La Financière Sun Life assurera le risque de longévité qu’encourt BCE face à ses engagements envers les retraités du régime de retraite à prestation déterminée de Bell Canada. Cette transaction qui couvre des engagements d’une valeur de 5 milliards de dollars (G$) est la première du genre en Amérique du Nord.

Sun Life partage le risque avec un syndicat de réassureurs formé de RGA Canada et SCOR Global Life. Mercer a agi comme conseiller principal dans la transaction.

Le risque que BCE cherche ainsi à réduire est celui de voir des retraités vivre plus longtemps que le prévoient les hypothèses du régime. En vertu de cette assurance longévité, le régime de retraite à prestation déterminée de Bell Canada paiera chaque mois des primes à Sun Life. En contrepartie, l’assureur assumera les prestations des retraités dont la longévité s’étend au-delà d’un certain seuil.

En entrevue au Journal de l’assurance, Robert Dumas, président, Financière Sun Life, Québec, n’a pas voulu dévoiler ce seuil. M. Dumas explique qu’un tel seuil peut varier selon les ententes et qu’il ne sera pas nécessairement identique à l’espérance de vie projetée.

« Prenons l’exemple d’un régime qui compte un retraité dont l’espérance de vie est de 85 ans et que les parties choisissent ce seuil. Le régime de BCE paiera les prestations jusqu’à 85 ans. Au-delà de 85 ans, c’est l’assurance qui paiera les prestations puisque le retraité a excédé le seuil conclu », explique-t-il.

Les transactions du genre se sont faites peu fréquentes à ce jour, observe M. Dumas. « L’assurance longévité est une tendance que nous avons vue émerger du Royaume-Uni, où il y a eu beaucoup plus de régimes terminés. Les employeurs ont voulu en atténuer le risque en cas d’une augmentation de l’espérance de vie », a expliqué M. Dumas.

Au Canada, les employeurs ont cherché prioritairement à prémunir leur régime contre les risques financiers, tels les taux d’intérêt à long terme et la volatilité des marchés, précise-t-il. « Une fois ces risques éliminés, les régimes se tourneront vers les risques démographiques qui peuvent affecter le passif d’un régime, dont la longévité », dit-il.

Les statistiques parlent d’elles-mêmes. « Dans les 40 à 50 dernières années, la population canadienne a gagné en moyenne presque un an en espérance de vie chaque décennie », révèle M. Dumas. Rien n’indique que cette tendance s’atténuera, poursuit-il. « C’est évident que le passif actuariel des régimes à prestations déterminées augmentera et l’employeur veut se protéger contre cette augmentation. »

Partie à l’entente, RGA Canada avait déjà expérimenté les « swaps » de longévité au Royaume-Uni. Plus grande mutuelle d’assurance et de régimes de retraite de cette région, Royal London a conclu une transaction au terme de laquelle RGA International Reinsurance s’est vu transférer un risque de longévité d’un milliard de livres (1,9 G$ CA), lié à quelque 70 000 retraités.

« Au Canada et aux États-Unis, on voit des transactions dans lesquelles les fonds de pension transfèrent une partie de leur risque en achetant une rente collective d’un assureur, explique Robert Mallette, premier vice-président, prestations du vivant et longévité de RGA Canada. Dans ce cas-ci, le régime transfère uniquement le risque de longévité et non des actifs. »

Dans la transaction actuelle, M. Mallette explique qu’il s’agit d’un gros morceau pour un seul assureur. « C’est une des raisons pour lesquelles Sun Life a partagé le risque avec des réassureurs », dit-il. RGA a aussi une expertise notable puisqu’il fait partie des principaux joueurs de ce marché au Royaume-Uni, a ajouté l’actuaire.

Le Royaume-Uni a vu survenir entre 20 et 30 de ces transactions depuis huit ans, souligne de son côté Benoit Hudon, conseiller principal dans cette transaction et responsable de l’innovation du segment de retraite de Mercer. « Le Royaume-Uni a vu l’espérance de vie augmenter à un rythme plus grand que dans les autres pays. De plus, sa réglementation est spécifique sur l’obligation qu’ont les régimes de gérer leur risque de longévité. Nous avons ainsi importé leur solution pour notre client », dit M. Hudon.

La tendance est lancée ici, selon lui. « Je m’attends à ce que ce transfert ne soit pas le seul à survenir. Il y a une incertitude dans l’évolution de l’espérance de vie et les experts croient que sa croissance continuera. La longévité préoccupe de plus en plus les comités de retraite. C’est une tendance à long terme », croit M. Hudon.

Pour sa part, BCE se félicite d’une décision d’investissement qui lui permettra de contenir les couts du régime. « Cette entente constitue une façon novatrice de réduire le risque lié aux engagements en matière de prestations de retraite, car elle prévoit des mesures proactives de protection contre le risque de longévité sans nécessiter le versement de cotisations additionnelles », a souligné Siim Vanaselja, chef des affaires financières de BCE et de Bell Canada.