dans le milieu de travail. Maintenant, notre main-d’œuvre se compose de cinq générations dont les besoins sont tout aussi diversifiés que leur expérience de vie, et c’est tout un défi pour les employeurs, car les solutions uniques ne suffisent plus », croit Mme Pitavy.
Elle illustre ses propos par l’exemple d’un client de longue date qui voulait revamper tout son régime. Ses conseils lui ont fait réaliser qu’il était préférable de demander plutôt à ses employés quels étaient les points importants pour eux. « Il a constaté le nombre de générations à l’intérieur de son entreprise, et que certains employés seraient par exemple mieux servis par un compte de gestion de santé », explique Ariane Pitavy. Ce type de compte alloue un montant annuel à la discrétion de l’employé pour ses dépenses de soins de santé.
L’analyse des réclamations est un excellent outil pour dégager ces nouveaux besoins, selon la représentante des ventes. « Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que les services de massothérapie, de physiothérapie et les soins de la vue sont les plus utilisés par les baby-boomers. En comparaison, la génération Z utilisera davantage les services de santé mentale », énumère Mme Pitavy.
Présente à la conférence annuelle de l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec (ARASQ) de septembre 2022, elle dit avoir clairement entendu le message suivant : « Les employés veulent davantage d’options, un meilleur contrôle sur la façon dont ils utilisent les montants auxquels ils ont droit dans leur régime, et avoir les moyens d’améliorer leur bien-être. »
Gestionnaire de comptes de Croix Bleue Medavie, Julie-Anne Berthiaume observe pour sa part que les employés expriment trois principaux besoins. « Les employés rechercheront plus de choix, un équilibre travail-famille-vie personnelle et une entreprise dont les valeurs correspondent aux leurs. Ce qui donne lieu à des conversations importantes en matière d’équité et d’inclusion, et oblige les employeurs à trouver des solutions pour promouvoir la diversité en milieu de travail », expose Mme Berthiaume.
Expérience-employé
Revenant sur la question de la pénurie de main-d’œuvre, Pierre Battah constate que les employeurs sont limités dans les moyens d’agir sur cette réalité. « D’où l’importance de l’expérience des employés, de comment on fait pour créer un environnement qui les attire et les incite à rester. Il y a une mobilité des gens qui ont des habiletés en demande, que le travail se fasse à partir de la maison ou sur le lieu d’emploi. » M. Battah croit que les meilleurs employeurs sont ceux qui créeront de la flexibilité pour les employés tout en satisfaisant leurs objectifs de productivité et de résultats.
Comment créer cet environnement ? En faisant en sorte que le travail soit enrichissant, pense Pierre Battha. Selon lui, un travail enrichissant est celui dans lequel le travailleur utilise ses forces. C’est l’élément important à considérer par les employeurs qui songent à l’expérience des employés croit-il.
Il prévient aussi les employeurs de ne pas reculer sur la question du mieux-être, une fois la pandémie passée. « On a nommé des cadres responsables du mieux-être des employés parce que c’était alors nécessaire. Je crains maintenant que l’on recule. » M. Battah dit observer une tendance aux États-Unis où l’on n’offre plus les mêmes ressources que pendant la pandémie. « Souhaitons que la réalité de la pénurie et de la mobilité des gens fasse en sorte que les employeurs continuent de miser encore plus sur la santé et le mieux-être, afin de faire vivre aux gens une expérience qui est la leur », ajoute le spécialiste en ressources humaines.
Matière première
Pierre Battah insiste aussi sur le sentiment d’appartenance à l’entreprise. Il se développe selon lui chez les employés qui se sentent en sécurité, à l’aise et capables d’offrir le meilleur d’eux-mêmes.
Charles St-Laurent a à son tour souligné l’importance de l’expérience-employé, en la qualifiant « d’environnement où l’employé pourra réussir et se sentir supporté par l’entreprise ». « On se rend compte que l’expérience-employé devient pratiquement aussi importante que l’activité principale de l’entreprise. Une transformation du travail s’est produite dans les dernières années : beaucoup d’entreprises œuvrent dans le secteur des services et les employés sont leur matière première », signale le vice-président régional, développement des affaires de Croix Bleue Medavie.
Le moment idéal
Alors que la concurrence s’intensifie pour l’embauche de nouveaux employés, c’est le moment idéal pour les employeurs d’améliorer leur offre de services au sein du régime collectif, croit quant à elle Ariane Pitavy.
Mettre en place un régime qui reflète les divers besoins de sa main-d’œuvre d’aujourd’hui démontre qu’un employeur offre plus qu’un chèque de paie — Ariane Pitavy.
« Les employés ont le gros bout du bâton en ce moment. Ils peuvent changer d’emploi aussi facilement que d’ordinateur, sans changer de chaise. Mettre en place un régime qui reflète les divers besoins de sa main-d’œuvre d’aujourd’hui démontre qu’un employeur offre plus qu’un chèque de paie », soutient Mme Pitavy. Selon elle, un bon régime d’assurance favorise et renforce les comportements positifs des adhérents comme l’adoption d’un mode de vie plus sain.
Ariane Pitavy estime que les régimes d’assurance collective peuvent faire la différence pour attirer et retenir les employés. Elle cite une statistique de LIMRA selon laquelle 63 % des employés sont susceptibles de rester dans leur poste actuel en raison de leur régime d’assurance collective. Elle cite ensuite un sondage de la firme Ipsos selon lequel 73 % des jeunes travailleurs canadiens sont nettement plus susceptibles de changer d’employeur pour obtenir de meilleurs avantages sociaux. Le sondage révèle les caractéristiques qui intéressent le plus les répondants : en première place le soutien en santé mentale récolte 88 % des voix, les comptes de gestion santé en récolte 80 % et les garanties d’assurance facultative 79 %.
L’attrait du compte de gestion santé et des garanties facultatives (options de couverture supplémentaire) « nous ramènent à la volonté des employés de bénéficier d’une plus grande flexibilité dans l’utilisation de leur régime », estime Ariane Pitavy. « Ils veulent pouvoir couvrir un plus grand nombre de besoins, et avoir des options de couverture supplémentaire qui leur permettent d’atteindre des objectifs personnels ou financiers », ajoute-t-elle.
Travail hybride
À la lumière des propos de ses invités, Charles St-Laurent soutient que les façons de faire au moment d’accueillir un employé au sein de son nouveau régime (onboarding dans le jargon de l’industrie) doivent être revues, « même lorsque nous travaillons tous à distance comme maintenant ».
Julie-Anne Berthiaume observe pour sa part que des tendances se dessinent. « La télésanté et le télétravail ont particulièrement touché notre quotidien dans les deux dernières années. “Si la pandémie était survenue il y a 20 ans, nous aurions probablement tous dû continuer d’aller au travail, ce qui aurait eu un impact sur le nombre d’infections”, dit Mme Berthiaume.
Avec le rythme accéléré de développement et d’adoption des nouvelles technologies, il suffit maintenant de posséder un ordinateur et un téléphone intelligent “pour que nos adhérents puissent communiquer avec un médecin de famille, un professionnel de la santé ou tout autre thérapeute depuis leur salon”, note la gestionnaire de comptes de Croix Bleue Medavie.
De leur côté, les employeurs devront accommoder les employés, qu’ils souhaitent revenir, rester à la maison ou adopter une formule quelque part entre les deux. Pas le choix s’ils veulent demeurer compétitifs et attirer les meilleurs talents, rappelle Mme Berthiaume.